Syphilis, blennorragie… Ces infections sexuellement transmissibles (IST) passent sous le radar. Pourtant, les chiffres sont éloquents : plus de 3.400 cas durant le premier semestre 2020 à l’Abubef.
3.460 cas d’IST ont été enregistrés par l’Association burundaise pour le bien-être familial (Abubef), depuis janvier à juin 2020. 92% de ces cas touchent des femmes. 35% des jeunes (entre 10 et 24 ans).
En 2019, ce centre a reçu 5.996 cas d’IST. Les femmes représentent plus de 87% de cas et 36% sont des jeunes.
La directrice exécutive de l’Abubef, Donavine Uwimana, évoque quelques cas d’IST chez les enfants âgés de 10 à 14 ans : « C’est quand même un très jeune âge, c’est-à-dire qu’il existe des jeunes qui commencent leur vie sexuelle à 10 ans. Cela devrait alerter les pouvoirs publics et les autres acteurs. » Pour elle, une seule personne qui a une IST dans cette tranche d’âge (10-14 ans), c’est alarmant.
Mme Uwimana explique cette flambée des cas chez les femmes par un dépistage systématique des IST chez toutes les femmes enceintes qui consultent à l’Abubef. Ensuite, parmi ces IST dépistées, beaucoup sont des travailleuses de sexe. De surcroît, les hommes sont réticents à consulter, ils privilégient l’automédication.
Elle affirme que malgré les sensibilisations, les IST ne tendent pas à diminuer, si l’on compare les chiffres de l’année précédente avec le premier semestre 2020.
Elle estime que l’information sur les IST n’est plus efficace et complète. Avec l’amélioration de la prise en charge du VIH sida, les IST sont moins visibles. « Ce qui fait que les gens peuvent penser qu’elles n’existent plus».
L’autre défi, selon Mme Uwimana, est que les questions liées à la sexualité restent tabous. Pour certains, l’éducation sexuelle chez les jeunes est perçue comme une incitation à la débauche alors qu’elle contribue pour une grande part dans la prévention des IST.
La fertilité en péril
Dr Janvier Nihorimbere affirme que les IST affectent beaucoup la santé reproductive.
Chez l’homme, explique ce médecin, ces IST provoquent des lésions sur les voies génitales responsables de la reproduction. « Ces lésions provoquent donc la mort des tissus qui fabriquent les spermatozoïdes. Avec son corollaire : la stérilité».
Les hommes patients des IST peuvent aussi endurer un choc psychologique dû aux douleurs physiques intenses. Par exemple la blennorragie surtout entraîne chez l’homme une « chaude-pisse » (brûlures intenses en urinant et écoulement du pus). « Ça fait très mal. En médecine, l’on dit que le patient a l’impression de pisser les lames de rasoir. » Cela provoque des séquelles traumatiques qui affectent la virilité du sujet, d’après le médecin. Car il est affecté au niveau mental et développe du dégoût sexuel.
Chez la femme, nuance Dr Nihorimbere, les symptômes tardent à s’extérioriser et peuvent se confondre avec une indigestion, une infection urinaire, une ovulation, etc. Entre temps, l’infection cause des dégâts dans les parties génitales internes, dont l’inflammation des trompes qui peuvent se boucher. Et bonjour l’infertilité. Si les trompes ne sont pas bouchées, elles sont difficilement perméables, ce qui peut entraîner une grossesse extra utérine.
La directrice de l’Abubef ajoute que certains IST peuvent être impliquées dans les cancers des parties génitales, comme le cancer du col de l’utérus chez la femme. Elle fait aussi savoir que les patients des IST non traités sont beaucoup plus exposés au VIH sida.
Parmi les causes de stérilité au Burundi, poursuit-elle, l’on retrouve souvent les IST non traités.
Nous avons essayé de contacter le ministère de la Santé, sans succès.