Médard Ndayishimiye, chef du parti FNL dans la commune de Ndava, province de Mwaro, a été retrouvé mort à Ngoma, commune Musongati, dans la province de Rutana. Pour sa sécurité, il s’était réfugié à Gitega. C’est là qu’il a été enlevé le 6 octobre vers 18h pour être exécuté. Sur sa colline de Nyamurenge, sa famille reste dans la peur de subir le même sort.
Sur la colline Nyamurenge, commune Ndava, la maison de Maxime Ndika est, à côté du sentier, au milieu d’autres. A l’entrée de l’enclos, un silence du cimetière vous accueille. Assises sur une natte, sept personnes en tout, parentés, proches de la famille font le deuil.
Les voisins se gardent de montrer qu’ils compatissent avec la famille endeuillée. Alors que dans la tradition burundaise, le deuil rassemble plusieurs familles, les habitants de Nyamurenge se veulent prudents. Ils ont peur d’être accusés de soutenir des fauteurs de trouble. La mère du défunt, visage livide, des yeux noirs creusés par la douleur, se tient coite. Trop épuisée, elle laisse son mari raconter, d’une voix parfois interrompue par des accès de sanglots, le malheur qui vient de s’abattre sur la famille. Mais Maxime Ndeka pèse ses mots. « Ma famille est blessée. C’était un coup de poignard planté dans mon cœur », se plaint-il.
Autour de la natte sur laquelle sont assis les membres de la famille restreinte, le silence est lourd. « Ce sont des ingrats, ils n’ont même pas peur de Dieu ! Que le sang de mon fils tombe sur leurs familles ! Ils m’ont enlevé le seul qui me restait. Son frère cadet lui aussi est tombé sur le champ de bataille, au maquis. Il était avec les FDD », ajoute encore M. Ndeka.
La famille éplorée rappelle l’inquiétude dans laquelle elle avait vécu pendant deux jours. Médard Ndayishimiye avait été enlevé, le soir du 6 octobre, par des hommes en tenue militaire et policière à bord d’un véhicule de l’Etat, tout près de l’aérodrome de Gitega. Son cadavre sera retrouvé à 43 kilomètres du lieu du rapt, à Musongati, dans la province de Rutana. Aujourd’hui, la famille de ce catéchiste de 57 ans vit dans la peur.
Depuis la fuite d’Agathon Rwasa, la famille n’a pas eu de répit
D’après ce père qui pleure son fils, la famille est depuis plusieurs semaines l’objet d’intimidations et perquisitions successives, parfois nocturnes, par des éléments des services de sécurité. Et c’est ce qui avait poussé Médard Ndayishimiye à fuir. Depuis la fin des élections législatives, M. Ndika en dénombre trois, la dernière fois c’était le 4 octobre, deux jours avant la disparition de son fils pour de bon, souligne-t-il. Même le commissaire provincial de police à Mwaro y aurait participé une fois sous prétexte que la famille cache des armes et combattants FNL. « Ce jour-là, le seul papier justificatif était un mandat délivré par le Service National de Renseignement de Bujumbura. Je l’ai vu de mes propres yeux. Tout de suite, j’ai pensé à un colonel qui travaille dans ce corps. Cet officier natif de Nyamugari avait juré de lui faire payer son entêtement à travailler pour Agathon Rwasa », soupire Maxime Ndika. Puis il nomme un autre colonel, lui aussi originaire de la commune Ndava et qui habite dans la capitale. Tous, dit-il, accusaient son fils d’être de mèche avec la rébellion.
Les criminels courent toujours
Dans la matinée du 6 octobre, la nouvelle tombe comme un couperet. Selon les témoignages de ceux qui étaient tout près du lieu du crime, le défunt aurait été enlevé par un groupe d’hommes armés qui l’ont forcé à monter dans leur véhicule. « Nous étions terrorisés et chacun courait pour ne pas être identifié par ces kidnappeurs. Nous n’avons pas eu le temps de noter les numéros de plaque », déclarent-ils. Depuis ce jeudi noir, la nouvelle de cet enlèvement circulait de bouche à l’oreille. Sa famille avait entamé des recherches, espérant le retrouver dans l’un des cachots de Gitega. Elle demandait à qui voulait l’entendre de l’aider pour que son fils ne soit pas tué.
Malheureusement la mauvaise nouvelle tombe dans la soirée du 9 octobre. Selon l’administrateur de Musongati, ce sont les bergers qui gardaient les vaches sur la colline Ngoma qui l’ont vu. Par l’intermédiaire des connaissances vivant à Rutana, la famille a appris qu’il y a un jeune homme qui a été tué dont le corps a été retrouvé dans les parages de la zone Ngoma, commune Musongati. Avec l’aide de la paroisse Murayi où Maxime Ndika est catéchiste, la famille s’est dépêchée d’aller vérifier s’il ne serait pas leur fils.
<doc1620|left>Une fois sur lieux, ils apprennent que le corps est à la morgue de l’hôpital Rutana. Mais du procureur au directeur de l’hôpital, personne ne leur facilite la tâche, alors qu’ils veulent emmener le cadavre.
Après deux jours de tracasseries administratives, ils parviennent à acheminer la dépouille mortelle de Médard Ndayishimiye dans sa dernière demeure, au cimetière de Murayi. Il laisse sa famille dans le désespoir et la souffrance. Il avait décroché son diplôme d’électricien A2 à l’ETS Kamenge en 2010.
Selon le commissaire provincial de la police à Gitega, ses services n’ont encore identifié ni le véhicule ni ses occupants incriminés dans le rapt de Médard Ndayishimiye. « Nous n’avons aucun indice sur ce véhicule. Sauf que certaines sources parlent d’une jeep aux vitres fumées, nous n’avons aucune autre indication », avoué OPC2 Eric Igiraneza. Toutefois, cet officier indique que les enquêtes se poursuivent.
« Les élections, une occasion de nous identifier ! »
A Gitega, l’assassinant de Médard Ndayishimiye met les membres et surtout les démobilisés du parti FNL d’Agathon Rwasa dans une peur panique. Pour les uns, cet acte crapuleux vient s’ajouter aux autres cas similaires que subissent chaque jour les membres de leur parti. « Comment des hommes armés parviennent-ils à passer les barrières de la police sans être inquiétés ? », s’interroge Athanase Muhitira. Il fait allusion aux nombreux check- points qui sont sur toutes les routes à l’entrée et à la sortie de Gitega.
Pour d’autres militants, il y aurait un plan de tuer pour démoraliser les leaders du parti. Certains parmi eux auraient déjà reçu des menaces par téléphone : des personnes leur disent que leurs jours sont comptés. Tout en demandant au gouvernement de les protéger, ils ne cachent pas leur désespoir : « Chaque matin, quand j’écoute les informations à la radio faisant état des assassinats, je me dis que je serai le prochain», s’inquiète un membre qui affirme vivre dans la clandestinité par peur de mourir un jour devant ses enfants.