<doc7547|right>Avec la sortie de prison de Hassan Ruvakuki, je suis de ceux qui croyaient – naïvement je dois le reconnaître aujourd’hui – à une nouvelle ère entre les médias et le pouvoir en place.
Je peux dire, sans entrer dans les détails, que nous sommes une petite poignée de responsables des médias à avoir cru dans la bonne foi du gouvernement dans son désir d’apaiser les tensions.
Ainsi, à la veille du départ du président Nkurunziza en France, nous avons tout fait pour dégeler les relations entre les médias et le gouvernement.
Mais apparemment, ce n’était qu’une parenthèse, pour la consommation externe. L’agenda du pouvoir contre les médias indépendants est toujours le même. L’adoption de la nouvelle loi sur la presse balaie mes dernières illusions.
Une loi vague à souhait … Posons la question crûment : quel espace nous reste-t-il avec cette loi sur la presse ? Sur quoi pouvons-nous encore enquêter avec un texte qui interdit la diffusion d’ "informations ou (…) documents» en rapport avec «le secret de Défense nationale". Que recouvrent ces mots ?
Un article sur la corruption touche évidemment « {la monnaie et le crédit public} ». C’est sûr, un détournement public « porte atteinte au crédit de l’Etat et à l’économie nationale»… Un journaliste qui enquêtera sur ces faits tombera sous le coup de cette loi. C’est grave. En fait, c’est une loi vague à souhait, pour pouvoir y fourrer tout ce que l’on veut.
{Gorge profonde} : Cette nouvelle loi nous oblige à révéler nos sources. Or, la protection des sources est une règle essentielle du métier. Un petit exemple. En 1972, la police surprend dans l’immeuble du siège du Parti démocrate, le Watergate, à Washington, cinq espions en train de poser des micros.
Les journalistes Woodward et Bernstein du Washington Post démontreront, grâce à un mystérieux informateur surnommé « gorge profonde », que ces individus opéraient pour le président républicain Richard Nixon. Le président est tombé après. Les journaliste n’ont jamais révélé leur source. Un journaliste doit protéger ses sources, à tout prix. « Gorge profonde » se dévoilera, en 2005 , soit 33 ans après.
Kigobe, combien de « licenciés » ? Cette loi a même un petit côté burlesque. Elle oblige en effet « tout journaliste d’avoir un diplôme de niveau licence, au minimum. » Puisque les députés sont obnubilés par la formation universitaire, ils devraient d’abord faire le ménage chez eux.
Il serait intéressant de connaître la proportion de députés détenteurs d’un grade universitaire. Les textes étudiés au parlement étant rédigés en langue française, à voir certains cursus, on est en droit de se demander s’ils sont compris par tous nos élus…
Et puis, franchement, que signifie un diplôme de licence ? Un diplôme marque moins la fin des études, qu’une étape dans un processus permanent d’acquisition d’un savoir-faire permettant de se lancer pleinement dans une carrière professionnelle.
Les députés posent mal le problème. Le diplôme n’est que le début de quelque chose. Le processus de formation ne s’arrête pas avec le diplôme. Théoriquement, un licencié a acquis un ensemble cohérent de compétences. Ainsi, une licence seule ne fera jamais un bon journaliste.
Dans ce métier, rien ne vaut le terrain, l’expérience et surtout une grande morale.
Une chose est sûre . Avec cette nouvelle loi, les médias indépendants au Burundi entrent dans une zone de turbulence. Nous allons devoir résister. Les jours à venir seront difficiles pour les journalistes indépendants au Burundi.