Ignorance, jalousie, préjugés… Les femmes qui faisaient du commerce vers Dubaï étaient bien souvent stigmatisées. Elles étaient des insoumises ou encore des prostituées ! Heureusement, les mentalités ont évolué.
C’est dans les années ’90 que les premières Burundaises commencent à faire les navettes entre Bujumbura et Dubaï. L’Emirat est un marché immense où l’on trouve tous les produits de qualité à des prix abordables. Pourtant, une fois rentrées au pays, ces femmes sont vite stigmatisées, taxées de prostituées, leur image ternie et leur réputation entachée. « C’est par ignorance ou par jalousie que les gens faisaient de telles affirmations gratuites », explique Alice Remezo, présidente de l’Association des Femmes d’Affaires du Burundi (AFAB). D’ajouter qu’elles étaient considérées par certains comme « des femmes insoumises.»
Anne Rusabagi figure parmi les premières Burundaises à avoir entrepris l’expérience. C’était en 1994. Elle tenait un magasin d’habillement hommes et femmes. Elle raconte que lorsqu’elle a eu l’idée de partir, elle en a parlé à son mari qui a approuvé. Elle se lance mais après trois aller-retour, les relations avec son mari deviennent plus tendues. Un jour, elle constate que son mari avait changé de mine : « J’ai su qu’il s’était passé quelque chose en mon absence. Il a commencé à me poser des questions sur mon voyage, l’hôtel dans lequel j’étais descendue, avec qui j’étais ou les personnes que j’ai rencontrées. »
Du coup, elle raconte qu’elle a compris qu’il avait des soupçons. Pourtant il n’était pas jaloux de nature, confie-t-elle, ni possessif d’ailleurs, mais : « Il a demandé à ce que je lui dise en détail le prix de chaque habit. Il était tout à coup intéressé par ce j’achetais alors qu’auparavant, il s’en fichait complément.» Il a fini par lui avouer qu’il craignait que les rumeurs concernant les femmes qui partent à Dubaï ne soit vraies.
Actuellement, c’est le mari qui incite la femme à faire du commerce
Selon Alice Remezo, c’était l’époque où la vie au Burundi était facile où certains ne comprenaient qu’une femme puisse s’éloigner de la famille pour voyager durant plusieurs jours à la recherche d’un lendemain meilleur. De plus, une femme qui est dehors du pays n’est pas facilement contrôlable. De ce fait, les esprits tordus pensaient que hors du contrôle du conjoint, une épouse pouvait jouir de cette liberté pour s’adonner aux relations extraconjugales. « Si vous saviez la peine de ces femmes ! Elles sont obligées de partager les chambres les moins chères à deux ou plus pour économiser un peu. »
D’autres affirmaient que des amants offraient de l’argent à ces femmes. « Ce ne sont que des jaloux. Ils ne savaient pas qu’à Dubaï, les prix étaient abordables d’où l’engouement des Burundaises. Heureusement, que ce n’est plus une préoccupation. Ces préjugées n’existent presque plus. Les mentalités ont évolué », martèle Alice Remezo. Par ailleurs, avec la cherté de la vie, le mari incite son épouse à faire du commerce. Quitte à chercher par tous les moyens jusqu’à demander un crédit dans une banque. « L’expérience a montré que grâce au commerce de ces femmes, leurs familles en bénéficient, leur niveau de vie s’améliore. Les femmes sont plus respectées grâce à leur apport financier dans leurs familles respectives. »
De plus en plus de Burundaises s’investissent dans le commerce, selon la présidente de l’AFAB. Aujourd’hui, Dubaï n’est plus la seule destination de ces commerçantes. Maintenant, il y a la Chine, l’Ouganda et pour les produits de luxe, la Turquie : « Rien n’empêche une Burundaise à ouvrir son commerce si elle en a les moyens. De plus, il s’est avéré que le commerce est une activité économique plutôt féminine. »