Les anciens chefs d’Etat n’ont plus de sièges au sénat. Le premier vice-président de l’Assemblée nationale a failli également se faire éjecter de son fauteuil du bureau de l’Assemblée nationale. Exclusion, indiquent certains.
«Comme vous l’avez remarqué au cours de cette session, les sièges des anciens chefs d’Etat n’existent plus», lance ce lundi 18 juin, le deuxième vice-président du sénat aux journalistes. Leurs chaises ont disparu de la salle, avant même que l’adoption du nouveau règlement d’ordre intérieur du sénat ne les en exclue.
Pour Anicet Niyongabo, il s’agit de s’adapter à la nouvelle Constitution du 7 juin qui ne reconnaît plus aux anciens chefs d’Etat le statut de sénateurs à vie, comme le statuait l’Accord d’Arusha et la Constitution de 2005. Avec la nouvelle donne, Pierre Buyoya, Sylvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye n’ont plus le droit de siéger automatiquement au sénat.
Depuis, la polémique enfle sur l’éviction du sénat de ceux qui ont dirigé le pays par le passé. «Ne devrait-on pas au moins attendre les élections de 2020 ? », se demandent certains hommes politiques burundais.
Après le Sénat, l’Assemblée nationale
Rapidement, les yeux se braquent sur l’Assemblée nationale. C’est connu, la nouvelle Constitution exclut toute coalition des indépendants. Des questions sur les intentions de Kigobe taraudent pas mal d’esprits.
Et justement, sans surprises, elle a prévu aussi d’adapter son règlement intérieur à la nouvelle Loi fondamentale le mardi 19 juin. La Coalition Amizero y’Abarundi est sur ses gardes, sur les nerfs. Elle sait qu’elle va devoir batailler dur pour garder sa place au bureau de l’Assemblée nationale.
La commission chargée d’adapter le règlement intérieur à la nouvelle Constitution a finement joué. L’article 19 dudit règlement prévoit en son alinéa 1, que « Le Bureau de l’Assemblée nationale comprend un président et deux vice-présidents. Il doit être multipartite».
La commission Défense et Sécurité, portée par un des ténors du Cndd-Fdd veut la modifier. Selon Zénon Ndaruvukanye, «des deux vice-présidents, peut être remplacé par des vice-présidents et l’on a jugé bon de supprimer la dernière phrase : Il doit être multipartite».
Sauf que si la clause qui impose le multipartisme au sein du bureau de l’assemblée est rayée de cette loi organique qu’est le règlement intérieur, il y aurait possibilité d’évincer Agathon Rwasa de son siège de vice-président de l’assemblée nationale. Et l’assemblée nationale se doterait de 3 patrons, tous issus du parti au pouvoir.
La coalition Amizero y’Abarundi présente à l’hémicycle de Kigobe ne l’entend pas de cette oreille. Il est hors de question de toucher à cette disposition. Le président du groupe parlementaire de cette coalition, Pierre Célestin Ndikumana monte sur ses grands chevaux, hausse le ton, évoque une exclusion et menace de quitter la salle.
Après des heures de discussions acharnées, le président de l’assemblée nationale, Pascal Nyabenda tranche : si l’article 19 gardé tel quel est conforme à la Constitution de 2018, il n’y a donc pas lieu de le modifier.
Un ouf de soulagement pour la coalition Amizero y’Abarundi qui y échappe belle. Il s’en est fallu de peu.
Analyse
L’heure serait à l’apaisement
Deux semaines après le discours du président Nkurunziza salué comme discours de décrispation, le pouvoir législatif donne à déchanter. Ejecter les anciens chefs d’Etat, vouloir évincer Agathon Rwasa du bureau de l’Assemblée nationale ne sont nullement pas à classer au chapitre du dégel, de la détente. Loin de là, le parti de l’aigle aux ailes et aux serres déployées veille.
Des analystes sont unanimes : Le pouvoir législatif applique une politique d’exclusion alors que l’heure était plutôt à tendre la main. Aller vers l’autre pour qu’ensemble, les Burundais cheminent vers les élections paisibles de 2020.
Ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale reflète aussi une ambivalence au sein du parti Cndd-Fdd. Il y a un camp de jusqu’au-boutistes qui croit dur comme fer que le pays n’est mieux gouverné qu’avec les membres du parti. Qu’il serait préférable de gérer le pays sans un mot ou conseil des anciens chefs d’Etat ou les critiques des leaders de la coalition Amizero y’Abarundi.
Il y a un autre camp, plus progressiste qui table sur un Cndd-Fdd qui construit sans exclure les autres, qui pense que s’isoler n’est pas une bonne solution. Ce clan a donc évité de justesse une crise au sein de l’assemblée.
Le discours du président annonçant qu’il ne se présentera pas en 2020 est une ouverture certes, mais les événements au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat montrent que le vent progressiste qui l’a animé doit également souffler au sein de tout le système.