Une cotisation annuelle de 33 mille BIF est désormais demandée à chaque pêcheur. Et ce, pour une assurance-vie. « Une escroquerie, une stratégie pour s’enrichir sur notre dos », dénoncent les pêcheurs et leur représentant. Ils demandent aux autorités de se pencher sur la question.
Aux environs du stade Olympique, zone Kanyosha, commune Muha, au sud de Bujumbura, une petite plage de pêche. Nous sommes dans le quartier Nyabugete.
Tout semble normal. Mardi 1er septembre, autour de 10 h, les vents du lac commencent petit à petit à rafraîchir la plage. Des hommes, des jeunes sont là. La plage est inondée de pirogues. Le temps de procéder aux probables réparations des moteurs, filets, batteries en attendant le départ du soir. D’autres flottent doucement sur le lac. Dans cette période de forte production de Ndagala, les séchoirs sont bien garnis. Des vendeuses de Ndagala dans la ville de Bujumbura sont sur place. Histoire de s’approvisionner.
Sur ce site comptant environs 800 pêcheurs, les pêcheurs se lamentent. Dimanche 30 août, la marine a saisi leurs batteries. « Et ce, pour n’avoir pas payé l’assurance-vie », explique un pêcheur rencontré sur place. Ils y sont poussés par les sociétés d’assurance « Business Insurance and reinsurance (BIC) et SIPEBU. Une assurance qu’ils jugent non nécessaire : «Un pêcheur, c’est comme un soldat. Quand il meurt sur le champ de bataille, on l’enterre.» D’après lui, un ou deux ans peuvent s’écouler sans qu’un pêcheur ne meure dans le lac. « Dans ces deux ans, qu’est-ce que l’on fera de cette assurance ? », s’interrogent des pécheurs en colère. Ils qualifient de forcée cette cotisation.
Les pêcheurs soutiennent qu’elle devrait être payée par les patrons des pêcheurs. Ils font remarquer que « ce ne sont pas les passagers qui paient l’assurance, mais plutôt les propriétaires des voitures ». Ils estiment que les sociétés BIC et SIPEBU voient en eux une vache laitière : «Nous dépendons du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage. Pourquoi les agriculteurs et les éleveurs ne sont pas concernés ? » Selon Moïse Ntahomvukiye, patron de pêcheurs, ce sont les sociétés d’assurance SIPEBU, BIC et la Fédération des pêcheurs du Burundi dirigée par Gabriel Butoyi qui tiennent à cette cotisation annuelle de 33 mille BIF. « Si c’est pour l’intérêt de tous les pêcheurs, nous sommes prêts à adhérer. Mais, si c’est pour le bénéfice d’un petit groupe de gens qui veut s’enrichir, pas question ! »
M.Ntahomvukiye rappelle que le président de la République a mis en garde tous ceux qui veulent profiter des autres. « Nous demandons aux autorités de se pencher sur cette question d’assurance-vie».
Avec ce projet, il indique que les patrons des pêcheurs sont aussi obligés d’acheter un gilet de protection de 35 mille BIF pour chaque pêcheur. Sans ce gilet, explique-t-il, impossible de bénéficier de cette assurance. Une pirogue de pêche peut être occupée par 6 à 8 pêcheurs. « Nous sommes plus de 5 mille pêcheurs dans le lac Tanganyika, de Kajaga à Kabonga. C’est une somme colossale qu’ils vont collecter sans risque». Et de marteler : « Nous connaissons la misère de nos pêcheurs. Que ça soit nous qui payions l’assurance pour nos pirogues et nos pécheurs. »
« Tout début d’un projet est difficile »
Malgré ces lamentations, quelques pêcheurs ont déjà adhéré à ce projet. C’est le cas de Déogratias Baranyikwa, responsable de la plage de pêche de Nyabugete, qui affirme avoir déjà payé l’assurance. Il témoigne avoir compris « son avantage en cas d’accident ». Il demande aux responsables de BIC et de Sipebu de convaincre les autres pécheurs.
Contacté, Gabriel Butoyi, président de la fédération des pécheurs du Burundi, confirme que BIC, SIPEBU et sa fédération ont décidé de travailler dans ce secteur. Il souligne que des réunions d’explication ont été organisées à l’intention des pêcheurs. Il déplore que, lors de ces rencontres, ces préoccupations n’ont pas été soulevées. «Sur toutes les plages de pêche, ils ont salué le projet. Ils avaient demandé seulement que les cotisations soient revues à la baisse». Ce responsable observe que tout début du projet est difficile : « Il y a ceux qui sont vite convaincus et ceux qui traînent les pieds.»
Ce projet d’assurance chez les pêcheurs du lac Tanganyika leur a été annoncé en juin 2020 à Rumonge. BIC et SIPEBU ont promis une indemnisation de 2 millions BIF à la famille qui perdra un pêcheur dans le lac et 500 mille BIF quand il sera blessé.
Signalons que l’article 15 du code des assurances au Burundi de juillet 2020 dispose : « La proposition d’assurance n’oblige ni le candidat preneur d’assurance, ni l’assureur, à conclure le contrat. »