A l’abri des regards, dans les bouges, les boîtes de nuit de seconde zone, grande effervescence à la Saint Valentin, pour les filles de joie. Sur leur trente-et-un, elles attendent de pied ferme leur jules.
Il est 22h. Une maison close avec bar dans la périphérie de Bujumbura. Le bar est bondé. Les hommes sont plus nombreux que les filles. « D’habitude, c’est calme, et il y a plus de filles! », s’étonne un client. La raison est toute simple. C’est la Saint Valentin. Et les filles ont visiblement fait un effort pour honorer les couleurs du jour. Le rouge et le noir dominent dans l’habillement. Kadogo, ne cache pas sa satisfaction : « À la Saint Valentin, il y a beaucoup de monde. C’est plus de boulot oui, mais aussi plus de fric. »
K.G., beau brin de fille, sirote une Primus au comptoir, une cigarette à la main. « Les petits amis commencent à débarquer à minuit, pour celles qui en ont. Et à partir de là, on ne travaille plus. Maintenant, on profite du temps qui reste pour des dernières passes et se faire un peu d’argent », explique-t-elle. « D’ailleurs les clients ne manquent pas, la concurrence est moindre car plusieurs filles sont sorties s’amuser avec leurs ‘chéris’ » ajoute-t-elle, contente.
Ces couples singuliers essaient de cohabiter aussi bien que possible. Dans cette sorte de relation, on doit se garder d’être jaloux. Pour Emelyne, c’est une évidence : « Il doit bien sûr accepter ma condition. C’est mon boulot, et c’est ça qui me fait vivre. »
Paradoxalement, les filles n’acceptent pas que leurs petits amis puissent voir ailleurs. « Que peuvent-elles lui donner que moi je ne pourrai pas lui offrir ? » s’insurgent-elles.
Comme les grands jours festifs, la Saint Valentin est décrite comme un jour spécial. Il y en a qui cessent de « travailler », et d’autres qui combinent l’utile à l’agréable. Mais toutes sont unanimes : la Saint Valentin est une aubaine pour les affaires.
Un tableau de la psychologie de ces catégories d’individus
Une première mise en garde du psychologue Jean Bosco Ndayishimiye contre ce piège qui consiste à considérer les prostituées comme une aberration de la nature. « Ce sont des ‘pauvres’ personnes, une sorte de comédiennes, dont le travail les expose à rendre disponible le même potentiel envers tous les clients. Mais mis à part cela, ce sont des êtres sensibles, doués de sentiment. Elles sont dotées des mêmes mécanismes que les autres individus dits normaux, et peuvent aimer, et donc se faire aimer aussi.» C’est une des raisons qui peuvent pousser les hommes à vouloir les fréquenter et s’y attacher.
La forte affluence des hommes dans les maisons closes, lors de la Saint Valentin peut s’expliquer de par même la connotation que revêt ce jour. « La Saint Valentin est une date catalyseur. Les uns voudront à ce moment réaliser leurs fantasmes, tandis que d’autres voudront fuir la solitude que ce jour rend plus présente et plus lourde », précise le professeur.
Sur l’aspect singulier d’une relation « sérieuse » entre un homme et une professionnelle du sexe, le psychologue trouve qu’elle repose sur des contrats très fragiles. « L’homme sera tôt ou tard confronté au conflit de l’être et de l’avoir. Le penchant narcissique, assez légitime par ailleurs, qui pousse chacun à vouloir garder sa rose pour soi n’a pas de place dans ces cas là. » Le mieux pour que ça fonctionne, « ce serait d’accepter l’autre et de l’aimer tel qu’il est, ce qui est assez difficile.»
Difficile d’avoir une vie normale
K.G. fut mariée. « La rencontre eut lieu, lors d’un soir de racolage », raconte-t-elle. Par après, elle abandonne son « travail » et ils se marient légalement. Avec regret, elle admet qu’une ancienne fille de joie et un fêtard ne peuvent pas faire bon ménage. L’union ne fit pas long feu.
« Sept mois plus tard, il a commencé à découcher. Je savais qu’il voyait d’autres filles », confie-t-elle. Au lieu de supporter un mari qui la maltraite et ne la nourrit pas, G.K. choisit de retourner à la rue. Pour elle, le temps des grands amours est révolu. Autant vivre des relations éphémères, mais qui rapportent.
I.D. raconte qu’une fois elle eut aussi une relation « sérieuse ». Son petit ami voulait qu’elle arrête de se prostituer. « Je ne pouvais pas! Il était fauché et je ne voyais pas comment on pouvait s’en sortir sans argent.» Et plus tard, il succomba dans une rixe au bar. On lui tira dessus.
Se prostituer pour survivre
Toutes avancent qu’elles se prostituent à cause de la pauvreté. Elles aimeraient bien faire un travail plus décent, mais à condition qu’il paie mieux. Elles sont de tous les coins du Burundi. Certaines, fraîches débarquées des campagnes et les illusions plein la tête, se retrouvent malgré elles à exercer le plus vieux métier du monde. Situation économique oblige!
D’autres viennent des milieux aisés de la capitale. Au départ, elles cherchent plus de liberté, d’autonomie. Plus tard, elles atterrissent là et y stagnent. La prostitution est un cercle vicieux auquel on réchappe difficilement.
Mais cette vie sombre qu’elles mènent est parfois traversée de petites joies. Comme cette fois où, impatientes, toute pimpantes, elles attendent le sourire aux lèvres que le prince charmant arrive. Tout comme les autres filles dites « normales ».
Ou sont-elles allees les valeurs humaines?
Une vie dite normale n’existe point. Lisez les hétérotopies de Michel Foucault, vous me contrarierez.
ça reste des prostituées!Point. Et en quo est-ce que savoir que les prostituées fêtent la Saint Valentin fait avancer le Burundi?C’est leur affaire!