Le nombre d’enfants en situation de rue continue de croitre. Une stratégie nationale récemment élaborée par le ministère de la Solidarité nationale et ses partenaires entend prendre en compte les différentes catégories de ces enfants pour éradiquer le phénomène. <doc2477|left>Cela fait plus de cinq ans qu’Ibrahim vit dans la rue. Il raconte avoir quitté sa famille à l’âge de huit ans. Après la mort de sa mère, son père le bat à chaque fois qu’il rentre ivre. L’enfant préférera prendre la clé des champs. Là au moins, il aura des amis qui sont dans la même situation que lui. Aujourd’hui, Ibrahim survit grâce à l’argent que les bienfaiteurs lui donnent. De temps en temps, il joue le porteur ou vend des sachets au marché central de Bujumbura. A la tombée de la nuit, le plus souvent, il entre dans une buse d’écoulement, tout près de l’école primaire Stella Matutina. Originaire de la province de Ngozi, Ndereyimana est orphelin. Après le décès de son père, sa mère s’est remariée et son parâtre le maltraite. Il fait une fugue et décide de vivre loin de sa famille. Un voisin lui suggère de venir à Bujumbura pour chercher du travail. Il travaille comme domestique dans le quartier de Buyenzi pendant quelques mois, mais sa patronne le congédie. Il décide alors de ne plus travailler pour autrui. Ne pouvant pas retourner chez sa mère, il choisit la rue. Plus de garçons que de filles « Les estimations montrent que la situation s’aggrave », alerte Aimable Barandagiye, coordonnateur national du projet de protection et d’appui aux enfants en situation de rue de l’association Giriyuja. Selon lui, une enquête récente montre que 3253 enfants et jeunes adultes sont en situation de rue dont 2661 dans la ville de Bujumbura, 401 à Ngozi et 191 à Gitega. D’après lui, les garçons sont plus nombreux que les filles : 97.8% contre 2,2%. Il explique cet écart par le fait que les filles ont plus de scrupule, sont plus fragiles et s’adonnent facilement aux travaux ménagers, à la garde des enfants ou à la prostitution dans endroits plus discrets. M. Barandagiye cite la dislocation des familles, l’individualisme, les problèmes affectifs et l’influence des autres enfants parmi les causes du phénomène des enfants en situation de rue. Tout cela est accentué par la pauvreté des familles : « C’est difficile d’éradiquer le phénomène tant qu’on ne s’attaque pas à ses causes profondes.» D’après le coordonnateur national de Giriyuja, il existe trois catégories d’enfants en situation de rue. La première est « rue nourricière » qui est le groupe d’enfants de moins de dix ans accompagnés ou envoyés par leurs parents. Ils y restent 12 heures par jour et rentrent en apportant l’argent à la maison, le soir. La deuxième est dite « rue refuge » : les enfants de ce groupe considèrent la rue comme un refuge. Ils quittent leurs familles à cause d’un climat malsain ou se sont révoltés contre leurs parents. Souvent, ils ont subi des violences domestiques. Ils vivent dans la rue 24 heures sur 24. La troisième est « rue identitaire ». Les enfants de ce groupe, s’identifient à la rue et développent l’idée selon laquelle la rue est un endroit idéal pour vivre. Souvent, ils font le commerce ambulant, volent, font parfois le trafic des stupéfiants. Ils n’acceptent pas facilement de quitter la rue. Un phénomène encore loin des priorités du gouvernement Le Coordonnateur national de l’association Giriyuja indique qu’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre le phénomène des enfants en situation de rue a été élaborée et validée le 14 octobre 2011 en tenant compte de ces trois catégories. Auparavant, précise-t-il, les stratégies élaborées avaient échoué car les enfants avaient été délogés sans autres mesures d’accompagnement. Si bien que la stratégie s’est avérée inefficace : après quelques jours seulement, ces enfants retournaient dans la rue. Ainsi, explique Aimable Barandagiye, pour la première catégorie, une activité génératrice de revenus est la solution envisageable : les parents doivent être financièrement autonomes pour pouvoir garder ces enfants à la maison. Pour la deuxième catégorie, il faut un travail de médiation suivi d’une réinsertion scolaire. Si les enfants en situation de rue restent désœuvrés, le risque est grand de les voir y retourner. Pour la troisième catégorie, les formations en métiers sont plus envisageables. Toutefois, les contraintes persistent. M. Barandagiye déplore que malgré l’engagement du ministère de la Solidarité nationale, le gouvernement ne met pas dans ses priorités ce problème de société. « Le ministère ne reçoit qu’un petit budget. Il est donc difficile de faire des choses concrètes sans moyens. Mais cela ne nous empêchera pas de faire le plaidoyer», indique-t-il.