Le Parlement ne peut consacrer que deux semaines pour l’étude du projet de loi des finances avant son adoption. Pourtant, la législation prévoit que le document doit être remis trois mois à l’avance. Les parlementaires ne sont pas contents.
<doc4795|right>« Nous allons maintenant exiger que le projet de loi des finances nous parvienne dans les délais », assure Henry Bukumbanya, président de la commission finances à l’Assemblée Nationale. Dans un atelier de formation, à l’hôtel Royal Palace, sur l’analyse de la loi des finances publiques, les membres de cette commission admirent l’expérience de leurs homologues sénégalais.
Pendant la « période budgétaire », à la deuxième moitié du mois de décembre à l’hémicycle, le Parlement se focalise sur le projet de loi budgétaire. Des nuits blanches en train de discuter, des parlementaires qui somnolent à cause de la fatigue, telle est l’ambiance qui règne. Toutefois, la tâche n’est pas complètement achevée.
«En deux semaines, nous ne pouvons que corriger les erreurs de formes », reconnaît le sénateur Gwankineza Laurent. Non seulement le projet tombe tardivement, il ne présente que des chiffres agrégés, poursuit-il. Une entrave pour comprendre les allocations budgétaires dans les moindres détails.
En outre, seul le ministre des finances, en séance plénière, défend le projet de loi avant son adoption. « Avant, des consultations suffisantes se font avec tous les ministres, chacun en ce qui le concerne. De plus, à part le ministre des Finances, aucun autre ministre n’a la cohérence du budget », explique ministre Tabu Abdallah Manirakiza, ayant les Finances dans ses attributions.
Au pays de Senghor, comme l’explique honorable Seydou Diouf, « la discussion budgétaire constitue chaque année un grand moment de la vie parlementaire, tant par le temps qui lui est consacré chaque année (environ 300 heures de débat en général), que par le nombre de députés qu’elle mobilise ». Ajoutant aussi que durant les deux mois de débat, les travaux débutent à 9h pour prendre fin minuit.
Bien chronométré, très bien orchestré, un délai spécifique à part égale est réparti entre ministres pour défendre leurs budgets. Stratégiquement organisé, des ministères sensibles comme l’agriculture, sont programmés pour le matin. Un temps de décorticage en profondeur lui est consacré, la mémoire fraîche.
La loi lève toute équivoque
« L’Assemblée Nationale est saisie du projet de loi des finances dès l’ouverture de sa session d’octobre », stipule la Constitution du Burundi, article 176, soit trois mois (Octobre, Novembre et Décembre) jusqu’au 31 Décembre que la loi accorde pour ce travail. Pourtant, comme c’est ci-haut indiqué, le document n’arrive souvent que deux semaines avant le vote. « La discussion avec le Fonds Monétaire International(FMI) est le facteur-clé de ce retard », justifie le ministre des Finances.
Le gouvernement, poursuit-il, doit attendre la venue des émissaires de ce bailleur très important qui peut être à temps comme l’année précédente, ou tardive.
Le Burundi n’est pas le seul pays dépendant en grande partie de l’aide extérieure. Certes le Sénégal n’est pas l’idéal, mais l’étape qu’il a franchie mérite de s’en inspirer. Que le projet de loi des finances traîne ou pas, l’échéance du 31 décembre n’est pas opposable au Parlement sénégalais. Ce dernier dispose des deux mois d’analyse que lui confère la loi, quel que soit la date à laquelle le projet lui est parvenu, indique Seydou Diouf.
Une bataille plus politique que juridique
Mais pourquoi les députés ne protestent pas trop ? Les origines de cette situation peuvent être lointaines : les fameuses listes bloquées lors des élections législatives. « Il est dommage qu’il n’y ait pas de primaires qui laissent les députés se faire élire librement», regrette Charles Nihangaza, ex. ministre et consultant en finances. Un député, ajoute-t-il, qui a eu le privilège d’être mis sur la liste, et qui espère que son parti réitère cette confiance pour le mandat suivant, ne veut pas créer trop de vagues. Il risquerait d’être mal perçu par son parti, mettant ainsi en danger son avenir politique.
Côté parlementaire, pas facile de l’avouer, non plus de le nier catégoriquement. « Peut-être qu’il y aurait certains parlementaires qui n’osent pas lever le petit doigt pour dénoncer certains dysfonctionnements », dit Gwankineza, Laurent. « A la chambre haute du Parlement, le débat est parfois vif, et personnellement nul ne peut m’empêcher de m’exprimer librement », poursuit-il.
Précisons que le projet de loi des finances pour l’exercice 2013, est en cours de préparation au sein du ministère des Finances, comme l’indique son patron.