L’Institut Africain de Leadership (AALI) en collaboration avec l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) a organisé, vendredi 10 novembre un dialogue de haut niveau sur les technologies pour la transformation de l’agriculture africaine. Les participants ont recommandé de mettre en place une plateforme régionale pour juguler le défi lié à la contrefaçon et trouver des stratégies pour développer le secteur semencier en harmonisant surtout les lois sur les systèmes semenciers dans la région.
Organisé sous le thème : « Technologies pour la transformation agricole africaine (TAAT), dans la Communauté de l’Afrique de l’Est : Vers un système semencier efficace et la mise à l’échelle de technologies de haute performance pour la transformation de l’agriculture en Afrique de l’Est »,
Cet atelier a connu la participation des experts et chercheurs dans le domaine agricole en général et dans le système semencier en particulier.
Selon les organisateurs, ledit dialogue avait comme objectif principal d’établir et de renforcer le partenariat entre les pays de la Communauté Est Africaine dans le secteur semencier.
Dès l’ouverture du dialogue, plusieurs orateurs se sont succédé sur l’estrade pour exprimer leurs préoccupations liées au développement des technologies pour la transformation de l’agriculture en Afrique.
Prenant la parole, Dr Patrick a fait savoir que le secteur semencier reste un domaine peu connu et peu développé. Et d’inviter les participants à mener des discussions fructueuses sur ce secteur.
« La BAD est un bailleur de fonds qui a une politique, une stratégie de nourrir l’Afrique à travers la transformation profonde de l’agriculture africaine. Et cette transformation doit être résiliente aux changements climatiques, à la nutrition et à l’économie familiale », a indiqué un représentant de la BAD.
Cette politique de la BAD, a-t-il souligné, a encouragé et permis à ce que tous les pays élaborent et commencent à mettre des politiques appelées compacts basées sur cette transformation de l’agriculture africaine.
Pour lui, cette transformation ne peut pas se faire sans que les producteurs grands et petits du secteur privé, du gouvernement, du secteur technique et financier ne mettent ensemble leurs efforts, leurs ressources pour assurer la sécurité alimentaire des populations africaines et améliorer leurs conditions de vie.
« L’accès aux intrants performants de production, dont notamment les semences améliorées, certifiées, c’est une des conditions pour réussir cette transformation de l’agriculture africaine », a-t-il martelé.
« Nous sommes heureux d’être en partenariat avec de nombreux pays et institutions et nous espérons vivement que ce partenariat sera une voie à suivre pour que l’Afrique soit dans une situation de sécurité alimentaire », s’est réjoui Mr Yarama, Coordonnateur de TAAT en Afrique de l’Est.
Il a fait savoir que le projet TAAT est financé par la Banque Africaine de Développement. Et ceci, a-t-il précisé, dans le but d’arrêter une stratégie pour développer une technologie pour la transformation de l’agriculture.
« La stratégie de ladite Banque vise à catalyser la mise à l’échelle des technologies dans les projets des pays de la région, en particulier ceux qui bénéficient d’investissements de la Banque africaine de Développement et ceux qui bénéficient d’investissements financiers d’institutions financières internationales », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, a-t-il poursuivi, il existe un consortium qui travaille dans 4 pays. Et d’expliquer : « Il s’agit d’un écosystème comprenant des institutions agricoles internationales telles que la BAD. Nous traitons également avec le secteur privé ».
Ouvrant le dialogue, Fidèle Gahungu, directeur général de l’Office national de contrôle et de certification des semences (l’ONCCS) a invité les participants à la rencontre à mettre à profit les connaissances acquises pour développer le secteur agricole dans leurs pays respectifs.
« Sans les semences améliorées, certifiées, l’on ne peut pas s’attendre à une bonne production », a-t-il rappelé.
Quid du processus de production, certification et distribution des semences ?
Au Burundi, une institution jeune
« Toutes les semences de la première génération sont produites par les instituts de recherche en l’occurrence l’Institut des Sciences Agronomiques du Burundi (ISABU) et les semences de deuxième génération sont produites par une équipe de multiplicateurs privés qui sont agrées par l’ONCCS », a indiqué Fidèle Gahungu.
Tous les multiplicateurs des semences une fois agréés, a-t-il expliqué, sont invités au niveau du département technique pour vérification pour s’assurer réellement si les déclarations qu’ils ont faites au moment de la demande d’agréement rencontrent la vérité.
Une fois les champs installés, a-t-il poursuivi, il y a des inspections qui se font. « Nous faisons trois inspections par cycle végétatif. Et après nos agents de laboratoire passent au niveau des infrastructures de stockage des semences pour prélever des échantillons pour les analyser au laboratoire avant de délivrer le certificat qui atteste si réellement la semence en question c’est une semence de bonne qualité », a-t-il précisé.
Si on trouve que la semence est de bonne qualité, a-t-il informé, il s’en suit l’emballage et l’étiquetage pour protéger les utilisateurs finaux de ses semences parce que dans le temps il y en a qui produisaient des semences de mauvaise qualité, mais qui les faisaient passer pour des semences de bonne qualité.
Selon lui, avec l’emballage et l’étiquetage, il n’y a pas moyen que les multiplicateurs puissent tricher.
Pour le cas du Burundi, le défi majeur reste l’insuffisance du personnel. « Notre institution est jeune. Les ressources humaines restent insuffisantes », a déploré M. Gahungu.
L’Ouganda, un système au départ compliqué
« Avant 2019, nous avions un système compliqué où les comités de variétés bénéficiaient du soutien du ministère de l’Agriculture », a fait savoir le représentant de l’Ouganda. Cela est devenu compliqué à cause de la question de la qualité des semences.
Et de préciser qu’il a fallu examiner le cadre juridique qui existait pour développer ce qu’il a appelé le système de protection des variétés de plantes.
L’autre cadre juridique examiné, a-t-il ajouté, était le Traité international sur les plantes, la Convention sur la diversité biologique, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Protocole d’Arusha sur la protection des nouvelles variétés de plantes de 2015.
« Nous avons également une loi sur la protection des variétés de plantes de 2014. Avec celle-ci, nous développons ce que nous appelons la politique semencière de 2019 qui se concentre sur l’orientation, la promotion et la réglementation du sous-secteur semencier », a-t-il précisé.
Par ailleurs, a-t-il poursuivi, pour mieux développer ce processus, il a fallu établir le bureau et le comité pour la protection des variétés de plantes en incluant un bureau d’enregistrement.
En outre, a-t-il dit, il y a des procédures liées aux demandes de protection des variétés des plants, les frais y afférents, les procédures de publication et de renforment des droits.
Au Rwanda, la contrefaçon est le grand défi
« Dans notre pays, la production des semences commence par les activités de recherche de développement pour la mise sur pieds de plusieurs variétés de semences. Et la recherche vise aussi l’adaptabilité de ces semences-là en fonction des différentes régions et des conditions agro-climatiques visées », a indiqué Olivier Kamana, secrétaire permanent au ministère de l’Agriculture au Rwanda.
Et de préciser que la 1e étape consiste à la recherche de développement et ensuite la seconde étape va aller à la transmission au secteur privé. C’est le secteur privé qui s’occupe de la multiplication des semences.
Selon lui, le secteur privé est bien structuré. « Pour que l’entreprise puisse être engagée dans cette activité de multiplication, il faut une autorisation préalable de l’organisation qui s’occupe de tout ce qui est lié au développement », a-t-il expliqué.
Quand il s’agit de la multiplication qui précède la vulgarisation pour faire mieux aux agriculteurs, a-t-il fait savoir, cela va se faire par Rwanda inspectors competition and consumer protection.
« C’est cette institution qui examine si les entreprises qui veulent se lancer dans la multiplication des semences remplissent les conditions préalables. Et les entreprises se voient fournies un certificat qui leur permet d’exercer dans ce domaine-là », a-t-il renchéri, avant d’ajouter : « Pour le moment, nous avons 29 multiplicateurs agréés pour la saison en cours ».
Une fois les multiplicateurs agréés se lancent dans la multiplication, a-t-il ajouté, ces multiplicateurs peuvent se lancer dans la multiplication des semences qui viennent de l’étranger mais à condition que leur partenaire étranger remplisse certaines conditions.
Une fois la multiplication terminée, a-t-il poursuivi, l’étape qui suit c’est la distribution aux agriculteurs. « Le processus de livraison se fait en ligne. Le processus de livraison a été entièrement digitalisé. Et l’Etat va subsidier les semences à hauteur de 40%, c’est-à-dire l’agriculteur paie 60% », a-t-il informé.
Pour le Rwanda, les défis majeurs restent la contrefaçon et le rejet des semences par certains agriculteurs embrigadés par des croyances obscurantistes.
Kenya, un suivi rigoureux de la certification
La représentante du Kenya a fait savoir que la recherche a commencé avec l’organisation dénommée KARO. Mais avant, a-t-elle tenu à préciser, il y avait une institution dénommée KARI qui exigeait de faire des recherches sur les semences.
En termes de recherches effectuées, a-t-elle indiqué, KARO a mené des recherches sur de nombreuses variétés de cultures dont les cultures vivrières et des cultures industrielles telles que le thé, le café, etc.
En ce qui concerne la certification, a-t-elle expliqué, elle est effectuée par le Service d’inspection de la santé des plantes du Kenya. Et de préciser qu’au sein de cette organisation, il existe différents comités qui travaillent ensemble pour garantir que la structure, les systèmes et la réglementation concernant cette variété particulière sont bien élaborés. Et ceci est régi par la loi sur les variétés de plantes saisonnières.
« Le Service d’inspection phytosanitaire du Kenya certifie les semences des partenaires nationaux. Les partenaires internationaux peuvent également le faire, mais par l’intermédiaire d’un partenaire national et ils pourront obtenir des semences certifiées », a-t-elle informé.
Par ailleurs, a-t-elle ajouté, le Service d’Inspection Sanitaire des Plantes du Kenya effectue l’inspection des champs, la récolte et la manutention, le transport jusqu’à l’emballage. Et une fois l’emballage terminé, chaque emballage reçoit son numéro spécial.
Et de préciser que tous les mois la liste des variétés est mise à jour et cette liste peut être consultée auprès du Service d’inspection sanitaire des plantes du Kenya.
Après la certification et la multiplication, a-t-elle expliqué, on passe à la distribution.
« Pour la distribution, nous avons des contrats avec les agriculteurs et pour le secteur privé les semences sont distribuées à travers ce qu’on appelle des agro-dealers, des sortes de magasins pour la distribution, et qui sont proches des agriculteurs », a-t-elle informé.
Tanzanie, vérification de la qualité génétique et physique des semences mise en avant
« Nous disposons de quatre cadres juridiques pour la protection des semences. Certains d’entre eux traitent de la certification, de la réglementation et de la protection des plantes », a indiqué le représentant de la Tanzanie.
Selon lui, la vérification des semences consiste à examiner la qualité des semences, leur qualité vitale, génétique et physique.
Et d’ajouter que les règles et procédures sont fixées par la réglementation semencière du pays dans lequel les semences doivent être produites.
« Nous effectuons l’évaluation à deux niveaux : évaluation sur le terrain et en laboratoire. », a-t-il informé.
Il a précisé que c’est l’agence semencière qui produit des semences de base et ce sont les semences certifiées qui sont distribuées aux agriculteurs.
Des recherches en synergie
Les cultures telles que le maïs, le riz et le manioc, a fait observer l’orateur, sont des variétés qui peuvent être développées dans la région pour booster la production agricole.
Pour lui, les institutions de recherche agronomiques doivent se concerter pour des échanges d’expérience. Elles sont invitées à travailler en synergie.
Par ailleurs, a-t-il recommandé, il faut l’harmonisation des lois sur le système semencier et un financement consistant pour les institutions de recherche sur les semences dans la région.