Le Tribunal de Grande Instance de Bubanza est sans véhicule depuis le 4 juin. Ce dernier a été réquisitionné et affecté au ministère de l’intérieur sur demande du ministre des transports Saïdi Kibeya. Une immixtion de l’exécutif dans le judiciaire.
Selon des sources policières, lorsque le Commissaire provincial de la police à Bubanza va saisir la camionnette NISSAN B558AGB du Tribunal, il est porteur d’une copie d’une lettre du Ministre des Transports et Équipement, Saidi Kibeya, au directeur général de la Police nationale. La lettre, précise que le véhicule doit être réaffecté au ministère de l’intérieur dont un cadre serait en mal de moyen de locomotion.
Le président du TGI refuse d’obtempérer et s’en remet au cabinet de son ministère. Ce dernier lui conseille de ne pas remettre la clé du véhicule, en attendant que le problème soit résolu avec la police et le ministère ayant le Transport dans ses attributions.
Ce n’est pas la première que le véhicule du tribunal soit réquisitionné. Mais habituellement c’est une ou deux journées seulement, lors de la passation du concours national de la 6ème année primaire ou d’autres tests nationaux. Or, cette fois-ici, il est question d’affecter la camionnette à un autre ministère. Inadmissible lorsque l’on voit que sur la liste des neuf véhicules dont le ministre Saïdi Kibeya demande la réquisition, seuls le véhicule de liaison du ministre de la justice et celui du TGI de Bubanza sont concernés.
Des tractations infructueuses
Face à la résistance du Tribunal, la police est obligée de recourir à une dépanneuse et remorque le véhicule. Le chef du charroi du ministère de l’intérieur a fait le déplacement jusqu’à Bubanza pour s’assurer que le véhicule est enlevé. Entretemps, le cabinet du ministère de la justice entame des tractations avec celui des Transports qui ne lui remet que le véhicule de liaison.
« Une immixtion inacceptable de l’exécutif »
S’il est vrai que la gestion des véhicules de l’Etat incombe au ministère des transports, les cours et tribunaux ne sont pas normalement concernés en cas de réquisitions de longue durée. Car les juridictions comme les tribunaux de grande instance sont appelées à jouer presque le même rôle que la police.
« Bientôt, au mois de juillet, ce sera les vacances judiciaires. Et cette période est consacrée à des descentes sur terrain, notamment pour le constat et l’exécution des jugements. Avec cette réquisition du seul véhicule dont disposait la juridiction de Bubanza, le travail est paralysé », s’indigne le secrétaire général du syndicat des magistrats du Burundi(SYMABU), Jean Claude Kabera. Et un autre magistrat de renchérir : « Il y a beaucoup de problèmes fonciers, notamment avec les paysannats, et la province est parmi celles qui enregistrent le plus de cas de viols. Parfois les magistrats sont obligés de siéger de nuit, notamment en cas de flagrant délit. Et là, c’est sans parler de l’insécurité qui gagne de plus en plus la province de Bubanza frontalière de la RDC. »
La réquisition du véhicule du TGI Bubanza est très préjudiciable à l’image du Burundi. Selon une source proche des Nations Unies la camionnette est une dotation du Fonds de Consolidation de la Paix dans le cadre de l’appui à la réhabilitation du secteur de la justice. Si bien que cette réquisition est interprétée comme une atteinte à l’indépendance de la magistrature.
Au cabinet du ministère de la justice, on indique être au courant de ce problème occasionné par la réquisition du TGI de Bubanza. « La question a été portée à des échelons supérieurs ; nous espérons qu’une solution va vite être trouvée », explique le chef de cabinet Sylvestre Nyandwi. Mais contacté à ce propos, le Ministre Kibeya et son chef de cabinet n’ont pas pu trouver meilleure réponse que de rabrouer le journaliste. « Il ne faut jamais me téléphoner », a grondé le ministre. Le recours aux autres services de son ministère n’ont pas été plus fructueux.