Le sommet de Dar-es-Salaam avait demandé un report des élections d’au moins un mois et demi. Le président de la République a décidé de précipiter et de resserrer les scrutins : élections le 29 juin, le 15 juillet, le 24 juillet. La Ceni est tenue à l’impossible, alors même qu’elle est amputée de deux de ses membres.
Les dates des élections viennent encore de changer, et ce n’est sans doute pas fini. En dix semaines, le président a déjà signé quatre décrets de convocation des électeurs. Le scrutin législatif a été fixé au 26 mai, puis au 5 juin, puis « à une date à préciser », puis au 29 juin.
Va donc pour le 29 juin. Le dernier décret fixe aussi l’élection présidentielle au 15 juillet, mais il oublie de donner une date pour le deuxième tour, ce que le premier décret prévoyait bien évidemment. La précipitation sans doute.
Autre particularité de cette succession rapide de rendez-vous électoraux : la campagne présidentielle va commencer le 25 juin, c’est-à-dire avant les élections législatives et communales ; et comme la campagne législative et communale se termine le 26 juin, nous verrons donc ces campagnes se chevaucher pendant deux jours.
Mais ceci n’est qu’un avant-goût de l’imbroglio dans lequel va nous plonger ce nouveau calendrier : la campagne présidentielle se déroulera pendant la période des recours à la suite du scrutin législatif dont les résultats seront officiellement proclamés le 16 juillet, soit le lendemain du scrutin présidentiel !
Nous laissons ici de côté le scrutin communal pour ne pas trop compliquer les choses, mais il aura lieu aussi bien sûr, et il donnera lieu à des recours et des proclamations qui perturberont encore davantage la vie nationale et les instances compétentes. C’est pourquoi la Ceni avait eu la sagesse, il y a un an, de prévoir un délai d’un mois entre les premiers scrutins, c’est-à-dire le 26 mai et 26 juin. Que reste-il de cette sagesse et de ce calendrier ? Nous baignons depuis des semaines dans la confusion et l’agitation.
Le nouveau calendrier électoral
– 29 juin : les législatives et les communales ;
– 15 juillet : les présidentielles, premier tour ;
– 24 juillet : les sénatoriales.
– ??? : les présidentielles, second tour.
La Ceni est dépassée, la présidence signe des décrets à tour de bras qui s’annulent et se contredisent. Plus le temps passe, plus ces élections relèvent de l’improvisation la plus totale. Ne prenons qu’un exemple : l’affichage des listes de candidats au scrutin législatif. La Ceni est tenue par le code électoral (article 27) d’afficher ces listes dans les centres de vote dès le début de la campagne ; elle ne l’a pas fait le 10 mai (ouverture de la première campagne), elle ne l’a pas fait avant le scrutin reporté au 5 juin, elle ne l’a toujours pas fait au moment où nous bouclons ce journal.
Mais le problème majeur de la Ceni est quand même celui de son amputation. Elle est privée de deux de ses membres depuis le 1er juin. Il ne lui est pas interdit d’organiser des élections dans de telles conditions, mais il lui faut absolument, en vertu du décret du 12 mars 2012 (article 21), remplacer les deux membres manquants d’ici le 1er juillet. Ces deux personnes doivent être nommées par décret après approbation séparée des deux chambres législatives à la majorité des trois-quarts (article 26). Il reste trois semaines au parlement pour réaliser ce tour de force… Ou au président pour signer un nouveau décret changeant encore une fois la donne électorale !
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Le Nouveau Testament de la CENI
Un décret présidentiel est passé inaperçu le 30 mai dernier. La Ceni l’a découvert plus tard, mais depuis elle le brandit comme un texte sacré, comme si ce décret lui permettait à nouveau de fonctionner, à tort et à raison…
Prosper Ntahorwamiye, le porte-parole de la Ceni, a raison quand il nous affirme : «Dire que la Ceni n’est pas au complet et qu’il n’y a plus qu’une seule ethnie et un seul genre ne veut pas dire qu’elle ne peut pas travailler». Exact, mais le décret du 30 mai n’y change rien. Il n’a jamais été question de quorum dans aucun texte fondant la Ceni. Elle peut donc travailler malgré l’absence de l’un ou l’autre membre, peu importe le pourcentage (3/5 ou 4/5) des membres présents au moment de statuer.
Quand la plupart des partis d’opposition affirment haut et fort qu’au regard de la Constitution, les trois membres de la Ceni n’ont plus les prérogatives de statuer sur quoi que ce soit, le porte-parole explique que des consultations sont en cours pour combler le vide et que «en attendant le remplacement des deux dames démissionnaires, l’institution qui s’appelle Ceni continue à fonctionner.» Il insiste aussi sur le fait, à ne pas oublier, qu’il y a les nombreux démembrements de la Ceni.
Et le même Prosper Ntahorwamiye de conclure : «Et puis pour des raisons diverses, même s’il ne s’agissait pas de démission, deux membres de la Ceni peuvent être empêchés, malades ou en mission. C’est pourquoi, des dispositions prévoient comment cette institution travaille quand les cinq membres ne sont pas au complet. Nous sommes devant un cas tout à fait normal ». Le terme « normal » est sans doute excessif, mais force est de constater que le problème pour la Ceni n’est pas tant sa légitimité à organiser les scrutins du 29 juin, que de remplacer ses deux membres manquants endéans le mois de juin.
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La Ceni n’existe plus comme institution
Après la démission de deux commissaires, Me Dieudonné Bashirahishize, vice-président de l’East Africa Law Society indique que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) doit normalement attendre d’être complétée avant de pouvoir continuer ses activités.
« Aux regards des articles 89 et 90 de la Constitution de la République du Burundi, de l’article 3 du code électoral, du décret n°100/076 du 12 mars 2012 portant organisation et fonctionnement de la Ceni en ses articles 1, 6, 10, 11 et 21, cette institution doit être composée par cinq personnalités », explique-t-il, précisant qu’actuellement, elle n’existe plus comme institution.
Pour lui, lorsque la règle du jeu a fixé le nombre d’arbitres, jouer sans organe d’arbitrage au complet est une perte de temps, car les règles de certification des résultats sont bafouées. « Ainsi, continuer à fonctionner à trois au lieu de cinq constituerait une violation fragrante de la Constitution qui condamnerait en conséquence à nullité tous les actes accomplis dans l’illégalité », affirme ce juriste.
Me Bashirahishize compare la Ceni actuelle à un siège de tribunal qui rendrait son verdict avec un seul juge alors que la loi prévoit la collégialité : « Le jugement qui en découlerait serait nul et de nul effet car ayant transgressé des règles substantielles prescrites sous peine de nullité ».
Bien plus, poursuit-il, au moment où l’Eglise catholique s’est retirée des démembrements de la Ceni, comment est-ce que les membres des Commissions électorales provinciales indépendantes (Cepi) seront remplacés dans les proportions contenues dans le règlement d’ordre intérieur déjà adopté conformément à l’article 10 du décret ?
Bref, Me Dieudonné Bashirahishize trouve que cette institution n’est plus en conformité avec la Constitution. Et par conséquent, conclut-il, elle doit suspendre ses activités en attendant la régularisation de sa composition.
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Agathon Rwasa : « Je n’ai jamais été contacté»
Après la démission de Spès Caritas Ndironkeye et Illuminata Ndabahagamye, deux commissaires de la Ceni, Edouard Nduwimana, ministre de l’Intérieur, a affirmé ce lundi, 8 juin, que des tractations sont en cours avec l’opposition radicale pour leur remplacement.
« Moi, je n’ai jamais été contacté », réagit Agathon Rwasa, leader historique des Forces nationales de libération (Fnl) et président de la Coalition ‘’Amizero y’Abarundi’’. Par ailleurs, il pense que s’il fallait mener des tractations, cette question de remplacement ne se résoudrait pas aussi simplement.
Et M. Rwasa de poursuivre : « Je ne pense pas que c’est du remplissage qu’on doit faire. Mais c’est un débat qui doit être ouvert et c’est un défi qu’on doit relever pour instituer une commission indépendante et avoir un processus électoral équitable ». Par ailleurs, conformément à la loi, cette commission n’existe plus : « Si on devait consulter la loi, elle est composée de cinq membres et doit répondre à l’équilibre ethnique et genre », déclare-t-il, précisant qu’aujourd’hui, elle ne compte que trois commissaires, de même ethnie et de même sexe. ‘’ Bref, c’est une Ceni qui n’en est pas une’’.
Alors que le ministre Edouard Nduwimana accuse l’opposition d’avoir boycotté la réunion de ce lundi, le leader historique des FNL affirme qu’il n’y était pas invité. « Ce sont seulement les partis satellites du pouvoir qui étaient conviés à cette réunion », lâche-t-il, affirmant ainsi que par cet acte, la Ceni a démontré qu’elle n’était pas à la hauteur de ses missions.
Des préoccupations & propositions
Agathon Rwasa relève deux obstacles au bon déroulement du processus électoral. « Le premier problème, c’est cette ambition du président Nkurunziza de briguer un 3è mandat », dit M. Rwasa, signalant qu’avec cette candidature, les choses se sont aggravées. Pour les élections, cet opposant estime que la sécurité est une préoccupation majeure, elle doit passer entre autres par le désarmement des ‘’milices’’ comme recommandé par le Sommet des Chefs d’Etat de la Communauté est-africaine (CEA), à Dar-es-Salaam, le 31 mai.
Le ministre de l’Intérieur se donne deux semaines pour réussir cette opération, Agathon Rwasa, n’y croit pas une seconde. « On le connaît. Il a toujours été la voix du pouvoir. Combien de fois ont-ils dit des choses et faire le contraire ? N’ont-ils pas plutôt encouragé ces Imbonerakure », réagit-il. Il rejette ce genre d’illusions et note également qu’il y a des réfugiés qui doivent être rapatriés pour participer aux élections.
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NB: L’article a été rédigé avant le remplacement des deux membres de la Ceni.
ndayicariye inda mbona ufise ndende ntawuzi aho izoguta
petero nk. ntiyibagiye itariki ya 2 ème tour; yateguye ko atayizoba kuko arazi ko yamaze gutsinda au 1 er tour amatora ataraba. Iyo niyo demokarasi y’ibisiga vyiyita inkona.
La CENI n’a jamais été à la hauteur. Les deux dames qui l’ont quitté en ont fait le constant. Les trois qui restent ne sont pas capables de comprendre qu’une telle institution a le devoir de jouer parfois voir même souvent le contre-pouvoir par rapport à l’exécutif. Cela fait partie de rôle institutionnel. Les gens qui composent une telle institution doivent pouvoir tenir tête aux ministres et même au président de la république. Il en va toujours et partout ainsi. Une CENI aux ordres de l’exécutif perd tout de suite son sens.
L’exécutif nomme les membres de la CENI et eux doivent avoir la force morale et intellectuelle de taper sur les doigts de l’exécutif. Et surtout les membre de la CENI doivent veiller à ce que l’exécutif ne vienne empiéter sur les prérogatives constitutionnelles de la CENI. Or nous assistons à des intimidations et des menaces qui sont complètement incompatible à un travail indépendant de cette Institution. Ce job n’est pas une sénicure en soi, c’est un job de combat.