Vendredi 22 novembre 2024

Société

Les expropriés de Mabayi démoralisés

02/11/2018 Commentaires fermés sur Les expropriés de Mabayi démoralisés
Les expropriés de Mabayi démoralisés
Site minier de Cimba où plusieurs maisons ont été détruites

Les habitants de la colline Gahoma déplorent un an de retard dans le paiement des indemnités par la société Tanganyika Mining Burundi(TMB). Celle-ci exploite de l’or, de l’argent et du cuivre dans leurs propriétés. L’administration locale tranquillise.

« Onze mois viennent d’être écoulés sans avoir touché des indemnités sur mes cultures de manioc, de maïs et haricots détruites par la société TMB en octobre dernier», lâche C.H., un habitant de la colline Gahoma, désespéré. Il parle de plusieurs promesses non tenues par les responsables de la société TMB.

Sur le site de Cimba, sis sur la colline Gahoma, la lassitude, le désespoir se lisent sur les visages des anciens orpailleurs. Aujourd’hui, avec l’arrivée de cette société russe, ils sont au chômage. «Alors que nous vivions de l’extraction de l’or depuis notre jeune âge, il nous est aujourd’hui formellement interdit d’exercer notre métier», confie un sexagénaire croisé sur les lieux.
Lundi 15 octobre, à 12h, ils sont des centaines rassemblés tout près du site. « C’est le calvaire. Aujourd’hui, on peut passer une journée sans manger. Ces gens nous ont envahis. Nos familles meurent de faim.»

Pour rappel, le président de la République Pierre Nkurunziza, lors du lancement officiel des travaux en octobre 2017, a précisé que ce seul site regorge de plus de 14 tonnes d’or, 16 tonnes d’argent et 36 mille tonnes de cuivre. Aujourd’hui, l’accès à ce site est interdit à toute personne étrangère.
A l’entrée, plusieurs policiers montent la garde. De loin, des machines sont à l’œuvre. Elles sont en train de terrasser le terrain. Même la succursale catholique a été détruite.
Selon les dires des parents, les enfants peinent à arriver à l’école. « Ces policiers les obligent à faire des contours. Là, nos enfants sont obligés d’emprunter un long et mauvais chemin », se plaint un parent en colère.

Des indemnités aléatoires

« Les représentants de TMB fixent unilatéralement le montant des indemnités sans notre consentement », se lamente un exproprié de Mabayi. Ceci est contraire à la loi, notamment l’article 424 du Code foncier. Cette disposition stipule que l’indemnité de l’expropriation doit compasser intégralement le préjudice subi par l’exproprié.

Cette société minière donne seulement une indemnité de 1500 Fbu par m2 pour des champs de haricots et de bananiers. « Qu’est-ce qu’on peut acheter avec 1500 Fbu ?», lâche-t-il, furieux. Et d’ajouter : « La société TMB va faire des fortunes parce qu’elle exploite de l’or. Pourquoi nous donne-t-elle des indemnités dérisoires ?»

Ceux qui ont des terrains vides, mais occupés, n’ont pas, eux aussi, encore reçu leurs indemnités. Et des fois, révèle-t-il, le responsable chargé de calcul des indemnités exige un pot-de vin pour qu’un dossier avance plus vite. Sinon, l’attente devient longue.

E.I., un autre habitant de la même colline, déplore le retard dans le paiement des indemnités de la part de TMB. « Ça fait plus de six mois que j’attends des indemnités sur ma boutique détruite en avril dernier par la société TMB.» L’argent tiré du commerce constituait sa seule source de revenu. « Aujourd’hui, je n’ai rien à faire ».

Cet ancien boutiquier dénonce l’immixtion de l’administration communale dans le calcul des indemnités. «Elle nous a contraints à accepter le montant des indemnités.» L’administrateur a mis en place une commission chargée de leur évaluation. Elle est constituée essentiellement des admiratifs à la base, l’administrateur communal et des représentants de la société TMB.

Là où le bât blesse, elle fixe unilatéralement le montant des indemnités sans le consentement des habitants. Elle ne tient pas compte, ni des propositions des habitants, ni de la valeur des biens détruits, non plus du terrain occupé. En cas de la destruction d’une maison d’habitation, la famille reçoit un million de Fbu pour acheter une autre parcelle. Une somme dérisoire. Avec ce montant, les expropriés ne parviennent pas à acheter un terrain de 10 m sur 10 m.

Cet habitant de la colline Gahoma accuse, par ailleurs, l’administrateur communal d’avoir gelé le versement aux expropriés des indemnités en espèce. Il a exigé de TMB la construction des maisons pour les expropriés.

Tous les habitants interrogés affirment que l’exploitation de minerais et l’agriculture constituaient leurs principales sources de revenus.

Les anciens orpailleurs en colère

J.B., de la colline Gahoma, désapprouve l’interdiction d’extraction des minerais par des orpailleurs locaux. Plus révoltant, conteste-t-il, même les coopératives n’ont pas l’accès à leurs sites. « L’Etat ne devrait pas privilégier une entreprise étrangère aux dépens des Burundais. » Et de demander au gouvernement de faire la délimitation du périmètre d’exploitation de la société TMB.

«Ceci permettra aux orpailleurs locaux de délocaliser leurs activités extractives en dehors du périmètre interdit.» L.N., un autre ancien orpailleur, déplore la politique d’embauche de TMB. Elle a fourni de l’emploi à des personnes non originaires de Gahoma. Ce qui est contraire aux promesses du chef de l’Etat, lors du lancement des travaux : « La main-d’œuvre locale sera privilégiée.» Ces expropriés accusent l’administrateur d’élaborer injustement la liste des employés de cette société. « Il offre de l’emploi à ceux qui ont des affinités familiales ou politiques avec lui. Seulement 10 personnes de notre colline ont été recrutées sur un total de plus 100 employés. » Ils dénoncent également des renvois abusifs, sans motifs valables.

Jean Marie Nsabimana, chef de colline Gahoma, témoigne que la population fait face actuellement à une pauvreté extrême. Comme conséquence, le vol dans les champs s’observe de plus en plus. Il demande au gouvernement de laisser les orpailleurs locaux continuer d’exercer leur métier en dehors du périmètre d’exploitation de la société TMB.

L’administration rassure

«Qu’ils soient rassurés. Les indemnités seront bientôt distribuées. L’administration communale et provinciale a pris la question en main », tranquillise Pascal Basaburwuzuye, administrateur de la commune Mabayi.

Il reconnaît tout de même que les indemnités versées sont tellement dérisoires. Mais, il espère qu’avec l’exploitation proprement dite des minerais, elles seront considérablement augmentées.
Cet administratif indique que le gel des indemnités en espèce a été sollicité par la majorité des habitants de Gahoma particulièrement les femmes. « Elles redoutent le gaspillage de la part de leurs conjoints ».

M. Basaburwuzuye rejette son implication dans le recrutement.
Nous avons tenté de contacter TMB, en vain.

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