Des cas de violences sexuelles basées sur le genre sont une réalité dans la province de Rutana. Malgré les efforts fournis, le chemin est encore long pour éradiquer le fléau.
« Au mois d’octobre, une fillette de 6 ans a été violée par le beau-frère de sa mère à Giharo. Quand la mère a entendu la mauvaise nouvelle, elle n’y a pas cru et ne l’a pas fait soigner. Elle a constaté la véracité de l’affaire quelques jours plus tard. L’enfant a été vite amené à l’hôpital. Heureusement, sa vie n’est pas menacée », témoigne Jean-Bède Manishaka, assistant social en commune de Giharo. L’auteur de cet acte ignoble, affirme-t-il, est pour le moment emprisonné.
M.Manishaka assure que cette commune est emblématique des VSBG dans la province de Rutana. « Au mois de novembre, un homme de la colline Ngomane a violé une fille de 12 ans. Elle a été amenée à l’hôpital pour recevoir des soins. Aujourd’hui, elle est retournée à l’école, tandis que le violeur est emprisonné ».
Outre des violences sexuelles, cette commune enregistre d’autres formes de violence avec de lourdes conséquences. A Mushindwi, une femme a déprimé parce son mari la battait, affirme cet assistant social. Ce dernier précise que ce mauvais traitement est un effet du concubinage.
Face à des cas pareils, Jean-Bède Manishaka affirme que les victimes bénéficient d’un suivi psychologique. Dans cette commune frontalière avec la Tanzanie, les auteurs de ces forfaits sont appréhendés par la justice. Parfois, ils fuient vers la Tanzanie.
La commune de Rutana n’est pas épargnée
Il est 9h34. La pluie est très intense, avec du brouillard, sans parler du froid. Alors que tout le monde s’abrite, une femme rurale brave la pluie et le mauvais temps. Toute trempée, maigrichonne, arborant un vieux pagne, M.N. entre dans le bureau du centre de développement familial et communautaire de Rutana (CDFC). C’est au chef-lieu de la commune de la province de Rutana, dans les enceintes de la direction provinciale de l’Agriculture et de l’Elevage.
Elle semble une habituée des lieux. L’assistante sociale de la commune de Rutana la salue et lui parle affectueusement. « Mais tu ne t’es pas abritée ! Pourquoi tu viens sous cette pluie ? », lui demande-t-elle en l’appelant par son nom. Pendant ce temps, trois jeunes gens qui échangeaient avec l’assistante se sont tus. Mon Dieu, s’exclame l’un d’eux, elle va mourir de froid et je ne peux rien faire pour l’aider. Et la femme de tranquilliser : « Je vois que vous compatissez beaucoup pour moi, parce qu’il pleut beaucoup. Cette pluie ne me dit rien. C’est plutôt ce qui m’amène ici qui est plus important. Si mon mari pouvait changer de comportement, mon cœur retrouverait la paix. »
L’assistante lui demande si son mari n’a pas changé de comportement. La réponse est négative.
« Mon mari ne couche plus avec moi »
Après 14 ans de mariage, le couple n’a pas encore eu d’enfant. Elle a 46 ans, mais elle en paraît 60. « Depuis trois ans, mon mari ne couche plus avec moi. Il ne fait que me gronder. J’entends qu’il travaille comme veilleur, mais il n’amène rien à la maison. Je suis sur le point de marcher nue, faute d’habit. Il vient manger à la maison alors qu’il ne m’aide pas à cultiver. Qu’il vienne passer la nuit avec moi parce qu’il me manque », se lamente-elle.
Elle ajoute qu’elle est parfois battue, affirmation confirmée par l’assistante sociale. N’ayant pas eu d’enfant, la victime subit des menaces de sa belle-sœur qui veut la chasser de la propriété foncière. Elle remercie les autorités administratives et judiciaires qui prennent, le cas échéant, des mesures contraignantes à l’endroit de sa belle-sœur et de son mari. « Nous remercions le CDFC, parce que en cas d’injustice, nous venons dénoncer les malheurs que nous subissons et ils nous viennent en aide. »
Dans la commune de Rutana, le cas n’est pas isolé. La justice est à la recherche d’un homme qui a brûlé les habits de sa femme après l’avoir battue. Comme l’indique cette assistante sociale, cet homme est en conflit avec sa femme en raison du concubinage. Chaque fois qu’il se sait poursuivi par la police, il fuit vers la Tanzanie, et sa femme de 27ans, mère d’un enfant, se retrouve dans la misère.
Une mobilisation à tous les niveaux
Même si des cas de VSBG persistent, différents intervenant travaillent en synergie pour lutter contre ce fléau social. Raphaël Nduwingoma, coordinateur du CDFC en province de Rutana, précise : « Dans la lutte contre les VSBG, une plateforme a été mise sur pied. Le gouverneur en assure la présidence, le CDFC se charge du secrétariat. La vice-présidence revient aux ONG, comme Cordaid et de l’IADH. Les autres membres de la plateforme sont le procureur, le médecin provincial, le directeur provincial de l’enseignement, et le Tribunal de Grande Instance. »
M. Nduwingoma fait savoir que le CDFC a des leaders communautaires jusqu’aux sous-collines. « S’il y a violence dans une localité donnée, le fait est dénoncé via les leaders communautaires. La police se saisit alors de l’affaire. En cas de coups et blessures, c’est au médecin d’intervenir. » Si la victime est encore sur le banc de l’école, poursuit-il, elle doit y retourner après les soins. Et les auteurs des forfaits sont poursuivis en justice.
L’association des femmes juristes du Burundi a enregistré 220 cas de VSBG, dans la province de Rutana, en octobre 2018.