Les parlementaires, parmi d’autres dignitaires, ont enfin accepté de payer l’Impôt Professionnel sur les Revenus (IPR), après, toutefois, avoir revu à la hausse leurs émoluments. Au passage, ils se sont posé des questions sur les avantages accordés aux anciens chefs d’Etat. Tout le monde dit être dans son droit !
<doc7000|right>Ce vendredi 18 janvier, le ministre des Finances était dans l’hémicycle de Kigobe devant les députés qui analysaient différents projets de loi portant sur l’imposition des revenus des hauts cadres et dignitaires politiques.Et c’est un tour de passe-passe pointé du doigt par certains membres de la société civile. D’un côté les parlementaires ont accepté de payer l’IPR. De l’autre, ils ont augmenté leurs revenus afin que leur salaire net reste inchangé.Les députés ont acté ce changement ce vendredi 18 janvier, lequel a été adopté par le Sénat le lendemain, le 19 janvier.
Flashback : par deux fois, les députés burundais avaient déjà rejeté le projet de loi portant sur le payement de l’IPR par les dignitaires. En 2012, pressés par la société civile, les dignitaires avaient accepté de s’acquitter du payement de l’IPR, moyennant cependant la révision à la hausse de leurs émoluments par le gouvernement. Dans un premier temps, un milliard a été accordé à cette révision, et ce même s’ils n’ont pas payé d’impôt pour l’exercice 2012. La raison avancée par les parlementaires était qu’il n’y avait pas de textes légaux spécifiques légiférant le paiement de cet IPR.
En 2013 et dans un deuxième temps, deux milliards ont été ajoutés. Un montant qui aurait été déduit des budgets des travaux d’intérêt public, pour pouvoir payer l’IPR. Au total, donc, pas moins detrois milliards.
Pour Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME, cette manœuvre est un vol pur et simple : « L’IPR qu’ils vont payer revient à 751 millions mensuellement, alors qu’ils ont revu à la hausse leurs salaires jusqu’à 3 milliards. En définitive, c’est le petit contribuable qui continue, malheureusement à supporter le coût de nos dirigeants », indique-t-il.
« IPR oui, mais on ne touche pas à nos salaires nets ! »
Mais, selon un député qui a voulu garder l’anonymat, le tapage fait autour des moyens que les parlementaires se seraient octroyés est exagéré : « A notre indemnité de logement a été ajouté 300.000 Fbu pour que nous ayons 600.000 Fbu comme les ministres, et c’est tout. De toute façon, si on doit payer l’IPR, on ne doit pas avoir en conséquence un salaire plus bas que celui que nous avions. »
Faustin Ndikumana, président du PARCEM, abonde dans le même sens :« Quand ils ne payaient pas l’IPR, ce n’était pas de leur faute puisque la loi le leur permettait. De toute façon, c’est l’employeur qui paie l’IPR et est redevable devant l’Etat, et non l’employé ». Pour lui donc, il est tout à fait normal que les émoluments des parlementaires aient été augmentés pour qu’ils paient cet impôt : « Mais il reste à savoir que les parlementaires n’en ont pas profité pour exagérer les émoluments qu’ils s’octroient. »
Parallèlement, les députés n’ont pas manqué de jeter un coup d’œil aux avantages accordés aux anciens chefs d’Etat.
Petits cadeaux entre « amis »
Selon une source présente alors, après avoir analysé les avantages accordés à l’Ombudsman à la fin de son mandat, équivalents à ceux des anciens chefs d’Etat, les députés ont voulu savoir à combien s’élèvent ces derniers. D’après le ministre Tabou Abdallah, les avantages accordés aux anciens Chefs d’Etat sont très nombreux.
Par ailleurs, l’Olucome a évalué que,depuis 2004, les avantages accordés aux anciens chefs d’Etat oscillaient autour de3.500.000.000 Fbu par an. Et, pour lui, ces avantages s’expliquent : « A la fin de la transition, Domitien Ndayizeye et les députés de l’époque se sont accordés mutuellement des avantages. Il en va de même aujourd’hui, avec le Cndd-Fddau pouvoir et la majorité des parlementaires qui lui sont acquis, ils se font des cadeaux mutuels. »
Mais Domitien Ndayizeye, ancien président de la République, n’est pas de cet avis :« Quand on dit que nos émoluments sont exagérés, c’est par rapport à quoi ? Tout ce que je sais, c’est que le statut des ex-chefs d’Etat a fait l’objet de beaucoup de discussions au conseil de ministres avant d’être adopté. Il y a eu beaucoup de diminutions par rapport aux propositions initiales », indique-t-il.
Des avantages sur papier seulement
Pour lui, un ancien chef d’Etat doit garder son prestige, tant au niveau national qu’international, et ces avantages suffisent. Mais, précise-t-il, des textes à leur application il y a encore du chemin: « Jusqu’aujourd’hui, je n’ai jamais reçu plus de 900.000 Fbu de la présidence comme sénateur à vie, alors qu’un sénateur à un salaire qui oscille autour de 2 millions. » Domitien Ndayizeye pense que le ministre Tabou Abdallah ignore certaines réalités concernant ce statut des anciens chefs d’Etat, en précisant qu’il a déjà un dossier de réclamation à la présidence, qui n’est pas encore honoré. « Dans les différents budgets de l’Etat depuis 2008, il y a une rubrique ‘arriérés des anciens chefs d’Etat’ qui revient. Pourquoi à votre avis ? »
D’après notre source, ces avantages avancés par le ministre ont été également contestés par Pie Ntavyohanyuma, président de l’Assemblée Nationale, qui a demandé au ministre Abdallah de bien vérifier ses affirmations.
Quant à Jean Baptiste Bagaza, également ancien président de la République, si son statut lui accorde ces avantages, il précise qu’il n’en est rien dans la réalité : « Je ne sais pas s’ils veulent enfin nous régulariser puisqu’ils amènent cette question sur la table. Mais en cas de régularisation, ce sera effectivement beaucoup d’argent» déclare-t-il. Avec humour, il ajoute que le ministre des Finances a bien fait de le rappeler puisqu’ils vont exiger leur dû : « On va réclamer ces avantages car, si nous ne recevons pas ces sommes, nous ne savons pas où elles vont. »
"Les avantages accordés aux anciens chefs d’Etat" …
« Premièrement, ils disent que ce sont des sénateurs à vie et perçoivent un salaire de sénateur. Mais ils disent également que lorsqu’un ancien Chef d’Etat exerce la fonction d’un sénateur, il bénéficie du salaire d’un sénateur. Ils ont donc un salaire relevant du titre de sénateur à vie. La loi dit que pendant les 5 premières années qui suivent la fin de l’exercice, ces chefs d’Etats bénéficient d’ne pension mensuelle égale aux émoluments accordés aux vice-présidents. A l’expiration des ces cinq années, l’ancien président de la République bénéficie, pour le reste de sa vie, d’une pension mensuelle égale aux indemnités accordées à un sénateur. S’il exerce effectivement cette fonction, il perçoit, en plus de cette pension, tous les autres avantages liés à cette fonction. Il bénéficie en outre d’une intendance équivalente à un tiers de celle accordée au vice-président en exercice. »