Dans plusieurs pharmacies de la capitale économique Bujumbura, un manque de certains médicaments s’observe. Les médicaments disponibles sont à un prix qui varie d’une pharmacie à une autre. Certains pharmaciens vont se ravitailler en République démocratique du Congo, RDC, pour satisfaire la demande.
Dans la zone urbaine de Bwiza, à l’endroit communément appelé Permanence, plusieurs pharmacies sont alignées pour servir les clients qui viennent principalement de l’Hôpital prince régent Charles ou de la Maison médicale. Des clients sont pourtant contrariés même si des médicaments de toutes sortes sont visibles dans les étagères.
Une femme tenant une ordonnance médicale sur laquelle on peut voir deux médicaments se lamente par exemple du fait que cela fait deux jours qu’elle sillonne les pharmacies sans trouver un parmi les deux médicaments que le médecin lui a prescrits. « Le premier médicament est disponible dans ces pharmacies, mais à des prix différents. Dans la première pharmacie, le médicament coûte 8 000 BIF. Dans une autre pharmacie, juste à côté, le même médicament coûte 12 000 BIF. Une autre pharmacie qui se trouve à moins de dix mètres le vend à 5 500 BIF », témoigne-t-elle.
Complètement dépassée, la femme avec l’ordonnance avoue ne pas comprendre pourquoi les médecins prescrivent des médicaments qui ne se trouvent pas sur le marché. Elle explique que dans toutes les pharmacies où elle est passée, on lui a dit qu’il y a rupture de stock pour les médicaments qu’elle cherche.
Un garde malade à l’hôpital roi Khaled témoigne également que la semaine d’avant, il avait acheté de l’hydrocortisone injectable à 2 500 BIF. « Maintenant, non seulement le prix n’est plus le même dans les pharmacies mais aussi il est monté en flèche. Ici, je peux le trouver à 6 000 BIF et là à 8 000 BIF », précise-t-il désespéré. Il trouve qu’il devait y avoir de la part du ministère de la Santé publique un suivi et une supervision permanente des médicaments en vente ainsi que de leur provenance.
Une question plus complexe
Une pharmacienne tenant l’une des pharmacies se trouvant à l’endroit dit Permanence explique que la variation des prix pour un même médicament dépend du point de ravitaillement de chaque pharmacie. « Nous nous ravitaillons séparément. Si telle pharmacie vend ses produits à un prix élevé, c’est qu’elle s’est ravitaillée à un prix aussi élevé », explique-t-elle. Elle estime que ce qui importe c’est la disponibilité.
Selon un propriétaire d’une pharmacie dans la zone urbaine de Bwiza, le prix des médicaments a presque triplé dans les pharmacies de gros où les pharmacies de détail s’approvisionnaient. Il vend alors en fonction de comment il s’est approvisionné. « Je ne peux pas courir le risque de vendre à perte. Si le prix monte pendant le ravitaillement, je n’ai pas d’autres choix ».
Un autre gérant d’une pharmacie explique que toutes les sortes de médicaments proposées sont chères. Des gens préfèrent alors des médicaments de substitution. « Non seulement les médicaments sont très chers mais aussi l’approvisionnement se fait par favoritisme. Ce n’est pas n’importe qui qui est servi. Ce qui constitue un élément catalyseur des spéculations autour des médicaments ».
Certains acteurs du secteur parlent du manque de devises pour expliquer la cherté et la rareté des médicaments mais qu’il ne s’agit pas de la seule explication. Un responsable d’une pharmacie de gros précise par exemple que les prix des médicaments pour enfants ont fortement augmenté. « C’est une réalité indéniable. Les prix de tous les médicaments ont fortement augmenté à cause du manque de devises » indique-t-il avant d’ajouter qu’« à cause de la flambée des prix d’autres produits, les pharmacies revoient à la hausse ceux du médicament pour couvrir les charges liées au fonctionnement. Elles augmentent aussi les prix pour garder leur bénéfice ».
Un opérateur dans le secteur explique que la question est complexe. Il évoque le retard dans le paiement des fournisseurs étrangers à cause du manque de devises. « Une facture d’importation peut passer trois mois sans être payée. Cela entraîne des retards dans la livraison », se lamente-t-il. Et d’ajouter que ce retard expose les importateurs aux pénalités de retard. « Ces dernières se répercutent sur les prix des médicaments et c’est le patient qui est la première victime. »
Des entrées illicites
Face à l’indisponibilité de certains médicaments, certains pharmaciens passent par des voies illégales pour s’approvisionner. Un propriétaire d’une pharmacie à Bwiza témoigne par exemple que « face à cette situation, certains gérants des pharmacies préfèrent des médicaments frauduleux qui par conséquent sont moins chers. Moi-même je viens de passer trois mois sans me procurer des médicaments, faute de moyens. »
Dans une autre pharmacie du nord de la capitale économique Bujumbura, un pharmacien fait savoir que pour certains médicaments, il est obligé d’aller les amener du Congo voisin. « Il y a des médicaments qu’on ne peut pas trouver ici et que les médecins prescrivent aux malades. Et moi, je m’arrange pour les trouver de l’autre côté de la Rusizi », témoigne-t-il.
Tout en exigeant l’anonymat, ce pharmacien indique ne pas être le seul qui fait ce trafic de médicaments tout comme le témoigne un ressortissant de la province de Cibitoke. « Si j’exporte une chèvre de l’autre côté, je reviens toujours avec quelque chose de rentable comme les pagnes ou les médicaments », précise-t-il.
Ce pharmacien affirme qu’actuellement, ramener des médicaments de la RDC est devenu monnaie courante parce qu’il est difficile de se ravitailler par voie légale. Dans les pharmacies de gros, il y a des produits qui ne sont plus disponibles. Certains pharmaciens recourent alors à la voie illégale pour continuer à servir les clients, selon ce vendeur.
Pour certains observateurs, la flambée des prix des médicaments ne serait pas très désastreuse si les services de contrôle de qualité des médicaments étaient vigilants. Ils s’inquiètent que des contrefaçons en provenance de la Chine et de certains pays arabes via la RDC et d’autres pays limitrophes, risquent d’inonder le marché. Avec le risque imminent, d’après eux, de développement du marché noir. « La spéculation est surtout due à la défaillance de la réglementation du secteur pharmaceutique et à la mauvaise application des textes en vigueur ».
Serge Harindogo, président de l’Ordre des pharmaciens, reconnaît que la rareté et le manque de médicaments est une triste réalité. Il pense comme les autres que cela peut être lié au manque de devises dont le pays a besoin pour importer.
Néanmoins, il fustige l’importation illicite des médicaments tout en précisant que cela est puni par la loi. Il fait savoir qu’il y a des importateurs de médicaments qui sont accrédités par le gouvernement pour cela. Il cite les exemples de la Centrale d’achats des médicaments essentiels, Camebu, et des pharmacies de gros. C’est Entretemps, la création de nouvelles pharmacies est interdite.
En effet et pour rappel, le 23 juillet 2024, le ministère ayant la santé publique dans ses attributions a sorti une note portant suspension des nouvelles demandes d’autorisation d’ouverture au public des pharmacies, structures de soins et écoles paramédicales privées.
« Seuls les dossiers dont les demandes ont été enregistrées au ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida avant la prise de cette décision bénéficieront du traitement conformément aux normes d’accréditation et au plan d’extension de la couverture sanitaire en vigueur au Burundi », pouvait-on lire dans la note. Chez ces importateurs reconnus que les pharmacies doivent se ravitailler, insiste-t-il.
Entretemps, la création de nouvelles pharmacies est interdite. En effet et pour rappel, le 23 juillet 2024, le ministère ayant la santé publique dans ses attributions a sorti une note portant suspension des nouvelles demandes d’autorisation d’ouverture au public des pharmacies, structures de soins et écoles paramédicales privées. « Seuls les dossiers dont les demandes ont été enregistrées au ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida avant la prise de cette décision bénéficieront du traitement conformément aux normes d’accréditation et au plan d’extension de la couverture sanitaire en vigueur au Burundi », pouvait-on lire dans la note.