Ce 5 février, le Burundi s’arrêtait quelques instants pour se souvenir et retisser les liens entre les différentes communautés du pays. Mis en place en 1991, ce jour de l’Unité nationale n’est pas nécessairement connu de tous. L’occasion de tendre notre micro à l’historien Emile Mworoha.
<doc7093|right>{La journée de l’unité a été créée en 1991, dans un contexte particulier. Y a-t-il eu des progrès dans ce contexte là ?}
Je dirais que oui. En adoptant la charte de l’Unité nationale, le principe s’est retrouvé dans la Constitution. Chaque président, qui prête serment, jure de sauvegarder l’unité nationale. On a réparti les forces dans chaque assemblée, chaque parti, dans l’armée, rassemblant ainsi les Hutus et les Tutsi. Tout cela travaille dans l’idéal de cette unité nationale.
{Ce référendum a eu lieu en 91, depuis le pays a traversé une autre crise. Du coup, ce jour particulier a-t-il encore un sens aujourd’hui ?}
Bien évidemment ! Une politique de consolidation de l’unité nationale, tout comme pour la démocratisation, c’est un processus. C’est un idéal, un enjeu de l’édification de la nation burundaise.
{Vous abordez la question du développement dans la durée, on constate pourtant que dans les écoles secondaires, cette journée de l’Unité nationale ne fait pas l’objet d’un chapitre particulier, cela vous étonne ?}
Je dois dire que je ne connais pas suffisamment le programme des cours de civisme à l’école secondaire. Ca m’étonnerait que l’on n’en parle pas du tout….
{La question est abordée mais pas spécifiquement …}
Mais on en parle à l’Université, en première année. Il est très important d’en parler et de se concentrer sur cette thématique.
{Avez-vous l’impression que l’on assiste aujourd’hui à une réappropriation politique du jour de l’Unité nationale ?}
Je pense bien parce que le fait-même que cela figure dans la Constitution, que le président de la République s’engage à sauvegarder l’unité nationale, que des mécanismes soient mis en place pour un partage du pouvoir,… tout cela participe à l’apprentissage, à la construction de cette politique d’Unité nationale. Bien sûr, toute politique doit être consolidée. Et le message délivré par le chef de l’Etat, invitant les Burundais à participer à cette unité, renforce justement ce processus.
___________________________
Histoire d’une fête : Le Burundi a traversé toute une série de crises qui commence avec l’accession à l’indépendance marquée par l’assassinat du prince Louis Rwagasore et quelques temps après, celui du premier ministre hutu Pierre Ngendandumwe. Ces crises vont être liées aux luttes entre les élites hutu et tutsi. A cela, il faut ajouter la crise rwandaise de 1959 et le massacre des Tutsi, la fin de la monarchie, les réfugiés, bref tout un contexte. S’ensuit la tentative de coup d’Etat contre la monarchie en 1965 et le massacre de Muramvya. C’est lors de ces premiers événements que des gens vont mourir à cause de leur ethnie ! 1972 va renforcer cette cassure entre les composantes de la société burundaise. Et puis, d’autres violences en 1988 centrées surtout dans le Nord du pays avec les crises de Ntega et Marangara.
D’après l’historien Emile Mworoha, face à cette situation, il y a eu la création d’une commission chargée d’étudier la question de l’unité nationale. Cette commission est composée de manière paritaire : 12 hutus, 12 tutsis. Un rapport est établi et parmi les recommandations se trouve l’adoption d’une charte de l’Unité nationale pour que les Burundais cessent de s’entre-tuer.
Cette charte est donc élaborée et puis adoptée par référendum le 5 février 1991. A partir de ce moment-là, a été décidée la construction d’un monument de l’Unité nationale à Vugizo. Depuis, le 5 février a été décrété férié.