Au regard de la politique fiscale en vigueur, l’impôt pourrait servir au financement des biens et services publics. C’est aussi un instrument pour une meilleure distribution des richesses et une correction des inégalités. Car elle doit réclamer aux uns et aux autres selon leurs revenus…..sauf au Burundi.
Cela est malheureusement loin d’être le cas au Burundi. Actuellement, l’Impôt Professionnel sur le Revenu (IPR) est soumis à des taux progressifs, mais les réformes fiscales qui réduisent cette progression profitent principalement à des personnalités aisées. En effet, si des mécanismes d’exonération ont été mis en place pour certains privilégiés, c’est bien parce que d’autres contributions assez lourdes pèsent par ailleurs sur les ménages les plus modestes.
Le véritable enjeu est probablement non pas « combien d’impôts » mais plutôt « qui paye réellement l’impôt ? ». Selon un député toujours actif, un parlementaire burundais touche 2.218.700 Fbu, exonérés de tout impôt, sauf 9.084 Fbu de cotisation à la mutuelle.
Un enseignant du secondaire, de niveau licence et d’une ancienneté de 10 ans, a un salaire de base de 125.000 Fbu et paie un IPR de 38.664 Fbu. Quant au débutant, qui a un salaire de base de 82.135 Fbu, il paie un impôt de 19.771 Fbu. « Il ne me reste presque rien au moment où les dignitaires comme les parlementaires, les ministres, etc. qui touchent de gros montants ne paient aucun francs », s’indigne un enseignant. Furieux, il touve injuste de toucher de bas salaires pour être obligés de payer d’autres factures dont « les grands » sont exemptés : celles de l’eau et de l’électricité, notamment.
Des privilèges inexpliqués
Aucune raison n’explique ces privilèges et les explications fournies ne sont pas plausibles. S’il est vrai qu’un représentant du peuple ou un ministre doit effectivement jouir d’une bonne situation pour bien remplir sa mission, rien n’explique qu’il n’ait pas les mêmes obligations que ses concitoyens. « L’impôt fait avancer le pays et il est illogique que les citoyens privilégiés n’y contribuent pas », s’étonne François Bizimana. Il trouve, en effet, que ces privilégiés devraient être parmi les principaux acteurs du pays pour faire avancer le pays ; tandis que l’impôt est un des facteurs du développement : « Comment peut-on inciter les autres à travailler et à payer l’impôt quand on n’y contribue pas soi-même », s’interroge-t-il. Ce député de l’Assemblée Législative East-Africaine estime que le salaire des députés et des ministres n’est pas mirobolant, mais considère l’impôt comme une obligation de chaque citoyen, sans aucune distinction.
Traditionnellement, deux principes devraient caractériser l’impôt : Solidarité, car chacun doit contribuer selon ses moyens ; ceux qui ont des revenus plus élevés payant proportionnellement plus, car ils ont plus de facilités à s’acquitter de leurs impôts. Égalité, car l’impôt devrait toucher les revenus de la même manière, quelle que soit leurs sources ou leurs utilisations.
Des privilèges anticonstitutionnels…
En réalité, les privilégiés de la République se la coulent douce au détriment de leurs concitoyens. Lorsqu’ils décident de faire des lois à leur avantage, c’est une aberration car, comme on dit en kirundi, « ntawicira urubanza. »(Il ne faut pas être juge et partie). Si on augmente, par exemple, les prix de la Regideso, ils ne payeront pas et c’est le contribuable qui va payer pour eux, avec le peu qu’il touche.
Car, d’un point de vue de la Constitution, le principe d’exonération de certains privilégiés est anticonstitutionnel.
« Les privilèges en matière fiscale sont tout simplement illégales », estime le constitutionnaliste Pascal Rwankara. Pour lui, sauf, peut-être, pour le Président de la République et les sénateurs à vie, il n’y a aucune raison que les autres aient ces facilités, car la Constitution ne le prévoit pas, sauf en fin de mandat et pour un délai limité : «Mais pas durant leur fonction car ils ont suffisamment d’émoluments. »
La diligence de l’égalité est donc une disposition d’ordre constitutionnel. Même si ces privilèges sont régis par une loi, elle écarte une norme de la Constitution, entraînant une mauvaise interprétation de celle-ci. Mais il est vrai qu’on dit également en kirundi « ntawikura amata mu kanwa» (personne ne peut se saborder). Même si certains privilégiés payaient leurs impôts, ils voteraient une autre loi qui y supplée.