Au travers de ce témoignage, on est en droit de se demander s’il n’existe pas de plan de traque des membres du FNL dans lequel sont impliqués des Imbonerakure, payés par des responsables du Cndd-Fdd…
Tout commence au début du mois d’août quand des membres du parti au pouvoir chargent Augustin Ndihokubwayo, professeur au collège communal de Kiriba à Mabayi de leur trouver cinq jeunes dans sa commune. Cet homme connu sous le nom de Wamiremera est le chef des démobilisés de Mabayi. Contactés, certains démobilisés déclinent l’offre.
Le 14 août 2011, M.Ndihokubwayo réussit à recruter plusieurs jeunes dont Mazahari, du secteur Nyagaseka ; Toto du secteur Rutabo ; Miburo, originaire de Ngozi ; Jean Marie Niyonkuru ; Dusenge, Habimana et Filbert, tous du secteur Mukoma ; et deux autres personnes dont Iwacu n’a pas pu connaître les noms.
Le 16 août, Jean Marie Niyonkuru est envoyé dans la Rukoko avec plusieurs autres jeunes pour traquer « les groupes des bandits ». Le 17 août 2011, ces jeunes se font passer pour des rebelles et demandent aux cultivateurs et fermiers de la Rukoko où se trouveraient des positions de leurs supposés frères.
K.H, un cultivateur rencontré sur les lieux se rappelle : « Ils étaient tous armés et m’ont signifié qu’ils ont perdu leurs amis rebelles. Ils m’ont ensuite demandé de leur indiquer le chemin pour qu’ils les retrouvent. Je leur ai répondu que je n’en savais rien. » K.H indique qu’il a entendu des coups de feu : « C’est après que j’ai su qu’ils étaient tombés sur une patrouille des militaires et qu’ils avaient échangé des tirs. Jean Marie Niyonkuru est mort sur le champ ».
La famille du décédé assistée
Le lendemain, raconte des sources dans la commune de Mpanda, un véhicule de Joseph Kenyata, commissaire de la police à Cibitoke a ramené la dépouille mortelle jusqu’à la morgue de l’hôpital de la commune.
19 août, Augustin Ndihokubwayo annonce la nouvelle à la famille de Jean Marie Niyonkuru. « Le porteur de la mauvaise nouvelle a failli se faire lyncher », se souvient un témoin présent ce jour-là. Le 22 août, le corps de Niyonkuru arrive à Mabayi à bord d’un véhicule, plaque numéro B2188A du service de l’Hydraulique. Sa famille l’enterre à son domicile.
Selon des sources fiables, la famille de feu Jean Marie Niyonkuru aura reçu 300.000 Fbu des mains d’un certain Mani, membre du parti au pouvoir. La commune, quant à elle, a versé une somme de 30.000 Fbu pour l’enterrement avant de donner 100 kilogrammes de riz, 50 de haricots et de l’huile pour les sept jours de deuil.
Une source affirme que l’administrateur communal a aussi promis à cette famille 30 tôles ainsi que la construction d’une clôture autour de la tombe.
Malgré cette sollicitude, les proches de Niyonkuru, qui affirment « vivre dans une constante peur sous la surveillance des Imbonerakure », demandent que lumière soit faite et que « les responsables de sa mort soient punis ».
D’où l’idée d’un plan…
Ces témoignages ont été recueillis après les propos de D.Y, habitant au chef lieu de la commune Mabayi, ancien militant des FNL, qui affirmait connaître l’existence « d’un plan d’élimination les membres des partis de l’opposition élaboré par des membres du parti au pouvoir. » Selon ce père de deux enfants, il s’agit d’engager des jeunes démobilisés ou Imbonerakure moyennant un paiement dont il ignore le montant. Leur mission : anéantir les éléments gênants pour le Cndd-Fdd dans n’importe quel coin du pays. Pour réussir leur mission, les concepteurs de ce plan auraient mis en place un groupe de cinq membres par commune, qui opérerait dans des circonscriptions dont ils ne sont pas originaires. C’est le cas de ce qui est arrivé à Jean Marie Niyonkuru, alias Nyabusa, tué ce 17 août…
« Time will tell us »
Le temps nous le dira, lâche Ezéchiel Nibigira, président de la ligue des jeunes du Cndd-Fdd. Rejetant en bloc les accusations portées contre la ligue, il lance que « quiconque attribue les cas de tueries aux Imbonerakure a comme objectif de désorienter les enquêtes judiciaires. » Selon lui, les conflits sociopolitiques qu’a connus le Burundi ont toujours été entretenus par le mensonge. La Ligue des Jeunes, ajoute-t-il, « n’a pensé et ne pensera jamais à faire reculer le pas déjà franchi par le pays en matière de sécurité ».
Des accusations donc « sans fondement ». Pour celui qui se définit comme « un représentant des Imbonerakure, mais pas de la justice», « la justice reste le seul organe chargé d’accuser tel ou tel autre individu ». Toutefois, M. Nibigira se réserve sur la responsabilité de la ligue au cas où il s’avèrerait que des Imbonerakure participent dans les massacres : « Il n’y a pas à faire une globalisation. Chacun doit répondre de ses actes. Qu’il y ait un Imbonerakure qui soit accusé de crime, cela ne doit pas être mis sur le compte de tous les jeunes du Cndd-Fdd. »
Interrogé pourquoi dans certaines localités les Imbonerakure se substituent à la police, le député ne mâche pas ses mots : « Avant d’être Imbonerakure, nous sommes avant tout des citoyens burundais. »