Le sculpteur du héros de l’indépendance gâche la fête. Le buste "raté" du prince a suscité des commentaires, parfois acerbes. Iwacu a tendu l’oreille.
<doc4602|left>Le 2 juillet, à la place de l’indépendance, vieux, jeunes, burundais, expatriés, se retrouvent autour du monument, avec le nouveau buste du prince Louis Rwagasore. Des appareils photos, des téléphones mobiles sont mis en mode ‘photo’. « Mes enfants doivent grandir le Burundi gravé dans leur cœur », affirme un papa avec ses quatre enfants, après la prise de photo devant le monument. Pourtant, quelque chose cloche.
« Ce n’est pas lui … »
Un groupe d’expatriés et de nationaux est prêt pour une prise de photo. L’un d’entre eux rappelle au photographe de bien faire pour que le Prince Louis Rwagasore soit sur la photo. Mais dans la foule, on crie : « Non, ce n’est pas lui, ce n’est pas lui… ». Tout le monde est en effet frappé par l’image. Certains secouent la tête en signe de désapprobation.
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– [Le buste de Rwagasore n’est pas raté : " C’est un choix artistique " explique son auteur->www.iwacu-burundi.org/spip.php?article3118]
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Des passants tirent un billet de 100 franc qui porte l’effigie du prince pour comparer avec l’image installée sur la place de l’indépendance. Une écolière en uniforme passe, elle ne parvient pas à se retenir, « non, celui-là n’est pas Rwagasore, lui était beau », s’exclame-t-elle à haute voix. La statue suscite désolation et chagrin parmi les s patriotes venus commémorer la lutte pour l’indépendance du héros national.
Des questions sans réponses fusent : le Burundi aurait-il manqué d’artistes capables de bien sculpter le prince? « Peut être c’est une tactique de nous faire oublier ceux qui ont milité pour l’indépendance » », se lamente l’un d’entre eux.
« Fausser la statue de Rwagasore, c’est fausser l’histoire… »
« Je pense que c’est une ruse du pouvoir, qui considère que bien présenter le héros de l’indépendance serait le faire passer avant eux », fustige le politologue Salathiel Muntunutwiwe. Pour lui, cette carté est mal jouée : « Plutôt il fallait bien faire pour que ça aille à leur crédit », indique-t-il. Le politologue estime qu’il y a risque de récupération politique de cette affaire par les partis d’opposition.
La déformation du prince ne laisse pas indifférent ni les anciens hommes politiques de sa génération, ni les artistes : « fausser le statut de Rwagasore, c’est fausser l’histoire… », s’insurge Léon Manwangari, qui dirigeait le PDC, une formation rivale du parti de Rwagasore lors des élections de 1961. « Je crois que ce n’est pas un burundais qui l’a fait, sinon c’est une injure pour le Burundi », s’indigne un artiste expérimenté en art qui a requis l’anonymat. « Si tu ne soumets pas ton œuvre à la correction, tu es un mercenaire, pas un artiste », explique le sculpteur qui a 43 ans d’expérience. Pour lui, avant de l’exposer publiquement, il fallait d’abord l’analyser, la soumettre aux critiques, « c’est notre règle d’or », précise-t-il.
Peut-être que le message a passé …
Au lendemain de la célébration, la statue est voilée. Apparemment, la désapprobation générale a contraint les organisateurs à soustraire cette image au public. Contacté à ce sujet, le président de la commission qui était chargée de préparer la fête, refuse le moindre commentaire. Il précise néanmoins qu’il n’y a pas eu de passation de marché pour sculpter la statue. « Cela a été fait gratuitement », indique Zephyrin Maniratanga. Pour le reste, il nous renvoie à la direction de la mairie que nous avons essayé de joindre, sans succès.