Le statut général des fonctionnaires est clair : les rapatriés sont prioritaires dans la réintégration. En province de Ruyigi, la mise en pratique de ce texte est une réalité. Cependant, des problèmes ne manquent pas : le paiement du premier salaire traîne et certains services méritent d’être décentralisés.
<doc1882|left>Ce n’est plus un casse-tête, pour ces Burundais qui avaient fui le pays et qui rentrent après des années d’exil. La plupart d’entre eux sont des enseignants. Presque tous rentrent de la Tanzanie, par effet de proximité : Ruyigi se trouve à une cinquantaine de kilomètres de la frontière tanzanienne. Dans cette province de région naturelle du Moso, les fonctionnaires rapatriés sont disent fiers d’avoir regagné leur terre natale et surtout d’avoir pu réintégrer leurs emplois…
« Je n’attendais pas à être si vite réintégrée »
Jacqueline Bivakumana, 41 ans, est mariée et mère de trois enfants. Lors de la crise sociopolitique de 1993, elle fuit le pays alors qu’elle enseigne à l’école primaire de Ruyigi et s’installe en Tanzanie, à Kanembwa, dans le district de Kibondo. Elle sera engagée à l’école primaire de Rurira.
Après deux ans comme institutrice, elle change de lieu et pose ses valises à Upendo. Suite à des conditions de vie difficiles, Mme Bivakumana et sa famille décident de rentrer en octobre 2007. En Tanzanie, raconte-t-elle, des gens en provenance du Burundi tentaient de la dissuader de rentrer : « Tu n’auras pas d’emploi! », lui répètent-elle.
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{L’Anglais et le Swahili : un double avantage. Régina Ndayiragije, directrice de l’école primaire de Nyabigugo (Ruyigi), se dit très satisfaite de la prestation des enseignants rapatriés. Leur connaissance de l’Anglais et du Swahili constitue un avantage pour l’apprentissage non seulement des enfants mais aussi d’autres enseignants.}
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Surprise en mars 2008, quand elle fait une demande de réintégration à Bujumbura et reçoit sa lettre d’affectation deux mois plus tard. « Finalement, ce qu’on me disait était faux. Je ne m’attendais pas à être si vite réintégrée », lâche Jacqueline Bivakumana.
<doc1883|right>« J’ai touché mon premier salaire 20 mois plus tard »
Euphémie Ndikumana, 28 ans, affirme, elle aussi, qu’elle n’a pas eu de problème particulier pour réintégrer son travail. Cette enseignante de la 3ème année à l’école primaire Nyabigugo est rentrée en 2008 du camp de Nduta (Tanzanie) après 10 ans d’exil. Elle dit avoir été accueillie favorablement à la Direction provinciale de l’enseignement, à Ruyigi.
Quatre mois après sa demande d’emploi, elle commençait le travail. Elle regrette seulement d’avoir dû attendre vingt mois pour percevoir son premier salaire, alors qu’elle avait besoin d’argent pour nourrir et loger sa famille : « Mon mari, technicien médical, était encore en quête du travail suite et avait plusieurs démarches infructueuses. A l’époque, il devait se rendre à Bujumbura pour des formalités au ministère de la Santé. » La survie a été, se souvient-elle, un calvaire…
« Un séjour à Bujumbura coûteux »
M.N., agronome de formation, est un autre rapatrié de Nduta. Il raconte avoir réintégré le ministère de l’Agriculture. La tâche, explique-t-il, n’a pas été facile : « Après plusieurs années d’absence du pays, mon dossier avait été perdu. Il fallait en reconstituer un autre. » Il passe une semaine à Bujumbura, dans un hôtel, dans des démarches interminables. Mais il rentre bredouille et les poches vides. Il sera réintégré une année après. D’où sa demande : « Que le gouvernement décentralise certains services pour faciliter la vie à la population. »
« Le statut de rapatrié leur donne la priorité »
Nicomède Manirakiza, conseiller chargé de la pédagogie à la D.P.E. Ruyigi, est confiant : « La priorité est accordée aux rapatriés. S’il arrive que l’un ou l’autre ne soit pas recruté, ce n’est pas par mauvaise foi, c’est parce que le nombre de places est limité. » Il donne l’exemple de son service : il est autorisé à recruter 200 enseignants seulement cette année alors que les dossiers déposés dépassent 500. Nicomède Manirakiza précise que sur les dix enseignants qui avaient demandé la réintégration pour cette année scolaire, neuf ont reçu des réponses favorables. L’autre ne remplissait pas les conditions exigées…