Malgré la volonté d’ouverture à la presse affichée par le chef de l’Etat et ses appels à tous les administratifs à lui emboîter le pas et à communiquer, des entraves à la liberté de la presse, des survivances de la crise de 2015, subsistent. Celles-ci annihilent ou mettent un bémol à cet engagement.
Des journalistes en mission obligés d’avoir le feu vert de l’administration pour faire leurs reportages, des cas de reporters en mission priés de rebrousser chemin ou de journalistes brutalisés, des cas de censure, d’interpellations suite à une info jugée dérangeante, des correspondants obligés de taire certains faits ou de faire valider leurs papiers par certains administratifs, des autorités qui ne répondent qu’à certains journalistes… autant d’entraves à la liberté de la presse.
Ce tableau est loin d’être reluisant, presque aux antipodes de l’engagement ou de la volonté affichée par le chef de l’Exécutif burundais d’assainir ses relations avec la presse. Des relations dominées ou caractérisées par une méfiance consécutive à la crise de 2015 où certains médias se sont retrouvés vandalisés suite à leur prise de position.
Au moment où il se remarque ces quelques entraves à la liberté de la presse pourtant garantie par la Constitution et d’autres textes de lois, le parti au pouvoir fait savoir que la situation n’est pas si alarmante, il reconnaît qu’il y a des améliorations à faire.
Agathon Rwasa, le président du principal parti d’opposition, le CNL, insiste sur ces efforts à mener pour que ce principe fondamental en toute démocratie respectueuse de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression, puisse contribuer à la promotion d’un Etat de droit.
Selon lui, la Loi fondamentale garantit la liberté de la presse et bien d’autres libertés mais c’est au niveau pratique où le bât blesse. « Il y a des limitations et des entraves et c’est soit l’autocensure ou la censure qui s’installent carrément. Ou c’est soit le gouvernement qui tient le monopole de l’opinion ».
« Museler la presse, c’est aller contre tout Etat de droit »
Pour cet ancien chef rebelle qui a troqué son treillis contre un costume, c’est comme si d’autres citoyens n’avaient pas droit au chapitre : « Il n’y a pas de place pour une opinion divergente et c’est très dangereux pour une société qui se veut démocratique. C’est préjudiciable de ne pas écouter l’autre pour sentir ce qu’il ressent et réagir en conséquence », tient-il à souligner.
Pour promouvoir la démocratie, fait-il remarquer, il ne faut pas donner exclusivement la primauté à la parole de ceux qui dirigent le pays. « Il faut qu’ils aient le courage de tendre l’oreille à une opinion divergente parce que parfois c’est cette opinion divergente qui peut leur révéler ce que leurs adeptes ou leurs courtisans n’osent pas leur dire et en agissant ainsi, ils pourraient mieux ajuster leurs actions ».
Agathon Rwasa est formel : « Tenter de museler la presse, tenter de bafouer la liberté d’opinion, ce n’est pas aider le pays à faire des pas en avant en termes de gouvernance, en termes de démocratie, en termes de réalisation des rêves des uns et des autres. Celui qui domine risque d’imposer sa volonté qui n’est pas nécessairement la plus positive par rapport à la volonté des autres. Et il y a risque de plonger dans un Etat où règne la loi de la jungle ».
Au moment où l’Exécutif brandit son slogan, ‘’’Jamais sans les médias’’, cet opposant fait savoir qu’il ne faut pas trop se fier aux slogans. « Il faut plutôt voir ce qu’il y a comme actions sinon les slogans, c’est toujours positif mais la réalité est toute autre ».
Agathon Rwasa appelle le président de la République, qui est garant de la Constitution, à faire un effort pour recadrer la situation. « C’est son devoir de rappeler à l’ordre ses collaborateurs pour qu’il n’y ait plus d’entraves à la liberté de la presse, à la liberté d’expression, malheureusement cela semble de se confirmer plutôt que ce sont des discours non officiels qui deviennent plus officiels ».
Pour Agathon Rwasa, « l’Etat de droit, c’est au bout des lèvres, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, c’est au bout des lèvres, le droit à ce ci à cela, c’est au bout des lèvres, de la poudre aux yeux pour que les yeux ne voient pas exactement ce qui se passe ».
« Il y a eu des améliorations notables »
Malgré ce tableau sombre, Nancy Ninette Mutoni, porte-parole du parti Cndd-Fdd soutient que la liberté de la presse au Burundi est une réalité, qu’il y a eu des progrès.
« Il y a eu des avancées significatives en matière de liberté d’expression et de liberté de la presse en particulier. Nous reconnaissons le rôle primordial joué par les médias. La liberté de la presse est fondamentale pour la promotion de l’Etat de droit en démocratie et ici au Burundi, l’état des lieux est satisfaisant même si c’est un combat de tous les jours pour gagner encore plus », tient-elle à souligner.
La porte-parole du parti au pouvoir avoue qu’il est difficile de passer sous silence certaines entraves à cette liberté de la presse. « On essaie de corriger et travailler avec les parties prenantes ».
De toutes les façons, reconnaît-elle, comme les lois ne sont pas restrictives de la liberté de presse, c’est déjà un acquis sur lequel on peut construire un dialogue permanent avec la presse.
« Jusque-là je ne ferais que féliciter toutes les parties prenantes qui font que nous soyons à ce niveau de liberté et d’action parce que qui dit liberté dit aussi les actions positives qui en résultent et nous félicitons donc toutes les parties prenantes qui agissent pour qu’il n’y ait plus de rétention de l’information ».
Pour Nancy Ninette Mutoni, il y a ouverture de la part des responsables qui sont les sources premières de l’information bénéfique pour le peuple dans son aspiration et il y a lieu de se réjouir des efforts fournis.
Quand on connaît le rôle clé qui revient à la presse dans le renforcement et la consolidation de la démocratie, note-t-elle, nous lançons un appel à toutes les autorités, toutes les sources d’information à ne pas faire de la rétention de l’information car le peuple à besoin d’être éclairé.
« Les citoyens burundais ont besoin d’entendre la voix autorisée qui donne l’information et nous saluons le professionnalisme, le journaliste citoyen, le journaliste qui accompagne le développement et qui répond au besoin du peuple ».
Pour la porte-parole du parti au pouvoir, les voix dissonantes en démocratie sont nécessaires. « Au Cndd-Fdd, nous sommes pour la liberté d’expression. Chacun doit faire ressortir son avis, son opinion mais de façon constructive, de façon à ce qu’il y ait choc des idées pour faire jaillir la lumière. C’est important aussi que tout le monde ait sa place et la connaisse. Nous sommes pour la liberté mais pas pour le libertinage ».
Réactions
Gérard Ntahe : « L’objectif du journalisme n’est pas de plaire.»
Au moment où il arrive que des administratifs demandent à certains correspondants de leur montrer leurs papiers avant la diffusion, Gérard Ntahe, juriste spécialiste des médias, est catégorique : « Montrer le produit de ses investigations à une autorité quelconque avant sa publication, ce n’est plus du journalisme mais de la censure. L’objectif du journalisme n’est pas de plaire mais d’investiguer et de donner des informations utiles qu’elles plaisent ou pas parce que les informations ne doivent pas nécessairement plaire ».
Laurent Kaganda : « Le CNC est satisfait mais… »
Pour le vice-président du Conseil national de la communication, Laurent Kaganda, cet organe de régulation des médias apprécie les bonnes relations avec les responsables des médias.
« Les choses n’ont pas été ainsi ces derniers temps car certains médias avaient adopté d’autres attitudes, emprunter d’autres chemins. Aujourd’hui, il y a des rencontres non pas pour s’accuser mutuellement mais pour échanger et corriger ce qui n’allait pas, se prodiguer des conseils ».
Selon lui, même si le CNC est satisfait des défis ne manquent pas : « Des fautes professionnelles sont notées ici et là, les unes d’ailleurs plus graves que les autres. Le CNC organise des rencontres pour corriger ce qui peut l’être en temps utile et ainsi pouvoir avancer sur un terrain assaini ».
Le problème en Afrique noire c’est que la plupart des journalistes sont financés de l’extérieur par des pays dont les intérêt vont à l’opposé de ceux des burundais.Nous ne voulons de journalistes vendus à la France ou d’autres pays pour nous pondre des articiles qui nous divisent ou menacent la stabilité de ceux que nous avons élu et tenez-vous bien avec notre propre argent parce que l’élection a été financé par les burundais.Aucun franc de l’extérieur donc aucun risque d’influence.
Pour plus de transparence les journalistes doivent déclarer leur financement extérieur.Sinon ils vont travailler pour celui qui leur aura donné de l’argent ou qui les aura acheté et non plus dans l’intérêt de notre pays.Oui à la liberté mais pas pour vendre notre cher pays,le seul que dieu nous a donné.
Pays le plus pauvre du monde, problématique de gouvernance et la liberté de la presse devient un casse-tête!
Quand on est au pouvoir, rappelez-vous de la chanson de feu Matata : amaso akunda ntabona neza,…