Alors que les escargots et les chenilles pullulent dans plusieurs communes de la province Rumonge au sud-ouest du Burundi, ravageant des hectares de cultures, les agriculteurs désemparés craignent une disette, crient à l’aide et essaient de résister. Des campagnes d’éradication de ces bestioles sont en cours.
Mardi 24 janvier 2023, vers 15 heures sur la colline Kirama de la commune de Buyengero l’invasion des escargots est sur toutes les lèvres. Approchés, tous les habitants de cette colline racontent leur calvaire.
« Les escargots sont légion dans nos champs, ils s’attaquent à toutes les cultures sauf le palmier à huile, il a des feuilles dures », affirme Didier Ntunzwenayo, 30 ans, père de famille, avant d’inspecter ses petits champs de courge et d’amarante pour démontrer l’ampleur des dégâts.
En un laps de temps, il ramasse une vingtaine d’escargots : « Ils ravagent nos cultures. On ne récolte rien », se lamente ce cultivateur de Kirama. « Impossible d’avoir une bonne récolte avec ces escargots. Ils attaquent le haricot, le manioc, les légumes, … Nous risquons de nous retrouver face à une précarité alimentaire sous peu », alerte-t-il.
Et sa voisine de renchérir : « Maintenant, difficile d’avoir quelque chose à mettre sous la dent sans faire ses courses au marché de Rumonge pour se procurer des produits vivriers », se lamente Violetta Ntakirutimana, mère de 5 enfants, un bébé au dos.
Son regret, c’est que depuis peu, elle se retrouve obligée à acheter du haricot et de la farine de manioc au marché alors qu’avant l’invasion de ces escargots, elle pouvait en avoir chez elle.
Les agriculteurs de Kirama disent qu’ils s’attendent à une mauvaise récolte, surtout du haricot, du manioc et de la patate douce qui sont plus attaqués par ces escargots ravageurs.
Ce qui est grave selon ces agriculteurs, c’est qu’ils se prolifèrent et attaquent des espaces qui au départ étaient épargnés. « Le phénomène s’empire », commente Eliezer Mpabwanayo, un agriculteur de Kirama. Celui-ci se dit très fâché contre ces escargots qui ruinent ses cultures.
Si le manioc commence à pousser, explique Mpabwanayo, il est détruit par les escargots. D’après lui, c’est pourquoi la production du manioc baisse. « Un kilo de farine de manioc s’achète pour le moment à 2.500 BIF alors qu’avant il ne dépassait jamais un prix variant entre 1.200 et 1.500 BIF ».
Besoin urgent d’un produit contre les escargots
Pour lutter contre ces escargots ravageurs les agriculteurs passent des heures et des heures à les ramasser sans jamais terminer ce travail. Pour Zacharie Nkeshimana un autre agriculteur interrogé, c’est une perte énorme de temps. « Nous ne pouvons plus vaquer à d’autres activités. Nous ramassons les escargots de 5 heures à midi ».
Il estime que le gouvernement devrait amener un produit efficace pour lutter contre ces escargots surtout que le ramassage n’est pas efficace. Nos sources indiquent qu’ils essaient de tuer les escargots ramassés à l’aide de la cendre mais que cela est loin d’être efficace.
Il existe en fait deux types d’escargots : les plus gros et les plus petits. Ces derniers sont difficiles à ramasser et sont pour la plupart des fois même invisibles. « Au soleil, ils se cachent sous la terre et ce sont les plus nombreux ».
Les agriculteurs de Kirama, une des collines les plus touchées, indiquent que pour le moment il n’existe pas chez eux une culture qui donne une belle production excepté le palmier à l’huile à cause de ces escargots.
Par conséquent, ils ne mangent qu’après s’être ravitaillé au marché. Zacharie confie qu’il a déjà abandonné un terrain d’environ 3 ha. Lui et ses voisins demandent à l’autorité responsable de l’agriculture de leur donner un produit efficace pour les anéantir.
Si rien n’est fait, ils estiment que même la saison culturale B qui commence avec février risque d’être perdue. « Ils sont très nombreux. Le matin et surtout après la pluie, ils sont visibles partout dans nos champs ».
Plus de 100 hectares de riz dévastés
Et comme si les escargots ne suffisaient, avec son lot de malheur voilà que des chenilles s’invitent dans les champs de riz de Rumonge pour semer la désolation. Elles rasent littéralement des rizières ne laissant que des souches.
Sur la colline Mutambara de la zone Gatete dans la vallée de Kagoti, connue comme rizicole à Rumonge, ces chenilles ont fait des ravages. Plus de 90 ha de riz ont été rasés par des chenilles noires.
Marcien Nsambaniruka, octogénaire, indique que la dernière apparition de ces chenilles datait d’il y a 17 ans. « A cette époque, elles ont été mangées par des garde-bœufs », témoigne-t-il.
Selon ce vieux riziculteur de Mutambara, on dirait que ces oiseaux tout blancs étaient des envoyés par la Providence. « Nous prions aujourd’hui, pour que le Seigneur nous envoie encre ces garde-bœufs », appelle Marcien Nsambaniruka.
Pour l’instant, se désole-t-il, nous ne voyons que les corbeaux voltiger dans ces rizières pour se régaler de ces chenilles.
« En une seule journée, les chenilles ont ravagé mon champ de riz alors que j’y avais investi près de 300 mille BIF », raconte Annonciate Niyoyitungira, 32 ans, mère de 5 enfants.
Alors qu’elle s’attendait à deux sacs et demi de riz au moment de la récolte, maintenant, cette jeune maman est sûre de sa perte. Elle aimerait pour le moment y cultiver de la patate douce mais elle se pose des questions : « Où est-ce que je trouverais les 70 mille BIF pour encore une fois louer le terrain ? »
La situation est la même chez d’autres riziculteurs. D’après ces derniers, ces chenilles résistent même aux pesticides que le Bureau Provincial, de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage leur a donnés pour la pulvérisation des rizières attaquées par ces chenilles.
Un constat fait sur place par Evode Ndagijimana, inspecteur phytosanitaire à Rumonge avant de décider de revoir à la hausse la dose du produit utilisé après avoir informé ses collègues et la hiérarchie que les 4 cc pour 16 l d’eau ne suffisaient pas. Il a dû augmenter la dose jusqu’à 10 cc, sachant qu’un litre de pesticide de type ‘’iron’’ peut couvrir entre 8 à 10 ha.
Des campagnes de ramassage et de pulvérisation
« C’est peut-être par le fait que notre province se trouve en plaine de l’Imbo avec un climat chaud qu’il y a prolifération de ces parasites qui s’attaquent aux cultures. A chaque saison pluvieuse nous faisons face aux escargots », indique le directeur du Bureau Provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage (BPEAE) de Rumonge, Ir Abel Ndayishimiye.
Au cours de la saison cultural A, fait-il savoir, les escargots ont fait irruption dans les communes de Muhuta, Rumonge, Buyengero et Burambi où « 40 à 50 hectares ont été dévastés ».
Après avoir alerté le ministère en charge de l’agriculture, cette autorité indique que son bureau a pu avoir 100 kilos de pesticide de type Métaldéhyde pour éradiquer ces escargots afin de lancer une campagne de pulvérisation. « Dans les zones où nous l’avons fait, le constat est que les ravages causés par les escargots ont diminué », poursuit le directeur du BPEAE.
Pourtant, reconnaît-il, le produit n’a pas pu couvrir toutes les zones attaquées par ces escargots. Suite à ce manque de pesticide, il indique que son bureau a organisé des campagnes de ramassages des escargots en collaboration avec l’administration. « Nous creusions un gros fossé pour déverser des escargots capturés et nous mettions dessus du savons en poudre et du sel ».
Il demande au ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage de donner d’autres produits pour leur éradication. En attendant les produits, ce responsable propose aussi aux agriculteurs de collecter des fonds pour acheter ces pesticides.
Il recommande également aux agriculteurs de ramasser les escargots avant de les asperger de savon en poudre mélangé avec du sel et les jeter dans des trous. « Nous avons constaté qu’ils meurent ».
Le directeur du BPEAE de Rumonge soutient néanmoins qu’il est difficile de dire quand ces escargots seront éradiqués. « A notre niveau, c’est de continuer la lutte ».
Il craint de surcroit que quand bien-même ces ravageurs seraient éradiqués, la grande probabilité est qu’ils peuvent revenir dans une autre saison pluvieuse. « Tout cela est dû aux changements climatiques ».
Pour les chenilles qui détruisent les céréales notamment le riz dans des marais de Kagoti et Kijigo en zone de Gatete de la commune Rumonge, l’Ir Abel Ndayishimiye dit qu’il a alerté le ministère de tutelle qui par après s’est rendu sur terrain.
« Il nous a donné 2 bidons de 5 litres chacun du produit « Iron » pour lancer une campagne de pulvérisation contre ces chenilles. » Et selon lui, les agriculteurs ont collecté de l’argent pour acheter encore 5 litres de plus.
La campagne de pulvérisation est en cours, le BPEAE affirme que la quantité du produit est amplement suffisant pour couvrir plus de 16 ha de rizières à Kijigo et plus de 90 ha à Kagoti déjà atteints par les chenilles. Il soutient que ce pesticide est un produit efficace.
Ces chenilles qui attaquent les céréales ont été également signalés à Ruyigi, Rutana, Gitega, Muramvya, Ngozi, Karusi, Kayanza et Bururi. Dans un communiqué du 27 janvier 2023, le ministère de l’Agriculture informe que les produits de lutte dont Iron existe sur le tout le territoire du Burundi. « Ils peuvent être achetés dans des pharmacies vétérinaires pour ceux qui veulent lutter contre ces chenilles ».
Le directeur du Bureau provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage de Rumonge demande aux agriculteurs et moniteurs agricoles de surveiller les cultures depuis la plantation jusqu’à la récolte.