Vendredi 22 novembre 2024

Économie

Les consommateurs paient fort le prix du déficit énergétique

07/06/2021 2

Le Burundi enregistre une demande énergétique qui dépasse de loin l’offre. Cela entraine des coupures électriques et le recours aux groupes électrogènes. Ce qui se répercute sur les prix de certains services. Des barrages hydroélectriques sont en construction pour pallier au déficit.

Le gérant de l’un des beaux de Gitega ne décolère pas. Son établissement enregistre des pertes à cause des coupures d’électricité. « Nous utilisons un groupe électrogène qui consomme 4,800 BIF par heure ».

L’hôtelier raconte sa gêne lorsque vers 22 heures, quand il reste moins de cinq clients qui prennent un verre, il est obligé de s’excuser, de leur demander de partir car il doit éteindre le groupe électrogène. « C’est une perte mais la consommation ne peut pas compenser le coût du carburant et les clients partent fâchés. »

La perte des clients n’est pas le seul risque pour l’hôtelier déçu, le menu en souffre. «Les poissons pourrissent rapidement et des fois les clients se plaignent de la qualité de nos poissons, toujours à cause de ces coupures électriques. »

Les coupures intempestives du courant n’affectent pas que les hôteliers, tout le monde en souffre. Un étudiant rencontré près d’un secrétariat public se lamente : « Lorsque le courant est coupé, nous devons payer 300 BIF au lieu de 100 BIF pour une simple photocopie d’une page. Sans électricité, le secrétariat public travaille sous-groupe électrogène et va doit doubler voire tripler la facture. »

L’accès à l’électricité reste limité

Selon les données de la Banque mondiale, le Burundi est l’un des pays de l’Afrique qui affiche un taux d’électrification faible avec seulement 11,02% de la population ayant accès à l’électricité en 2018.

Avec l’extension des villes, la multiplication de petites industries de transformation des fruits en jus, et autres boulangeries, la demande en énergie a augmenté. Mais la production d’électricité produite n’a pas suivi, ce qui explique le déficit énergétique enregistré.

La population qui a accès à l’électricité a augmenté mais reste faible, passant de 1,89 % en 1997 à 11,02 % en 2018, soit une augmentation de moins de 10% sur une période de 21 ans.

Dans plusieurs villes, les consommateurs de l’électricité déplorent également les coupures électriques intempestives et les pannes d’électricité qui surviennent à répétition. Les utilisateurs fustigent aussi la lenteur des procédures administratives dans le raccordement.

« Si vous avez besoin d’un raccordement, la Regideso tient compte du nombre de consommateurs potentiel dans cette localité et, souvent, elle prétexte qu’elle ne peut pas installer un transformateur pour un petit nombre de consommateurs », se lamentent-ils.

Cependant, une grande disparité s’observe entre le taux d’électrification en milieu urbain et en milieu rural. A titre d’exemple en 2008, l’accès à l’électricité était de 39,6% en milieu urbain contre 0,883% en milieu rural. Une petite amélioration a été réalisée et en 2018, il était à 50,26% en milieu urbain et 3,435% en milieu rural.

« L’exploitation de l’énergie verte, l’une des solutions »

Denis Nshimirimana, SG de la CFCIB, «C’est très difficile de travailler sous-groupe électrogène et d’être rentable »

Pour Denis Nshimirimana, secrétaire générale de la Chambre fédérale du commerce et de l’industrie du Burundi (CFCIB), le taux de raccordement à l’électricité correspond au taux d’urbanisation et oscille autour de 10% car au moins 10 personnes sur 100 habitent les centres urbains.
La Regideso admet et a essayé de combler le déficit avec l’énergie thermique. Mais le déficit n’a pas été comblé car la demande a continué de s’accentuer. Elle s’oriente également vers d’autres sources d’énergie.

M. Nshimirimana indique que le réseau moyenne tension de la Regideso est très vieux et occasionne des coupures électriques intempestives d’où l’utilisation des groupes électrogènes. «C’est très difficile de travailler sous-groupe électrogène et d’être rentable », fait-il savoir.

Pour le secrétaire général de la CFCIB, aucun pays au monde ne peut se développer sans énergie. «Nous sommes en train de penser au développement de chaîne de valeur, une grande production des usines de transformation mais cela n’est possible que si l’énergie est entièrement disponible ».

D’après Denis Nshimirimana, malgré la loi de libéraliser le secteur énergétique, l’Etat reste le seul régulateur du prix de l’énergie d’où l’hésitation des privés à investir dans ce secteur.

Il suggère d’accélérer la construction des barrages en chantier (Rusumo falls, Ruzibazi, Jiji & Mulembwe,…) et d’exploiter l’énergie verte (énergie solaire) « si réellement nous voulons industrialiser et développer le Burundi, l’électricité doit être disponible ».

La Regideso tranquillise

Selon la chargée de la communication au sein de la Regideso, les causes de ce faible taux d’électrification sont nombreuses, notamment l’extension des villes alors que la production de l’électricité n’a pas suivi le même cours et la vétusté des équipements qui datent de très longtemps.

Elle reconnaît ce déficit énergétique. « Il faut accélérer la construction des barrages, réhabiliter les matériels usés, remplacer les poteaux en bois (qui causent parfois des coupures électriques lorsqu’ils tombent) par les poteaux métalliques dans le but de booster le taux d’électrification. Revoir à la hausse le taux d’électrification est notre souci », ajoute-t-elle.

Pour la Regideso, l’écart entre le milieu urbain et le milieu rural en termes d’électrification s’explique par le fait d’installer des transformateurs dans un milieu où il y a une forte demande en électricité.

D’après cette chargée de la communication à la Regideso, avec la construction de ces barrages et avec le projet de réhabilitation du réseau de distribution, il y a lieu d’être optimiste.


Retrouvez le jeu de données traité dans cet article sur notre portail open data

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Libere Nitunga

    J’ai noté que l’on parle notamment de “remplacer les poteaux en bois (qui causent parfois des coupures électriques lorsqu’ils tombent) par les poteaux métalliques dans le but de booster le taux d’électrification ».
    Si on ne fait pas attention il y a des risques d’arriver à l’effet inverse à celui escompté. Un poteau en bois coûte environ 250.000 FBU en monnaie locale. Et un poteau métallique devrait couter 4 ou 5 fois plus, aux alentours de 1.250.000 FBU, en devises.

    En termes de rentabilité financière : avec le même budget, on donnera de l’électricité à moins de gens. Le prix devrait monter parce qu’il faudra amortir les installations sur moins de consommateurs, toutes choses égales par ailleurs. Mais par contre la durée de vie du poteau métallique est plus longue. Le calcul de Taux de Rentabilité Interne du Projet – TRI devrait montrer si, compte tenu de tous ces éléments, il est rentable ou non de faire ce changement.

    En termes d’analyse économique, les 1.250.000 pour un poteau métallique seront déboursés en devises. Non seulement ils mettront une pression supplémentaire sur la balance de payement, mais en plus ils iront enrichir les acteurs économiques du « reste du monde ». Cela comprend le coût de fabrication dans le pays d’origine : les machines, le personnel, les impôts et taxes de toute nature, le transport jusqu’au Port de Bujumbura, etc.

    Par contre dans les 250.000 pour un poteau en bois, la part en monnaie locale est prépondérante. Ils seront donc essentiellement recyclés dans le circuit économique national.
    Ainsi ils vont servir à payer les impôts et taxes locales de toute nature dans le chef du vendeur, rémunérer ceux qui ont planté, coupé, traité, transporté ce poteau. A leur tour ils vont s’acheter une bière à la fin de la journée, payer le minerval de leur enfant, payer la dime à l’église, payer leur facture d’eau et d’électricité à la même Regideso, etc. Qui à leur tour, etc.
    Donc ici aussi le Taux de Rentabilité Interne permettrait de mettre tous ces éléments en balance et donner une indication sur l’intérêt de faire le projet du point de vue de l’économie nationale dans son ensemble.

    Donc le confort réel certes, de l’utilisation des poteaux métalliques, peut avoir des effets inattendus, directement et indirectement. Il est vrai que c’est un traiteur de poteaux en bois qui parle, mais pas seulement : Diplôme d’Etudes Financières Economiques et Bancaires.

    J’ai déjà vu eu à lire des études de rentabilité économique et financière, qui sont parmi les outils de décision les plus importants en termes de projets.
    Donc des compétences locales existent en la matière.

  2. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez: »La population qui a accès à l’électricité a augmenté mais reste faible, passant de 1,89 % en 1997 à 11,02 % en 2018, soit une augmentation de moins de 10% sur une période de 21 ans… »
    2. Mon commentaire
    IL Y A CENT ANS, tout au début du pouvoir soviétique, Vladimir Ilitch Lénine (né le 10 avril 1870 et décédé le 21 janvier 1924) prévoyait l’électrification de toute la Russie en une période de 10 ans.
    « Lénine Présentant le « Rapport sur l’activité des commissaires du peuple » devant le VIII’ Congrès des Soviets de Russie, le 20 décembre1920, Lénine résuma sa pensée dans la formule : « Le communisme, c’est les Soviets plus l’électricité.»
    https://databac.fr/pdf/le-communisme-cest-les-soviets-plus-lelectricite-lenine/

    « Communism is Soviet power plus the electrification of the whole country, since industry cannot be developed without electrification. This is a long-term task which will take at least ten years to accomplish, provided a great number of technical experts are drawn into the work. A number of printed documents in which this project[6] has been worked out in detail by technical experts will be presented to the Congress… »
    https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1920/nov/21.htm

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