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Les pêcheurs, une communauté exposée au sida malgré le silence sur le sujet

18/08/2011 Commentaires fermés sur Les pêcheurs, une communauté exposée au sida malgré le silence sur le sujet

Le sida reste est un sujet tabou chez les pêcheurs. Pourtant cette catégorie est parmi les plus à risque. Les formations sur ce fléau laissent encore à désirer. C’est le cas à Rumonge.

Mardi, dix heures du matin. Le lac Tanganyika est calme, plusieurs bateaux flottent sur l’eau. Environ 1400 pêcheurs sont là et sortent un à un de l’eau, fatigués. Ils ont embarqué la veille vers 16 heures. Leur seul désir se reposer, car ils ont passé toute la nuit à pêcher.

« Lutter contre le VIH/SIDA dans le secteur de la pêche est l’un de nos objectifs », révèle Sadi Mukanya. Selon le secrétaire général de l’association des comités des pêcheurs, pour faire ce métier, celui qui le souhaite y adhère à l’âge de 18 ans : « Une tranche d’âge où la plupart sont sexuellement actifs. »

En effet, Sadi Mukanya, lui aussi pêcheur, indique que pendant la saison des pluies légères, les pêcheurs vendent énormément de poissons et reçoivent beaucoup d’argent : « Nous avons remarqué que pas mal de prostituées louent des maisonnettes tout près du lac pour pouvoir vendre leurs services aux pêcheurs. » Et c’est ainsi que beaucoup d’entre eux cèdent à la tentation et succombent ; d’où le risque de contamination.
M. Mukanya indique en outre que les membres de l’Association Burundaise pour le Bien-être Familial (ABUBEF) de Gitega ont formé quelques pairs éducateurs (abaremeshakiyago) dans la catégorie des pêcheurs. C’est notamment sur les moyens de prévention et le dépistage précoce. Résultats : ils se sont fait dépister en masse.

« La plupart viennent d’ailleurs »

D’après Sadi Mukanya il n’y a pas que les pêcheurs burundais à Rumonge. Il y en a aussi qui viennent de la RDC, de la Tanzanie. Ceux-ci laissent leurs familles respectives pour venir travailler. Ce sont des célibataires géographiques. De plus, fait-il remarquer, après le travail, ces pêcheurs se reposent dans des tentes. En attendant que des femmes surnommées « piches » qu’ils ont embauchées leur préparent le repas.
De l’avis de M. Mukanyi, ceux qui n’ont pas encore changé de comportement ont des rapports sexuels avec ces femmes, ce qui les expose davantage à la contamination. Cependant, ce pêcheur souligne qu’au sein de l’association, ils ne connaissent pas le nombre de personnes atteintes par la maladie. Surtout qu’entre pêcheurs, le SIDA est encore un sujet tabou. « Néanmoins, celui qui révèle sa séropositivité est directement référé aux associations membres de l’ABUBEF pour un meilleur suivi», ajoute-t-il.

Sadi Mukanya demande beaucoup plus de formations en rapport avec le VIH/SIDA aux organisations habilitées. A part quelques conseils, il avoue que l’association ne détient aucun outil d’Information, Education et Communication(IEC). De même, outre que les pairs éducateurs ont appris il y a longtemps, ils ne sont plus à jour. Et d’ajouter que les « piches » ont également besoin d’enseignements spéciaux pour pouvoir changer de comportement. Car ce sont des femmes qui passent la plupart du temps avec des hommes.

Témoignages

Festus Kigeri : « De notre temps, on ne connaissait pas cette maladie »

Lui aussi pêcheur et chef du port de pêche du secteur Karonda dans la même commune, il affirme avoir assisté à la mort de certains de ses amis pêcheurs : ils ont été emportés par le SIDA. A l’âge de 50 ans, il se sent toujours en forme pour ce métier. Pour lui, une fois qu’un pêcheur est atteint par cette maladie, des maladies opportunistes surgissent: « Nous faisons un travail fatigant ; autant se faire dépister à l’avance et suivre le traitement le plus tôt possible. » Toutefois, ce quinquagénaire remercie le tout-puissant de l’avoir épargné de cette maladie. Séronégatif, il précise que de leur temps, ils n’entendaient jamais parler de ce fléau. Chacun se comportait comme bon lui semblait, surtout qu’il n’y avait pas à avoir peur de quoi que ce soit. Plus intéressant, M. Kigeri sensibilise ses amis pêcheurs sur tout ce qui est VIH en général. Car son objectif est de les amener à sensibiliser à leur tour la communauté.

Kennedy Sinzinkayo : « Mon grand frère est mort du SIDA »

Séronégatif, il a commencé ce métier à l’âge de 25 ans, aujourd’hui il en a 60. Tout petit, il apprend de ses parents que son frère est mort de cette maladie. Marié et père de trois enfants, il a décidé de s’engager dans la lutte depuis. Aujourd’hui, il est pair éducateur dans la catégorie des pêcheurs. Il les sensibilise ainsi que la communauté. Il avoue que le chemin est encore long vu que même ceux qui sont déjà atteints n’osent pas le révéler.

Vumiliya Bukuru : « L’abstinence est le seul moyen d’éviter le risque »

Elle est parmi les « piches », femmes qui préparent à manger aux pêcheurs depuis deux ans. Mariée et mère de six enfants, elle avoue que les pêcheurs ne font la cour qu’à celles qui se laissent aller : « Tout dépend de la personnalité de chacune ». De plus, il y a un grand risque de se faire contaminer puisque personne n’avoue sa maladie. Pour Me Bukuru, même si le métier de « piche » est rentable, l’abstinence reste le seul moyen pour éviter le risque.

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