Fausse approche, stigmatisation, diktat. Autant de qualificatifs qu’on colle à certaines mesures prises par certains administratifs. Pour certains défenseurs des droits de la fille, l’heure n’est plus à analyser, étudier, comprendre. Tellement, la situation prend de l’ampleur qu’elle risque de discriminer, marginaliser les filles dans la société burundaise.
Lundi 25 mars, l’administrateur de la commune Nyabiraba sort un communiqué. Ferdinand Simbananiye interdit formellement les jeunes filles de circuler dans les rues au-delà de 18 heures. Oui, seulement, les jeunes filles.
Un mois avant, l’administrateur de la commune Muyinga, avait pris une série de mesures visant à « remettre sur les rails » l’éducation des jeunes filles. A travers un communiqué, Philippe Nkeramihigo a annoncé des restrictions qui touchent particulièrement les jeunes filles élèves. Notamment ne pas se balader en duo (une fille et un garçon) après 18h ou se replier dans la nature pour revoir ses cours. Avec ses restrictions, il se dit décider à combattre la mauvaise éducation qui s’observe dans sa circonscription.
Il y a une semaine, Iwacu a effectué une enquête au lycée communal de Kibezi, commune Mugamba. Le matin de ce vendredi 22 mars, toute élève suspectée d’être enceinte a été conduite manu militari par les responsables de l’école, contre son gré, au centre de santé communal pour test de grossesse.
Oui, il faut moraliser la société. C’est aussi bien de faire preuve d’une loyauté sans faille envers les hautes autorités. Toutefois, avant de prendre de telles mesures, il faut faire le contour de la question. En mesurer les conséquences. Qu’on ne se voile pas les yeux. On sait la vie que mènent ces jeunes filles sur les collines. Après l’école, il faut puiser de l’eau, chercher du bois de chauffage, faire la vaisselle… Après, il faut un endroit éclairé pour faire l’étude du soir.
Parfois, c’est une école ou un centre de santé situé à quelques kilomètres. Par ailleurs, une jeune fille se situe à quelle tranche d’âge ? Qui sera chargé de surveiller ces « contrevenantes » ? La main sur elles, où seront-elles conduites, et par qui ? Un administrateur communal est-il habilité à prendre une telle décision ?
Dans notre société, les filles sont les premières victimes des violations des Droits de l’enfant et subissent en général une double discrimination : de par leur âge et de par leur sexe. Elles sont souvent traitées comme des êtres inférieurs aux garçons. La société les habitue à passer en dernier, ce qui sape leur confiance en elles-mêmes et leur capacité à exploiter leur potentiel en tant qu’êtres humains.
Quand j’étais petit, à la fin de la première République, une mesure semblable a été prise dans ma province natale, Gitega. Strictement interdit à une femme de porter une mini-jupe. Un certain samedi soir, un chef de quartier zélé s’en prend à un groupe des filles qui vont danser en « tenue légère ». Il les « corrige » littéralement au niveau des cuisses avec un fer à béton. Par la force des choses, une d’elles était la sœur de l’autorité qui avait pris la mesure. Pour la petite histoire, il a fallu l’arrivée de la deuxième République pour sortir le dévoué chef de quartier des geôles…