Ni le ministère de la Défense nationale, ni celui de la Sécurité publique et celui en charge de la Justice ne veulent s’exprimer sur le sort réservé aux démobilisés du Cndd-Fdd qui ont défilé en tenue militaire. Pourtant, la loi est claire.
<img5593|left>Il y a deux ans, le ministère de la Défense nationale et des Anciens Combattants mettait en garde la population quant à l’usage des effets militaires. Gaspard Baratuza, porte-parole de ce corps, rappelait : « Seuls les militaires sont autorisés à porter un effet militaire. Toute autre personne qui en fait usage se verra dépouillée du matériel sans condition et sera poursuivie par la justice. »
Aux militaires, le colonel Baratuza faisait savoir que le port d’une tenue ou tout autre effet militaire en congé ou dans un lieu autre que celui de travail est interdit. Il leur était recommandé aussi l’évacuation du matériel usé à la Base Logistique pour destruction avant l’octroi d’un nouveau, comme le prescrit le règlement militaire en matière de gestion du matériel. Ceci, expliquait Gaspard Baratuza, pour éviter toute confusion entre militaires et malfaiteurs lors des forfaits commis à l’endroit de la population.
Pourtant, ce 29 septembre 2012 à Cibitoke, devant Gabriel Ntisezerana, président du Sénat, Edouard Nduwimana, ministre de l’Intérieur, Joseph Ntakarutimana, vice-président du parti CNDD-FDD et autres personnalités, des démobilisés ont passé outre cette interdiction : les uns avec des ceinturons, les autres portant des bottines, chemises ou pantalons militaires. Ces derniers ont passé en revue leurs troupes sans être inquiétés. En guise de rappel, le parti au pouvoir célébrait le deuxième anniversaire de sa victoire pour le deuxième mandat de Pierre Nkurunziza.
Pas de commentaires
Deux semaines après cette manifestation politique, le ministère de la Défense via son porte-parole fait savoir que la mesure du 21 juillet 2010 reste d’application. Interrogé, le ministère de la Sécurité se refuse de tout commentaire. Quant au ministère de la Justice, son porte-parole justifie son silence : « Pour répondre à cette question du sort réservé à ces démobilisés, je dois concerter mes supérieurs qui, pour le moment, sont en mission de travail. » Le secrétaire permanent au ministère de l’Intérieur, quant à lui, reconnaît la faute commise alors que son supérieur hiérarchique a tout simplement minimisé les faits. Il compare la tenue de ces démobilisés à des haillons.
Le Cndd-Fdd prépare-t-il sa milice ?
La police ne cesse de procéder à des fouilles-perquisition là où elle le juge nécessaire. La semaine passée, la fouille a été opérée dans un domicile de Bubanza dont le père de famille est un militant du parti UPD-Zigamibanga. Il n’y a pas longtemps, la Commission nationale de désarmement a procédé à la récupération des armes détenues par la population civile. Pourtant, ce défilé du 29 septembre montre qu’il y a une catégorie de la population qui garde le matériel militaire et policier. Il y a lieu de se demander pourquoi ce matériel n’a pas été remis.
La mesure concerne-t-elle certains et non d’autres ? Une opinion ne doute pas que la politique de désarmement a échoué à moins que le parti Cndd-Fdd ne soit pas concerné par ce processus. De l’avis de Pacifique Nininahazwe, délégué général du Forsc, il est grand temps s’il n’est pas tard que le président de la République prenne des mesures : « La situation risque de dégénérer comme au Rwanda avec les Interahamwe. Surtout que l’ADC-Ikibiri déclare qu’elle va aussi mobiliser sa jeunesse. »
Du côté du pouvoir, la question semble ne pas avoir d’importance. Le secrétaire permanent au ministère de l’Intérieur parle d’{haillons} et non de {tenues complètes}. Mais au delà de ces haillons, certains ne doutent pas qu’ils sont en possession d’armes qu’ils utilisent lors de leurs patrouilles nocturnes. Dans tous les cas, des observateurs avisés estiment que les dirigeants de ce pays devraient éviter la catastrophe. Pour eux, leur silence aggrave la situation, d’autant plus que c’est la sécurité et l’ordre publics qui sont menacés.