Vendredi 22 novembre 2024

Société

Les collecteurs des cotisations dans les parkings des bus sont dans le collimateur

15/03/2021 1
Les collecteurs des cotisations dans les parkings des bus sont dans  le collimateur
Le parking des bus transportant les personnes vers le sud de la capitale économique.

Gervais Ndirakobuca, ministre du Développement communautaire a pris, jeudi 4 mars, la décision d’interdire la collecte des cotisations par les associations des transporteurs. Une mesure décriée par certaines associations mais saluée par les transporteurs.

Par Pacifique Gahama et Guy Arsène Izere

« Seuls les agents de la mairie sont habilités à collecter les impôts et taxes», a tenu à préciser le porte-parole du ministère. L’objectif de cette mesure est d’éviter toute confusion avec les collectes des recettes durant le mois témoin de collecte des taxes en cours. Toutes les associations des transporteurs en commun au Burundi sont concernées.

Comme l’a souligné Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère du Développement communautaire, « les responsables de ces associations sont invités à retirer immédiatement toutes les quittances qu’ils avaient déjà données à leurs agents collecteurs de ces cotisations».

A ceux qui s’acquittaient de ces contributions, le ministre leur a ordonné de cesser à partir du 5 mars. « Ce sont des activités qui sèment la confusion par rapport au mois témoin de collecte des taxes en cours, la population ne sait à qui donner la contribution, il y a une grande confusion ».
Les responsables de ces associations ont été invités à entrer immédiatement en contact avec la mairie pour pouvoir étudier ensemble comment améliorer la gestion des parkings.

Les transporteurs se réjouissent

J.H., un conducteur de taxi moto croisé au parking de la gare du nord en mairie de Bujumbura, salue la mesure. Il indique que le Collectif des associations des motards et taximen du Burundi (Coamatabu) a été créé pour enrichir un groupe de personnes au détriment des conducteurs des taxis-motos. « Les responsables du collectif gèrent les cotisations comme ils veulent. Ils ne présentent jamais le rapport d’utilisation des cotisations aux membres du collectif.»

Il indique qu’il est tombé malade suite à un accident de roulage. Mais, le collectif n’a déboursé aucun franc. Selon lui, ce sont les conducteurs des différents parkings qui ont aidé à payer la facture des soins et des médicaments. « Les conducteurs des taxis-motos n’ont aucun avantage d’appartenir à ce collectif». Il exerce le métier de conducteur de taxi-moto, depuis 8 ans et raconte : « Je n’ai rien gagné du Coamotabu.»

J.H. accuse également le Coamotabu de violer la loi en matière de liberté d’association : «C’est un droit garanti par Constitution. Certains conducteurs de taxis-motos deviennent membres du Coamotabu sans demander l’adhésion.» Il suffit d’exercer le métier de conducteur de taxi-moto, raconte-t-il, on devient automatiquement membre du Coamotabu.

Pour A.M., un conducteur du tricycle, la mesure du ministre est salutaire et louable. Il souligne que l’argent perçu indûment devrait être remis aux chauffeurs des tuk-tuk qui ont souffert. D’après lui, l’argent qu’il a payé à l’Atubu pendant 7 ans devrait servir à l’épanouissement et au développement des chauffeurs. Il déplore aussi le paiement des 120.000 BIF comme frais d’adhésion et du parking. Il se demande comment l’association s’approprie les parkings qu’elle n’a pas aménagés.

Les chauffeurs du parking Gasenyi Mirango Rond-point ne cachent pas leur satisfaction. Ils remercient vivement le ministre qui a pris la mesure de suspendre les cotisations journalières. Il ajoute qu’il y a 10 véhicules appartenant au président de l’Atrabu qui embarquent directement les passagers sans faire la queue comme les autres véhicules sur le parking.

« Cela est une entorse car c’était lui qui devrait prêcher en respectant l’ordre d’arrivée des véhicules». Et d’ajouter que les chauffeurs qui ont tenté de bloquer ses 10 bus ont été conduits en prison. Ils ne comprennent pas pourquoi ceux qui posent des questions quant à la destination de ces cotisations sont emprisonnés.

Trois chauffeurs sont sous les verrous accusés de ‘’rébellion” par le président de l’Atrabu. D’autres ont fui.

Donatien Ntaconayigize membre de l’association des chauffeurs des bus du nord salue cette mesure du ministère de l’Intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire. Au moment où les autres conducteurs critiquent les activités des associations, il a affirmé avoir bénéficié d’une parcelle grâce au montant cotisé à ladite association. Il indique que les plantes cultivées dans leur parcelle sont à la récolte.

Claude Ndayishimiye, rabatteur sur le parking des bus de Musaga exprime à la fois satisfaction et sa déception. D’un côté, il indique qu’il aura du mal pour faire vivre sa famille. De l’autre, il s‘insurge contre le détournement des cotisations par les responsables des associations. Par ailleurs, il dénonce les arrestations et les emprisonnements des chauffeurs. Certains sont à couteaux tirés avec les responsables des associations. D’autres jurent de se venger une fois sortie de la prison.

H.A., chauffeur de bus depuis 2002, salue la décision du ministre Il précise qu’au départ, il n’y avait pas de problème. Les choses ont changé avec la décision des associations qui ont rendu obligatoires les frais d’adhésion et les cotisations. « En principe, l’association a le droit de percevoir les cotisations consensuelles et non imposées. En contrepartie, elle doit respecter ses engagements envers ses membres».

Ce membre de l’Atrabu fait savoir que cette dernière s’était engagée à secourir ses membres en cas d’accident et de participer au paiement des factures des soins de santé en cas de maladie.

Là où le bât blesse, fait-il observer, c’est qu’on payait par force et qu’on ne recevait rien des cotisations sauf un groupe de 20 à 30 chauffeurs qui qui profitent des fonds cotisés. Il fait savoir que pour le moment 7 chauffeurs sont emprisonnés pour avoir dénoncé les détournements.
H.A s’interroge sur la destination des cotisations. « Un chauffeur malade se fait soigner à ses frais et l’association n’intervient pas. Il en est de même lorsque le véhicule est en panne ou accidenté ». Il demande que ces cotisations cessent pour de bon. Il demande au président de l’Atrabu d’honorer les engagements contenus dans les statuts et réclame en outre des sanctions contre les auteurs de la mauvaise gestion qui s’observent dans ces associations.

Les responsables des associations répliquent

Bosco Minani : « Les chauffeurs et les convoyeurs emprisonnés sont ceux qui sont au chômage et qui sèment la zizanie et le désordre au niveau des parkings. »

Bosco Minani président de l’Atrabu salue aussi cette mesure mais balaie d’un revers de la main toutes les allégations des transporteurs. Il reconnaît 2 bus sur les 10 qu’on lui attribue.

M. Minani fait savoir que chaque jour il y a un bus qui embarque les clients sans passer par le parking d’attente. « Mais comme il y a des chauffeurs qui n’attendent pas leur tour et préfèrent vendre leur jeton, je leur donne de l’argent et comme ça mes bus prennent les clients directement sur les parkings».

Concernant les chauffeurs et les convoyeurs emprisonnés, il précise que ce sont ceux qui sont au chômage qui sèment la zizanie et le désordre dans les parkings. « Les autres qui ont été arrêtés ne respectaient pas les mesures barrières à la Covid -19 ».

Quant aux montants des contributions qui diffèrent d’un parking à l’autre alors que c’est son association qui est à la tête, il ignore comment elles sont fixées et leurs destinations. Il regrette qu’il n’ait pas de pouvoir de décision sur certains parkings devenus incontrôlables suite à l’opposition catégorique des propriétaires ou des chauffeurs qui étaient soutenus par une main invisible.

Il propose qu’il y ait une seule association qui ferait le contrôle sur tous les parkings pour éviter le désordre et l’usage de force.
Ernest Miburo, président de l’association des chauffeurs des bus « Coaster » nord de la ville (ACBN) salue la décision prise par le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire.

Il indique que cette décision ne concerne pas les membres de l’association parce qu’aucun franc burundais n’a été collecté au niveau du parking. Les membres payent les cotisations mensuelles de 1000 BIF au sein du bureau de l’Acbn.

M .Miburo balaie du revers de la main les accusations des chauffeurs. «Les chauffeurs adhèrent librement dans l’Acbn ». Cette dernière a commencé les activités le 15 février 2002. Aujourd’hui, l’Acbn compte 168 chauffeurs et convoyeurs. Il précise que les frais d’adhésion s’élèvent actuellement à 500.000 BIF.

Ernest Miburo : « Une fois qu’un membre de l’Acbn tombe malade, l’association prend en charge les frais de soins de santé. »

M. Miburo assure que le but de son association est l’entraide mutuelle entre les chauffeurs et les convoyeurs. « Une fois qu’un membre de l’Acbn tombe malade, l’association prend en charge les frais de soins de santé. Nous avons signé un contrat avec la polyclinique de Kinama. Tous les membres ont des cartes médicales. En cas de maladie, l’association donne des bons aux patients qu’ils présentent à la clinique pour se faire soigner.»

Ce responsable dit également que l’association a acheté des parcelles pour quelques membres de ladite association à Buringa village 6 de la commune Gihanga, en province de Bubanza. Il ajoute également que les membres bénéficient des crédits sur des projets proposés avec le consentement de l’assemblée générale. A la fin de l’année chaque membre perçoit une enveloppe de 1/10 du montant cotisé.

Jadot Nkurunziza président de le Coamotabu fustige la décision du ministère.

Jadot Nkurunziza, président de la Coamotabu fustige la décision du ministre. Il explique que l’argent collecté servait à aider les motards et à les encadrer. Il ajoute que l’argent perçu était destiné aux activités de développement des motards. « L’association intervenait aussi dans le paiement des frais relatifs aux soins de santé en cas d’accident ou de maladie. Elle a aidé aussi les motards à se regrouper dans des coopératives. L’association sensibilisait et encadrait les propriétaires et les conducteurs des motos sur le code de la route et l’attitude à prendre devant les clients ».

Au Burundi, l’effectif des motos avoisinent 25.000 mais précise que l’argent collecté à l’intérieur du pays est utilisé au niveau des zones, communes ou provinces par les représentants de l’association dans ses structures administratives car les organes sont pour le moment décentralisés. Il demande une concertation urgente avec le maire de la ville, car selon lui, les membres de son association participent à toutes les activités organisées par le gouvernement en l’occurrence les travaux communautaires et de bouchage des nids de poules dans les rues.

Le président du Coamotabu soutient aussi que les cotisations aident les conducteurs des taxis motos en cas d’accident ou de maladie grave : «En cas de décès, le collectif se charge des frais funéraires et assiste également la famille éprouvée.»

Quid du montant des cotisations collectées ?

Les cotisations journalières varient d’un parking à l’autre. Chaque parking fixe un montant forfaitaire à payer quotidiennement.

Le Coamotabu compte plus de 25000 motos à travers tout le pays. Les cotisations journalières dépassent 17.500.000 millions de BIF, soit plus de 525.000.000 BIF millions par mois et 6.300.000.000 BIF par an. L’association Amotabu a commencé ses activités en 2005. Elle est devenue un collectif en août 2020.Certains d’entre eux se demandent à quoi servent leurs diverses cotisations.

Pour les cas des véhicules, chaque bus qui effectue le transport des personnes au parking de Musaga paie une cotisation journalière de 7400 BIF .Le parking de Musaga compte 60 bus de transport. Compte tenu du nombre des bus du parking de Musaga, les cotisations journalières s’élevaient à 444000 BIF par jour. Une somme de 13.320.200 est collectée au parking de Musaga par mois, soit 159.840.000 BIF par an.

Le parking de Gasenyi et Mirango-rond-point compte plus de 105 bus. Chaque bus est obligé de payer une somme de 6500 BIF par jour soit un montant de 628500 BIF par jour, soit 20475000 par mois, et 245700000 par an. A côté de ces cotisations journalières, chaque bus paie un montant de 500 BIF par tour.
Sur le Parking de Kanyosha, Kibenga, avenue du large une contribution journalière de 9000 BIF par bus est exigée .Ce parking compte 180 véhicules. Compte tenu du nombre des bus une somme de 1.620.000 BIF est collectée, soit 48.600.000 BIF par mois et 583.200.000 BIF par an.

Pour le cas des tricycles, chaque Tuk-Tuk paie 1000 BIF par jour. Le pays compte plus de 3000 tricycles. Une somme de 3.000.000 BIF est collectée par jour, soit 90.000.000 BIF par mois et 108.000.000 BIF par an. A ces cotisations s’ajoute une taxe municipale de 30.000BIF de stationnement et 12000 BIF de carte municipale pour le cas des bus. S’agissant des tricycles, un montant de 10000 BIF pour le stationnement et 2000 BIF de la carte municipale.

Quid de la mise en application de la décision ?

Gabriel Rufyiri suggère au gouvernement de faire des appels d’offres avec des critères objectivement vérifiables.

« L’Olucome suit de près la décision du ministre en charge du développement communautaire, Gervais Ndirakobuca, d’interdire la collecte des cotisations par les associations des transporteurs. Néanmoins, on reste pessimiste quant à sa mise en application », confie Gabriel Rufyiri, représentant de l’Olucome.

Gabriel Rufyiri souligne que de telles initiatives ont été initiées dans le passée mais au final ça été une opportunité d’enrichir une clique de personnes. Et de rappeler les mesures qui n’ont rien dont la privatisation du secteur du café, le charroi zéro et le projet de payer l’eau et l’électricité par des moyens électroniques Payway Burundi. Olucome détient, fait-il savoir, des informations selon lesquelles une association qui sera chargée de la collecte de ces cotisations est en cours de création.

Le représentant de l’Olucome suggère au gouvernement de faire des appels d’offres avec des critères objectivement vérifiables, pour la sélection d’une organisation qui pourrait collecter ces fonds afin que ces projets soient bénéfiques pour le pays et atteindre les objectifs escomptés. « Au cas contraire, c’est l’autre moyen d’enrichir certains hauts cadres du pays compte tenu qu’ils devraient déclarer leurs biens, comme le prévoit la Constitution et les lois internationales que le Burundi a ratifiées, mais ils ne l’ont pas encore fait ».

Il fait savoir également qu’il y avait beaucoup d’ombres dans la collecte et la gestion de ces cotisations collectées par les associations des transporteurs et demande au gouvernement de rectifier les fautes commises par ces associations en mettant la transparence dans la collecte et la gestion de ces fonds.

Jean Ndoricimpaye : « L’assiette fiscale peut se renflouer si une fois la collecte se fait dans la transparence. »

Jean Marie Vianney Ndoricimpaye, professeur à l’Université du Burundi, précise que celui qui devrait collecter ces cotisations doit être une personne qui a le droit de faire cette collecte et en consensus avec les membres de ces associations compte tenu que ces derniers se lamentaient de ces lourdes cotisations, qui ne les aidaient en rien.

Il fait savoir que si ces cotisations étaient pour des assistances sociales, ils ne peuvent pas payer des impôts sur revenus ou TVA. « Des personnes privées ne peuvent pas collecter des taxes et impôts, c’est au gouvernement d’en percevoir ».

M.Ndoricimpaye suggère au gouvernement de mettre en place des lois régissant la collecte de ces cotisations pour que ces derniers parviennent aux destinataires. Il précise également que même l’assiette fiscale peut se renflouer si une fois la collecte se fait dans la transparence et avec des lois qui la régissent.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Mbariza

    « Il regrette qu’il n’ait pas de pouvoir de décision sur certains parkings devenus incontrôlables suite à l’opposition catégorique des propriétaires ou des chauffeurs qui étaient soutenus par une main invisible ». Pourquoi toujours ces mystères dans la gestion de notre pays : main invisible, ordre qui vient d’en haut,… ?

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