Certains clients de la microfinance Kazoza l’accusent de détourner leur argent. Kazoza s’en défend. Ce sont des clients en collaboration avec un employé qui pratiquaient le ‘’système banque Lambert’’.
L’accusation est très grave : « Depuis le mois de mai, mon business est à l’arrêt. Mon capital de 110 millions BIF domicilié à la micro finance Kazoza a été détourné par cette institution», reproche Amos Muhitira, homme d’affaires de la zone Kamenge en marie de Bujumbura, à la micro finance Kazoza.
Dès lors, il ne comprend pas la situation à laquelle il est confronté. « On fait un dépôt de 110 millions BIF samedi. Lundi, on t’annonce que le compte est vide. Où est passé mon argent ? Qui a donné l’ordre de virement? ».
A l’origine de sa mésaventure, samedi 23 mai, Amos Muhitira, se prépare pour aller rendre visite à sa famille résidant en province de Kayanza. C’est au nord du Burundi. Il n’a pas oublié tout de même une commande à régler le week-end avec un fournisseur de l’huile.
Mais il ne sera pas là, il veut donc déléguer son fils Innocent Mpawenimana pour payer la facture. Sauf que ce dernier ne peut pas retirer l’argent sur son compte domicilié à la BCB. Il n’a pas le droit de signature. Mais Amos Muhitira a un autre compte à la micro finance Kazoza auquel son fils a accès.
Ainsi, il retire l’argent à la BCB et fait un dépôt à l’agence de microfinance Kazoza de Kamenge. De ce fait, son fils pourra retirer l’argent sur ce compte dont il est aussi signataire.
La genèse des conflits
Amos se rend à l’agence Kazoza et remplit le bordereau de versement en bonne et due forme. Puis, il verse l’argent. Marie Louise Nijimbere, la chef adjointe de l’agence de la microfinance à Kamenge, signe pour accuser réception au nom de la micro finance.
Finalement, ledit fournisseur de l’huile ne délivrera pas la marchandise pendant le week-end. Le rendez-vous a été reporté lundi 27 mai. A ce jour-là, Amos se présente à l’agence Kamenge de la micro finance Kazoza pour retirer son argent. Surprise : le caissier lui annonce qu’il n’a que 70 mille BIF sur son compte. Il est complètement effondré. Amos sort son bordereau de versement pour preuve de l’opération de samedi.
Le cassier, après avoir constaté qu’il dispose d’une preuve de versement authentique le rassure : « Ne vous inquiétez pas. Je vois que vous avez déposé 110 millions BIF sur votre compte. Allez demander au siège, tout ira bien ».
Après, Amos Muhitira se rend au siège de cette institution. Aimé Sinaniranye, Directeur général de la micro finance, lui accorde l’entretien. Il expose son problème et montre son bordereau de versement. Néanmoins, le responsable de la micro finance n’est pas totalement convaincu que l’argent ait été déposé sur son compte. Le cas est inédit.
Ainsi, le banquier tâche de vérifier que cette opération a été bel et bien effectuée. Il demande à ce commerçant d’apporter le relevé des opérations effectuées sur son compte. M. Muhitira le lui présente à un petit laps de temps. Le directeur général n’en croit pas ses yeux. Cette fois-ci, il en est finalement persuadé. Mais il lui livre une opération effectuée depuis son compte et dont il n’est pas responsable : « Je vois que vous avez alimenté votre compte de 110 millions BIF. Mais, votre argent a été viré sur deux comptes. Avez-vous donné l’ordre de virement ?»
De son côté, Amos Muhitira, essaie d’expliquer que ces opérations ont été effectuées sans ordre de virement ni chèque. Les deux vont se séparer après que le gestionnaire de la micro finance a suggéré au commerçant d’écrire une lettre en vue d’être rétabli dans ses droits.
L’emprisonnement s’ensuit
Le soir de ce lundi, témoigne Amos Muhitira, le calvaire commence. Des agents du service de renseignement l’arrêtent dans les environs du marché de Cotebu. Il sera par la suite incarcéré pendant dix jours dans les cachots du SNR situés dans la zone Rohero non loin de la Cathédrale Régina Mundi. Accusé de pratiquer « le système Lambert » avec l’employé de la micro finance, Marie-Louise Nijimbere. Il s’agit en fait d’un système d’emprunt clandestin au taux de remboursement élevé et au délai court.
Le dossier transmis au procureur du Parquet de Ntahangwa, celui-ci ordonnera sa libération : « Il a constaté que je ne suis pas coupable et il m’a relâché», témoigne ce client de la micro finance Kazoza.
Selon Amos Muhitira, Kazoza portera ensuite plainte auprès de la Cour anticorruption. Récemment, il a d’ailleurs comparu. Pour consolider sa défense, il n’a présenté que deux documents dûment délivrés par cette micro finance : le bordereau de versement et le révélé des comptes.
Pour le moment, le client malheureux ne sait pas où donner de la tête. L’argent volatilisé est selon lui le prêt au sein de l’Interbank Burundi. Les intérêts s’accumulent de jour en jour. Et de lancer un appel au président de la République « C’est lui seul qui peut me sauver. Car je suis bloqué, je ne peux pas saisir la justice. »
D’après lui, si le chef de l’Etat n’intervient pas, les enquêtes dureront plusieurs années. Et à la longue le dossier tombera dans les oubliettes.
De son côté, Maître Christian Boyaye, avocat du commerçant indique que la Cour anticorruption ne devrait pas intervenir et ce, arguant qu’il s’agit d’un vol commis par la micro finance : «Elle a viré l’argent du client sur les autres comptes sans autorisation ». Il estime que plutôt que Kazoza pourrait poursuivre ou traduire en justice son employé. Et de plaider que son client soit rétabli dans ses droits.
Il rappelle que son client détient toutes les pièces délivrées par cette institution attestant qu’il a fait des dépôts. Et si son argent a été ensuite viré, s’interroge-t-il, « qui a donné l’ordre de virement de 110 millions? ». En tout cas, seul la micro finance est en mesure de résoudre cette équation.
En effet, dans les banques, pour le virement d’un montant de plus de 500 mille BIF, le caissier doit avoir l’ordre de virement écrit ou un chèque signé par le propriétaire d’un compte et l’autorisation de la banque. « Chose qui n’est pas faite par Kazoza finance», déplore Me Boyaye.
Des preuves péremptoires
Le bordereau de versement et le relevé de compte d’Amos Muhitira retracent les retraits et les dépôts effectués sur son compte. Sur le bordereau nº 91181, 110 millions BIF ont été versés par Amos Muhitira au compte nº 18029.
C’est authentique, le bordereau est scellé du tampon de Kazoza. 9000 billets de 10 mille BIF et 4 mille billets de 5000 BIF ont été déposés le 23 mai dernier à l’agence Kamenge de Kazoza finance.
En effet, le relevé de compte d’Amos Muhitira confirme que les 110 millions BIF sont bel et bien arrivés à destination. C’est-à-dire dans les caisses de la micro finance. Cette pièce bancaire donne en plus des détails sur les dépôts et les retraits effectués sur ce compte du 1er avril jusqu’au 31 mai 2020.
Mais cette somme déposée sera transférée le même jour à deux comptes. 50 millions BIF ont été virés sur le compte 282034 de Patric Mpawenayo et 60 millions sur le compte 282036 de Jean Bosco Ntakarutimana.
D’après les informations fournies par le relevé des comptes, les transferts ont été effectués sans l’ordre de virement ou de chèques du possesseur du compte.
Face à ces accusations, Aimé Sinaniranye, Directeur général de la microfinance Kazoza finance, ne transige : « Dans cette affaire, certains clients en collaboration avec notre employé ont pratiqué le ‘’système banque Lambert’’.» Et d’ajouter que le dossier est pour le moment dans la Cour anticorruption.
Selon une source digne de foi, plus de 800 millions BIF auraient été détournés dans cette microfinance. Mais à ce sujet, le directeur général de Kazoza s’est refusé à tout commentaire.