Après [la réaction du président de l’ADC Ikibiri suite à l’arrestation d’Alexis Sinduhije->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1766], Mandez, un lecteur d’Iwacu re-pose la question de la vision des politiques burundais : {admettons que les élections de 2010 ne se soient pas passées comme tout le monde l’aurait souhaité. Est-ce que cela suffit pour crédibiliser l’option d’une nouvelle guerre au Burundi ? Sur un autre plan, affirmons que le CNDD-FDD et compagnie ont gagné les élections en bonne et due forme : est-ce un élément suffisant pour qu’ils cherchent, à tout prix, à instaurer un régime monolithique dont le mode de fonctionnement est le massacre, la corruption, la terreur ?} C’est dramatique d’entendre ce que donne comme réponses ce cher leader du Frodebu. Dire que les gars qui sont à l’étranger et qui rêvent revenir au bled triomphalement après avoir brulé et détruit les villages burundais, le font tout simplement parce qu’ils sont sous le feu des effets aussi dévastateurs que bizarres de l’exil, il y a de quoi rire. Mais, au-delà de tout ce qu’on peut penser en lisant les dires de l’honorable, il y a au Burundi, une question de fond dans la classe politique. Nous manquons une classe politique à même de se situer au dessus de ses intérêts pour privilégier le devenir de la nation. Cette classe politique brille par l’anti-jeu et le manque de {fair play} (au sens sportif et politique du terme), ce qui met en évidence le caractère primitif (le mot est peut être exagéré) du jeu politique burundais. En effet, ce qui permet de mesurer la civilité du jeu politique d’un pays, c’est la capacité des "joueurs" (les hommes politiques) à accepter les résultats issus de la compétition. Cela regarde à la fois les vainqueurs que les vaincus. Comme lors d’une finale de football où les perdants sont obligés, malgré eux, de serrer la main à ceux qui viennent de triompher sur eux, le jeu politique exige que ceux qui perdent l’acceptent ; une façon pour eux de tirer des leçons et se préparer pour prendre la revanche à l’avenir. De même, les vainqueurs, au lieu de s’acharner sur les vaincus en les dénigrant (vous n’avez qu’à écouter les chansons célébrant la victoire du CNDD-FDD), rentrent avec l’envie de muscler leur formation, par des actions concrètes quitte, à renouveler l’exploit lors de la prochaine rencontre. C’est cela que nous observons dans les démocraties aujourd’hui consacrées. Or, à quoi nous convie la classe politique burundaise ? A une auto-destruction, ou mieux, à une instrumentalisation et une capolarisation de population avec en arrière plan, le désir d’utiliser cette dernière pour donner sens à leur revendication. Admettons que les élections de 2010 ne se soient pas passées comme tout le monde l’aurait souhaité. Est-ce que cela suffit pour crédibiliser l’option d’une nouvelle guerre au Burundi ? Sur un autre plan, affirmons que le CNDD-FDD et compagnie ont gagné les élections en bonne et due forme : est-ce un élément suffisant pour qu’ils cherchent, à tout prix, à instaurer un régime monolithique dont le mode de fonctionnement est le massacre, la corruption, la terreur ? A l’évidence, non. Mais, une chose est sûre : dans toutes les démocraties, c’est au parti vainqueur des élections auquel revient la tâche de diriger le pays durant le mandant. Loin de moi ici l’intention de refuser les négociations, mais de prendre la distance par rapport à cette option. En effet, l’idée des négociations n’est pas en soi mauvaise. Elle est l’une des voies pour trouver une solution à une crise dont la radicalisation risque de plonger le pays dans une situation de non-gouvernabilité. Mais, il faut prendre cette option avec beaucoup plus de recule. Dès lors qu’on laisse de côté les émotions et les états d’âme, on découvre que derrière ce comportement qui consiste pour les élites politiques à crier au vol et à la fraude à l’issu des élections et à exiger les négociations, se cache un plan dont les visés non avoués sont la survie dans un champ au sein duquel leurs performances du moment ne leur permettent pas de séjourner. Crier au vol devient ainsi leur seule et unique façon de survivre dans le champ. Pour s’en convaincre, il suffit d’interroger leurs programmes politiques. A défaut de n’en avoir aucun, tous veulent l’intégration dans les circuits de l’État. Or, vous le savez autant que moi, en Afrique en général et au Burundi en particulier, intégrer le gouvernement est une tactique de sauvetage parce que ce dernier (le gouvernement) reste le seul lieu d’accumulation et de redistribution. Quiconque souhaite vivre et mettre les siens à l’abri du besoin, doit s’assurer la magnanimité d’un État qui, très souvent, fonctionne sous le mode néo-patrimonialiste. Et pour savoir que ceux qui revendiquent les négociations ne sont pas meilleurs que ceux qui sont aux affaires, mais sont plutôt intéressés par l’option d’entrer dans l’État afin d’avoir, eux aussi, une prébende, on peut aussi questionner la nature du gouvernement qui serait issu de ces négociations. Si, comme ils le proclament, ils veulent l’instauration d’un régime différent de celui issu des élections de 2010, ils ne doivent pas chercher à se mélanger avec ceux qui, aujourd’hui, se rendent coupables des actes délictueux, au risque d’être contaminés. Comment feront-ils, une fois au sein du gouvernement (aux côtés des DD), pour donner des injonctions au pouvoir central, quand on sait qu’au Burundi, on applique un présidentialisme relativement fort et dur ? Pour ma part, je pense que la meilleure solution serait plutôt de se concentrer sur les actions à mener pour les prochaines échéances quitte à botter à l’extérieur, par des urnes, un gouvernement qui, à force d’extorquer le peuple, se discréditera lui-même. Quand on regarde ce qui se passe ailleurs, le constat est vite fait : les coalitions sont le plus souvent source de blocages que de solutions. Comment plusieurs formations politiques avec « des programmes » et des idéologies différentes et très souvent opposées les unes aux autres, pourront cohabiter sans que cela ne conduise au chaos ? Une fois Léonce désigné vice président, pourra-t-il empêcher aux différents généraux qui torturent la population de continuer ? En aura-t-il les moyens constitutionnels ? J’aurais été à sa place que je me serais penché sur la question de cultiver et de gagner la confiance de la population. Et pour le faire, il n’y a pas plus contreproductif que le fait d’insinuer qu’on est pro ceux qui veulent encore la guerre. Qu’il fasse la promotion de la paix, de l’amour et du bannissement de la violence au pays des Bashingantahe, et alors, une partie non négligeable de la population pourra le suivre. Pour l’instant, il n’en est pas encore là. « UN BON PATRIOTE EST CELUI QUI DÉFEND SON PAYS PARTOUT ET TOUJOURS, ET SON GOUVERNEMENT ET SES LEADERS SEULEMENT LORSQU’ILS LE MÉRITENT », et sur ce dernier point, il n’y a pas de quoi être fier de nos hommes politiques. Vive le Burundi, et que soient maudits tous ceux qui veulent encore la guerre.