Polémique autour de la réhabilitation de l’Accord d’Arusha, la relance du dialogue inter-burundais pour dégager une feuille de route consensuelle pour les élections de 2020, etc. A la faveur de la crise d’avril 2015, le court terme accapare l’esprit des « key players ».
Le débat est ainsi polarisé : des responsables politiques de premier plan atteints du syndrome d’hubris[1] et leurs supporters zélés vs ceux qui ont opté pour le combat politique et la société civile en exil. Ces opposants ont déserté le champ de la réflexion sur le long terme, préférant s’adonner à la résilience politique pour ne pas passer l’arme à gauche. Quant aux organisations de la société civile non reconnues par le pouvoir, c’est au choix entre le mouvement d’humeur ou la tournure en dérision par une saillie.
Le parti présidentiel, tel un poisson dans l’eau, s’en trouve fort aise, le storytelling d’une vision sur une ou deux décennies lui faisant défaut. Ses tactiques donnent alors le la à la vie politique du pays du « tambour sacré ». Grâce à son fort instinct de survie politique, il a toujours un coup d’avance. Son attaque est souvent imprévisible.
« Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte », dixit Emile de Girardin, le « Napoléon de la presse ». Prévoir implique un jugement clairvoyant sur ce qui nous attend. C’est une démarche intellectuelle qui permet de s’affranchir de la dictature du présent, de l’instant. Elle prend racine dans une conversation qui s’inscrit dans le temps long où s’élabore une stratégie donnant une cohérence d’ensemble aux tactiques. L’apport des forces vives de la nation étant déterminant.
Dès lors, des problématiques qui forment la colonne vertébrale du devenir du peuple peuvent être abordées. Quelle étape voulons-nous avoir franchi dans l’édification d’un Etat de droit et d’une société démocratique dans les cinq, les dix prochaines années ? Au-delà des incantations développementalistes, quel plan national de développement faut-il adopter pour impulser un décollage économique ? Quelle réforme pour un système éducatif performant aujourd’hui et anticipant les besoins du futur marché du travail?
Evoquer de tels défis en cette période préélectorale où le « processus démocratique n’est pas résolu » ne sert que le mantra de la souveraineté, « nouvelle prison de la pensée molle » qui est survenu dans le sillage du putsch manqué du 13 mai 2015.
[1] Le syndrome d’hubris : Perte du sens des réalités, intolérance à la contradiction, actions à l’emporte-pièce, obsession de sa propre image et abus de pouvoir : quelques-uns des symptômes de cette maladie du pouvoir.