Comment suivre ses ouailles à travers des rencontres hebdomadaires où il est question du message biblique … et de la jeunesse.
<doc7668|right>Rien de mieux pour nourrir l’imaginaire populaire et le goût humain pour le mystère qu’une petite dose de scandale, de temps en temps. Cette recette du destin (ou du Malin) est aussi valable en politique qu’en matière de religion.
La désormais nouvelle mariée était jusqu’il y a quelques mois encore une figure flamboyante des fraternités au sein de l’Église Bon Berger à Mutanga Nord. Le jeune époux fut, quant à lui, l’un des pionniers à lancer ces « rencontres hebdomadaires entre frères et sœurs de même foi » dans cette partie de Bujumbura.
C’est dire si leur mariage précipité suite à quelque aventure qui s’est soldé par un bébé à venir a donné lieu à des commérages excités, entre partisans et détracteurs des fraternités. Ces derniers, comme Steve, étudiant en économie, en ont profité pour répéter un peu plus haut tout le mal qu’ils en pensent, stigmatisant « des rendez-vous qui n’ont rien à envier aux virées parfois douteuses entre potes. » Les premiers, comme Alain, futur docteur, ont plutôt minimisé l’incident, rappelant que « l’être humain est par essence faillible : seul Dieu peut se passer de commettre des erreurs. » Outre qu’un cas pareil est assez rare, la réalité sur les fraternités est plus complexe.
Des lieux de socialisation
Jackson Nahimana est responsable des « familles de prière », le nom qu’on a donné aux fraternité au sein de la Life Center, basée à Nyakabiga, au cœur de la capitale burundaise. Après sept ans d’existence, cette église dispose de 2.000 membres et d’une équipe dynamique (compte Facebook régulièrement mis à jour avec de belles photos des croyants transportés par la parole divine, une chorale des meilleures à Bujumbura). Elle propose un message jugé plus « moderniste » que les anciennes confessions protestantes (Anglicans, Pentecôtistes, Méthodistes, etc.)
Ici, les fraternités s’appellent aussi des « cellules », et attirent majoritairement des jeunes. 15 en tout, dont quatre à naître sous peu : « Ce sont des lieux de rencontre de 15 personnes au maximum, tenus tous les jeudis de 17h30 à 19h30 et dans lesquelles on revient sur la prêche pastorale du dimanche précédent », explique Jackson Nahimana, l’air grave. Perçues comme « le fondement de l’Église », elles sont un lien direct entre les croyants et le pasteur qui a, semaine après semaine, l’actualité de ses ouailles. Ceci à travers les rapports hebdomadaires que lui fournissent les responsables de cellules : « Qu’il y ait un malade, une foi vacillante ou un problème particulier qui nécessite la mobilisation de tous, la cellule est la famille dans laquelle tout se partage », indique Jackson.
Mais c’est surtout un espace dans lequel l’Église infuse sa morale, ses règles. C’est à travers elles que l’Église catholique tentera de calmer une jeunesse urbaine plongée dans des actes criminels des années 1994 – 19981.
À travers les débats animés, obligatoires pour chaque membre de la cellule, « on apprend à lire et à décoder le message de Dieu selon l’expérience personnelle et les préceptes de la communauté de foi à laquelle nous appartenons », note ainsi Jackson. Rien d’étonnant donc que des familles y envoient leurs adolescents pour un supplément d’éducation qu’ils s’avèrent incapables de fournir. D’ailleurs, comme le révèle Jackson, « plusieurs serviteurs de l’Église ont commencé leur ministère à travers ces cellules. »
Un refuge pour les jeunes …
Les fraternités peuvent également servir de subterfuge pour les jeunes ! Par exemple, en ce qui concerne l’épineuse question de l’heure-limite à laquelle on doit être à la maison, le soir. C’est assez rare que des parents fassent tout un boucan quand leur fille de 16 ans rentre à 20h15 quand ils savent qu’elle est sortie pour une fraternité, explique-t-on dans la fraternité catholique de Gasenyi (l’Église romaine en possède une dans chaque quartier de la capitale).
Le fait aussi qu’on puisse y prendre la parole, exprimer ce que l’on pense sur des sujets aussi sérieux que Dieu, l’amour, la vie – change de la touffeur familiale héritée de la tradition burundaise où seul le papa ou la maman parle, les enfants n’ayant qu’à écouter : « Chaque fraternité catholique, qui peut comprendre jusqu’à 50 membres, est dirigée par un berger, son adjoint et un comité qu’ils ont nommé. Le lieu de tenue est rotatif entre ses membres pour que nous puissions nous rendre visite », raconte Danny, de la paroisse Saint Jean-Baptiste à Gihosha.
Dans les fraternités, on y rencontre des jeunes de son âge (dans une ambiance décontractée qui plus est), on apprend à nouer de nouvelles amitiés, on acquiert des responsabilités, on sort de chez soi.
On y vit, quoi ! C’est là même le charme de ces rencontres …