Elles sont les anciennes locataires du Grenier du Burundi mais aujourd’hui elles vivotent dans les rues de la Capitale. Elles partent à la chasse aux clients sans endroit pour stocker leurs produits et en s’exposant à la vue de policiers trop zélés.
<doc7866|left>Il est 10 heures. C’est une des rares matinées où les citadins de Bujumbura n’ont pas à supporter une chaleur accablante. Nadine Munezero, 22 ans, vendeuse d’oranges et de mandarines, fait le tour du centre ville à la recherche des clients avec un panier rempli de fruits sur la tête. Arrivée à la hauteur d’un groupe de gens, elle s’arrête. Avec un air jovial, elle demande s’ils ne veulent pas acheter de fruits et leurs accorde même {inyongezo}, un extra pour les inciter à acheter. Finalement une dame lui achète pour2 mille Fbu d’oranges. Puis, elle lui donne un petit sachet noir pour empaqueter les oranges achetées. « La concurrence est rude. Nous sommes devenues nombreuses donc je dois vendre le plus de fruits possibles », explique-t-elle. Elle est parmi celles qui vendaient des fruits au Grenier du Burundi. Elles sont des centaines dans la situation de Nadine.
Avant que le marché central ne brûle, la majorité des vendeuses de fruits avaient des emplacements soit dans le Grenier du Burundi soit à l’intérieur du marché central de Bujumbura, dans le quartier 2 plus précisément. Comme leur famille ne vivent que grâce à l’argent issu de leur vente de fruits, elles ont choisi de continuer leur commerce en envahissant les rues du centre ville. Elles font partie désormais du décor de la vie quotidienne à Bujumbura.
« Nous voulons de nouveaux emplacements »
Et dans cette jungle, chacune à sa stratégie. Les unes mettent leur panier rempli de fruits sur la tête et vont de bureau en bureau pour y chercher des clients. Les autres ont ciblé les endroits les plus fréquentés, notamment au tour du grand parking (marché central de Bujumbura) des bus déplaçant les habitants de la capitale vers les quartiers. Et devant les bureaux de la Régie Nationale des postes, de l’Office national des télécommunications (ONATEL), et des banques comme la Banque Nationale du Développement Economique (BNDE), la Banque commerciale du Burundi (BANCOBU) ainsi que des boucheries. « Avons-nous le choix puisque nous n’avons nulle part où aller. Nous devons nourrir nos enfants. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés », fulminent-elles.
Toutes parlent d’une situation dure et précaire. Le premier problème qui se pose, c’est le stockage de leurs fruits. « Nous ne pouvons pas tout étaler. Le reste nous demandons à des bienfaiteurs ou à des connaissances de nous les stocker quelque part, le temps d’écouler ce que nous avons. » Et Nadine Munezero d’ajouter : « Le soir, s’il me reste encore des fruits, je les vends à perte puisque je n’ai pas d’endroit où les stocker.» L’autre problème, c’est le jeu de cache-cache avec les policiers. « Ils ne nous donnent pas de répit. Parfois, il arrive qu’ils nous prennent tous nos fruits. C’est l’une des raisons qui nous pousse à n’acheter que de petite quantité de fruits chez les grossistes. Pourquoi nous interdire de gagner nos vies au lieu de nous donner de nouveaux emplacements ? »
En outre, Nadine évoque le manque à gagner que provoque cette situation. Au temps du Grenier du Burundi, elle gagnait cinq mille Fbu par jour, mais aujourd’hui, c’est à peine si elle en gagne trois mille. De surcroît, vendre des fruits est devenu trop fatiguant : « Porter toujours un panier sur la tête n’est pas une chose facile. D’autant qu’auparavant, les clients venaient vers nous mais maintenant, c’est nous qui allons vers eux. »