Le thé est la deuxième culture d’exportation après le café, mais la quantité vendue à l’étranger diminue continuellement. Les champs théicoles, quand ils ne sont pas abandonnés, ils sont remplacés par d’autres cultures.
Selon les données de la banque de la République du Burundi, la quantité du thé exportée est passée de 11.145,2 tonnes en 2015 à 8.832,2 tonnes en 2020, soit une diminution de 20,75% sur une période de 5 ans.
Les recettes rapportées par la vente du thé ont suivi la même cadence. De 50.068,9 millions BIF en 2017, elles sont passées à 46.407,2 millions BIF en 2018 et elles ont atteint 40.192,4 millions BIF en 2020.
Un prix jugé dérisoire
Les théiers sont parfois mal entretenus ou détruits au profit d’autres cultures vivrières et les théiculteurs déplorent le prix dérisoire payé pour le thé comparativement aux autres cultures.
Laurent Gahungu, théiculteur de la commune Gisozi témoigne : « J’ai grandi dans une famille de théiculteur. A l’époque, avoir une plantation de thé était une obligation. Avec le temps, je remarque que la culture du thé n’est plus perçue comme elle l’était avant à cause de sa faible rentabilité par rapport aux travaux qu’elle exige.»
Il fait savoir que, n’eût été la peur d’être arrêtés, beaucoup de théiculteurs auraient déjà détruit leurs plantations de thé. « Certains déracinent un théier année après année, jusqu’à détruire lentement toute une plantation ».
M. Gahungu indique qu’il faudrait augmenter le prix du thé dans les mêmes proportions que les autres cultures pour espérer une hausse de la production de cette culture d’exportation, qui est parmi les principales sources de devises pour le pays. Une telle hausse, d’après lui, encouragerait les théiculteurs.
La Prothem venue en sauveur
Les théiculteurs saluent la venue de l’usine Prothem (promotion théicole de Mwaro, une usine privée). Avec la concurrence de cette dernière, le prix d’un kilo de thé est passé de 180 BIF à 250 BIF dans un laps de temps, soit une hausse de 70 BIF. Une véritable bouffée d’oxygène pour les cultivateurs de thé.
Gervais Ndayizeye, autre théiculteur de la commune Mugamba, indique que le prix du thé n’a pas évolué dans les mêmes proportions que celui du haricot, des pommes de terre et bien d’autres cultures : « Le prix a monté en lance flèche en 2011 ou 2012 grâce à la concurrence de la société Prothem. L’office du thé du Burundi (OTB) était jusque-là la seule usine à thé et détenait le monopole.»
Il ajoute que pourtant le prix d’un kilogramme de pomme de terre variait autour de 350 BIF en 2012. Mais actuellement, le prix peut grimper jusqu’au-delà de 1.000 BIF le kilo.
Des retards dans le payement, facteur décourageant
Certains théiculteurs déplorent le retard pris pour le paiement de leur rémunération et indiquent que cela leur cause parfois des problèmes avec des personnes qui leur ont prêté de l’argent.
« Lorsqu’on vend notre production à la société Prothem, le paiement se fait après même 6 mois. On ignore les raisons de ce retard de paiement », indique un théiculteur de Gisozi.
Pour elle, la Prothem devrait rectifier le tir, car ces irrégularités poussent certains à abandonner leur plantation de thé, ce qui se répercute sur la quantité produite. Contactée, la Prothem n’a pas voulu réagir.
Des initiatives pour booster la production
Éric Nduwayezu, gérant de l’OTB Tora, indique qu’il projette de hausser la quantité et la qualité du thé produit par cette usine. Pour atteindre ces objectifs, il compte étendre des champs théicoles, passant de 50 hectares par an à 100 hectares.
Il souligne, en outre, que les champs abandonnés doivent être récupérés et cédés aux coopératives. Ces dernières doivent s’entendre avec les propriétaires de ces champs sur le partage des recettes. « Des visites d’identification de ces champs abandonnés ont déjà commencé».
M. Nduwayezu fait savoir qu’il compte implanter le thé dans d’autres communes proches pour augmenter la production. Il pense à des communes telles Matana, Songa et Ryansoro : « Le projet est en cours, et cela commencera avec la prochaine saison pluvieuse.»
Gilbert Nderagakura, gérant de l’OTB Jenda, confirme l’existence de beaucoup de champs théicoles abandonnés et assure qu’ils sont en train de sensibiliser la population à faire l’entretien de leurs champs. « Ceux qui ne seront pas capables de bien entretenir leurs champs, signeront des contrats d’exploitation avec les coopératives et s’entendront sur le partage de la production ».
M. Nderagakura affirme qu’ils comptent distribuer plus de 800 mille plants de théiers et implanter le thé dans les nouvelles zones, notamment dans la commune Muhuta afin d’augmenter la production de 1.800 tonnes à 2.200 tonnes.
Les deux gérants reconnaissent que la production a chuté dans leurs usines ces dernières années. A titre d’exemple, la production de l’usine à thé d’Ijenda est passée de 2.064 tonnes en 2019 à 1.908 tonnes en 2020.Pour l’usine de Tora, la production est passée de 1.932 tonnes en 2019 à 1.907 tonnes en 2020.
Ils expliquent que cette chute de la production est due aux champs théicoles abandonnés, au non-respect du cycle de cueillette et de différents travaux que nécessite la culture du thé, notamment le sarclage et la fertilisation. Ils ont promis de rectifier le tir dans les prochains jours afin de hausser la production.
Dans une conférence de presse du 12 août dernier, le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, Dr Déo Guide Rurema, a indiqué que le prix du thé passe de 250 BIF à 280 BIF dans le but de booster la production. Il a demandé à la population d’abandonner la mauvaise pratique de détruire les champs théicoles tout en leur promettant d’autres avantages si la situation s’améliore. Il a, en outre, demandé aux autorités à tous les niveaux de punir sévèrement ceux qui détruisent leurs plantations de thé.