Le directeur technique, les préfets de discipline et des études ainsi que l’économe de l’ETB rejoignent le directeur récemment limogé pour détournement de fonds. Ils seraient victimes d’avoir dénoncé le directeur et affirment même que leurs vies sont en danger.
« C’est paradoxal ! Au Burundi, on poursuit celui qui débusque un voleur », s’exclame un des quatre membres de l’équipe de direction de l’ETB limogés. Le lundi 22 août 2011, le directeur provincial de l’enseignement (DPE) à Bubanza, appelle Antoinette Ndikumana pour lui signifier qu’elle sera mutée de son service comme Directeur Administratif et Financier (DAF).
Le jeudi 25 août, le DPE Bubanza, Firmin Nikoyagize, l’appelle encore à 7 heures du matin et lui dit que l’équipe de direction sera remplacée pour avoir soutenu l’économe qui dénonçait les détournements de plus de 3 millions par l’ex- directeur de l’ETB Tharcisse Niyongabo. Il aurait juré de les muter loin du chef-lieu de la province Bubanza : « à Ngara et Ntamba, respectivement à 35 et 50 km ». Et il aurait précisé que l’injonction vient des organes dirigeants du parti Cndd-Fdd qui insistait sur les sanctions contre des « Tutsi orgueilleux ».
C’est ce lundi 5 septembre à 17 heures qu’ont eu lieu les remises et reprises entre les équipes de direction entrant et sortant.
Rappel des faits
L’économe a révélé un détournement de 3.586.192 Fbu par l’ex directeur de l’ETB. Suite à une brouille entre eux, une équipe composée de la direction provinciale et deux auditeurs du ministère de l’enseignement de base et secondaire a effectué une enquête. Son rapport a confirmé que Tharcisse Niyongabo est coupable. Il a donc été emprisonné du 11 au 17 juillet au commissariat de la Brigade Anti- Corruption dans la région ouest. Il a été libéré après avoir payé cet argent.
Il est donc revenu à l’ETB comme directeur. L’équipe de direction, certains professeurs et les élèves se sont étonnés qu’un voleur regagne sa place avant que les enquêtes ne se terminent. Le personnel craignait une main invisible qui le soutenait. Ainsi, il a commencé à menacer l’économe et l’équipe de direction qu’il accusait d’être l’origine de son emprisonnement. Sous pression, le ministre Buzingo a pris la décision de le limoger en août. Mais la remise des clefs à son successeur qui assurait l’intérim ne s’est pas déroulé sans difficultés, il avait refusé de les lui remettre, selon des témoins.
Les limogés craignent pour leur sécurité
Ils estiment qu’être destitué est normal. Ce qui est inquiétant, selon eux, c’est qu’aujourd’hui ils sont menacés de mort par des professeurs et personnes des environs de l’ETB, proches de l’ex- directeur Tharcisse Niyongabo : « Nos détracteurs nous demandent de préparer déjà nos cercueils ».
Pour eux, leur destitution est une façon de désorienter les enquêtes à l’encontre de l’ ex- directeur de l’ETB. En plus, ce limogeage collectif des autorités doit avoir des répercutions sur la qualité de l’administration, selon un des destitués : « Il fallait le faire progressivement. » Pour l’autre, une équipe nouvelle, à la rentrée scolaire, c’est anormal : « Au moins un ancien pouvait aider à sa préparation. » Le DPE Bubanza, Firmin Nikoyangize, s’est gardé de tout commentaire à propos.
« Ce n’est pas le Cndd-Fdd qui prend des décisions administratives »
Le président du Cndd-Fdd en province Bubanza, Juvénal Havyarimana, nie toutes ces allégations. Pour lui, le parti présidentiel n’est pas habilité à donner des injonctions au ministre de l’Enseignement Primaire et Secondaire. Et d’ajouter que s’il y a l’un ou l’autre membre de son parti qui intimide ces autorités limogées, il le fait pour son propre compte : « Il faut que la justice décourage ce genre de comportement. »
Selon le gouverneur de Bubanza, Jacques Kenese, en même temps président du conseil de l’éducation au sein de la province, les inquiétudes de ces autorités de l’ETB limogés ne sont pas fondées. Pour lui, si leur ministère de tutelle estime nécessaire de changer toute l’équipe, quoi de plus normal ! Si ces gens saisissent le gouverneur pour la crainte de leur sécurité, il est prêt à exiger leur protection. Ce qu’il ne peut pas infirmer ou confirmer, ce sont ces dires selon lesquelles la décision de les destituer est prise au niveau du parti au pouvoir.
Quant au ministre de l’Enseignement de base et Secondaire, Séverin Buzingo, c’est normal que toute l’équipe de direction soit remplacée. M. Buzingo affirme que cette équipe a été limogée pour la bonne marche des activités de l’école : « S’ils veulent témoigner pour le détournements dont est accusé M. Tharcisse Niyongabo, ils sont les bienvenus, car ils resteront au Burundi. » Il nie catégoriquement que la décision émane du parti au pouvoir. Le ministre Buzingo demande à ces gens limogés de saisir la police pour leur protection s’ils se sentent menacés.