Dans son bel ensemble rouge, et ses chaussures à talons, la sénatrice Libérate Nicayenzi nous reçoit dans son bureau …
<img8004|left>Née en 1957, dans une famille catholique, à Mwaro, Libérate Nicayenzi, n’a jamais souffert de discrimination. Sa famille respectée et bien intégrée, avait même reçu quelques terres de la part du prince Kandeke Michel. C’est également grâce à ce dernier, nous dit-elle, qu’elle a pu être scolarisée. Très vite, la jeune fille se démarque par son intelligence. Et c’est haut la main qu’elle réussit le concours national, appelé autrefois concours interdiocésain. « Sur une cinquantaine d’élèves, il n’y a eu que 6 élèves qui ont réussi ce concours. Partout on disait, il y a une gamine twa qui a réussi », se souvient la sénatrice non sans fierté.
Brillante aux études, mais rejetée par toute l’école
C’est avec le cœur lourd qu’elle s’en va à Kiganda, en province Muramvya, pour faire les études secondaires. « Là bas, les gens n’aiment pas twas », l’avait-on prévenu. Mais, déterminée, la jeune fille ne voulait rien entendre. Puis ce jour où tout a basculé… « C’était un week-end, à l’école, tout le monde a su que j’étais une twa », raconte-t-elle, la gorge nouée. Puis, soudain, les larmes plein les yeux, elle raconte qu’un groupe de jeunes filles l’a alors encerclé et elles ont commencé à la pousser, les unes vers les autres. Depuis ce week-end fatidique, et les élèves et Mme Rebecca (son institutrice), tous l’ignoraient. « En classe, je n’étais présente que de corps. J’étais seule, assise derrière tout le monde. On ne me parlait jamais, l’enseignante ne m’interrogeait jamais » se souvient-t-elle.
Dès la fin de l’année, elle est orientée à Kibumbu, à l’école normale d’économie familiale. Pendant un an, elle sera bien, parmi les siens. Et ses résultats scolaires, sont à hauteur de son bien-être. Mais le répit sera de courte durée, puisqu’elle sera de nouveau réorientée à Kiganda, pour y terminer son cycle supérieur. « Je ne sais pas comment j’ai pu supporter ces moqueries incessantes, cette discrimination jusqu’à la fin de mes études… Cela relève du miracle », confie-t-elle tout simplement.
De l’institutrice à la sénatrice
En 1976, commence une longue carrière d’enseignante à Kibumbu, où elle nouait une relation particulière avec ses petits écoliers, surtout avec les Twa. Convoitée par les Tutsi et les Hutu, elle préférera un twa. « Je voulais fonder une famille modèle pour tous les twa », explique-t-elle. De ce mariage en 1983, naîtront 7 enfants. Sans oublier les 8 enfants dont elle a pris en charge l’éducation. Elle est 2 fois grand-mère et en espère d’autres.
C’est avec l’assassinat de son mari que Libérate Nicayenzi décide de se lancer dans la politique, à l’instar de son mari, notamment pour les droits des Twa. « Il fallait que l’on ait un cadre d’expression, soutient l’honorable. Et son combat, ne tardera pas à porter ses fruits. Aujourd’hui, les Twa sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, avec 3 sièges dans chaque chambre, et un siège à l’EALA. L’association UNIPROBA qu’elle porte à bout des bras est soutenue par plusieurs ONG. Et des ateliers de formations et campagnes de sensibilisations sont organisées : « il faut que les Twa aient conscience de leur condition et de leur place dans le pays »
Des projets d’éducation scolaire ont pu être menés dans 6 provinces, la question du logement a eu une solution, des cartes d’identités leur ont été distribuées, les mariages et naissances sont régularisés, des projets d’élevages sont menés à Ngozi, Gitega, Muyinga, etc.
Aujourd’hui, soutient-elle, nous sommes la communauté twa la plus avancée de la sous région. Même les femmes sont associées à un projet de l’UNIFEM. « Il faut qu’elles comprennent qu’elles ont une responsabilité dans le développement du pays » conclut la sénatrice.