Mercredi 21 août 2024

Économie

Libéralisation du commerce du sucre : entre satisfaction et inquiétude

21/08/2024 0
Libéralisation du commerce du sucre : entre satisfaction et inquiétude
La commercialisation du sucre est libéralisée par une ordonnance conjointe du ministère du Commerce et celui des Finances

Une ordonnance conjointe du ministère du Commerce et celui des Finances libéralise la commercialisation du sucre. Pour certains, c’est une mesure salutaire. Pour d’autres, il s’agit d’une mesure qui risque d’alimenter des spéculations sur ce produit devenu rare.

Le jeudi 8 août 2024, le gouvernement du Burundi a annoncé la libéralisation du commerce du sucre sur le territoire national. Il ressort d’une ordonnance conjointe sortie par le ministère des Finances, du Budget et de la Planification économique et celui du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme que « le coût du sucre produit localement ou importé est fixé en fonction du coût de production ou du coût d’importation ».

Aussi, l’ordonnance annule toutes les autorisations d’importation avec exonérations déjà octroyées aux importateurs du sucre. Ces derniers sont priés d’introduire une nouvelle demande selon les conditions qui seront fixées par le ministère ayant le commerce dans ses attributions.

L’ordonnance intervient au moment où le sucre est devenu une denrée rare qui alimente des spéculations autour d’elle. Certains Burundais ne se rappellent plus quand ils ont acheté le dernier kilo du sucre. Pour obtenir deux kilos, on doit faire la queue pendant des heures et quelques fois on rentre bredouille. Dans certains quartiers, la présentation d’un cahier de ménage et la preuve de participation aux travaux de développement communautaire est requise.

Cette décision est salutaire pour les uns. « La libéralisation du commerce du sucre est prometteuse car elle permet à tout opérateur économique capable d’importer ce produit de le faire. En ce qui concerne le prix de vente, l’opérateur peut se baser sur le prix d’achat et le prix de revient pour fixer le prix », se réjouit par exemple un commerçant au marché de Kamenge.

Pour d’autres, la décision est désolante car ce n’est pas la première fois que des tentatives pour augmenter la quantité du sucre sur le marché sont annoncées. Le manque de devises suscite également des inquiétudes. « Ces importateurs pourront le faire en francs burundais ? Les répercussions de la pénurie récurrente du sucre ont été si importantes. Nous vivons dans un désespoir sans précédent », se désole un habitant de la zone urbaine de Gihosha.

« La nouvelle ordonnance n’apportera pas de changements significatifs. C’est plutôt une libéralisation de la spéculation dans le commerce du sucre. Aucun espoir pour les consommateurs », commente un autre.

Alfred Ndikumana est un habitant de la zone urbaine de Bwiza, en mairie de Bujumbura. Il s’interroge sur le bienfait de cette mesure. « Est-ce que la libéralisation de la commercialisation du sucre est venue pour faciliter le consommateur ? Attendons pour voir ».

Un importateur rencontré est dubitatif. Il estime qu’il est très difficile d’importer le sucre sans exonérations avec le manque criant de devises. « Plus de 50% des importations sont assurés par le marché noir. A ce moment, le sucre arrive au marché à un coût élevé. Qui va se le permettre ? C’est problématique ».

D’après un autre importateur, le gouvernement veut échapper à sa responsabilité afin de la jeter sur les autres. Le sucre est un produit stratégique, dit-il, qui doit être géré avec efficacité. « Même aujourd’hui, un kilo de sucre peut se vendre à 8 000 FBu. Comment sera la situation avec ce manque de devises? Malheurs aux consommateurs car le commerçant doit avoir son profit ».

Tous les efforts pour l’extension et la modernisation de la Sosumo afin de booster la production de cette usine qui a diminué depuis des années n’ont pas abouti. La plus récente est le partenariat signé entre la Sosumo et la société ougandaise Sarrai Group. Ce partenariat est resté lettre morte.


Réactions

Noêl Nkurunziza : « Une mesure louable mais qui nécessite des mesures d’accompagnement pour éviter la spéculation »


L’Association burundaise des consommateurs, Abuco apprécie l’ordonnance. Elle trouve en effet qu’elle pourra permettre à tout commerçant qui le peut d’importer et de commercialiser le sucre. « C’est une mesure qui permettra de rendre disponible le sucre à un prix abordable par le consommateur. Une fois bien contrôlé, le sucre sera disponible dans le pays et à un prix accessible pour l’intérêt de tout le monde », se réjouit Noêl Nkurunziza, porte-parole de l’Abuco.

Il salue également l’annulation des exonérations déjà octroyées car elles risqueraient de fausser la réalité des prix sur le marché. Dans ces conditions, ajoute-t-il, les autorités en charge du commerce seront devant leur responsabilité quant au prix réel, réaliste et abordable selon le pouvoir d’achat du consommateur. « Il faut un suivi pour maîtriser tous les paramètres autour de l’importation du sucre afin de pouvoir déterminer le prix du sucre vendu au consommateur ».

Il s’agit aussi d’une mesure également qui présente des inconvénients si elle n’est pas bien cadrée. C’est notamment la fixation unilatérale du prix du sucre sur le marché hors tout contrôle. « Dans ce cas, le consommateur n’aura pas finalement la liberté de choix. Les commerçants fixeront des prix exorbitants et les consommateurs ne profiteront pas des retombées escomptées de cette ordonnance conjointe ».

C’est pourquoi Noêl Nkurunziza lance un appel aux deux ministres de suivre de près l’approvisionnement du sucre dans le pays et de voir le prix d’achat pour pouvoir déterminer la marge bénéficiaire. « Si l’ordonnance est venue pour alléger le fardeau du consommateur, ce dernier doit réellement en bénéficier. Ses droits doivent être protégés ».

Il invite également les commerçants à ne pas profiter de la situation pour spéculer sur la commercialisation de ce produit.

Jean Nduwimana : « On risque d’observer des flambées des prix du sucre sur le territoire national »

Pour l’Olucome, la libéralisation de la commercialisation du sucre risque d’alimenter des spéculations dans les conditions actuelles. « Le prix du sucre sera fixé selon le coût d’importation ou de production. Nous voyons que cette politique n’est pas efficace pour redynamiser le commerce du sucre. Nous demandons qu’il y ait une production interne suffisante et une gestion efficace. Le Burundi manque cruellement des devises et les importateurs doivent s’approvisionner sur le marché noir à un taux élevé. Tout cela doit se répercuter sur le consommateur », s’inquiète Jean Nduwimana, porte-parole de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques, Olucome.

Il considère également que l’annulation des exonérations déjà octroyées vient ajouter le drame au drame. Il rappelle que le sucre est devenu très rare malgré les exonérations pour son importation. « En conséquence, le prix sera en hausse pour ne pas subir des pertes. Au niveau de l’Olucome, nous recommandons de garder les exonérations. Il y a une forte demande de sucre. Raison pour laquelle le gouvernement doit prendre des mesures efficaces ».

Jean Nduwimana pense que cette ordonnance conjointe cache la vente de la Sosumo après plusieurs tentatives. Il indique que l’Olucome a toujours suggéré au gouvernement de redynamiser la seule société publique pour bien satisfaire toute la demande. Il parle notamment de l’amélioration de la production par l’accroissement du financement, l’extension et la modernisation de la Sosumo.

L’Olucome considère que le gouvernement n’a jamais pris au sérieux la question de la diminution de la production de la Sosumo depuis des décennies. « La production du sucre est insuffisante car la Sosumo n’a pas été bien gérée afin de servir tous les Burundais ».

M. Nduwimana maintient son appel au gouvernement pour mener une politique efficace afin de redresser la Sosumo. Il s’agit d’un joyau abandonné.

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