A tout seigneur tout honneur, le cœur du système au centre des cercles concentriques de la crise burundaise. Des systèmes d’intérêts soudent certains protagonistes qui ont su jouer des coudes. Sous les ors de la République, les gardiens du premier cercle défendent le régime, prennent l’initiative de l’attaque. La victoire ne se mesure pas à la solidité de l’argument, mais dans la virulence de l’attaque, la transgression permanente, pour rendre inaudibles les « ennemis du pays ».
Au deuxième cercle gravite des anti-Cndd-Fdd primaires boxant dans la catégorie poids lourd dans l’art de l’outrage et de belles mécaniques intellectuelles qui, à l’occasion, relèvent une parole ou action inconsidérée d’un représentant du système.
Le troisième cercle, ceux que le troisième mandat du président Nkurunziza n’a pas jetés sur les rivages de la précarité. Ils se divertissent, adhèrent à d’autres cercles d’affinités, pour ne pas se laisser happer par le désespoir. Ils ont bien retenu la leçon de l’Ecclésiaste : « Celui qui accroît sa connaissance accroît sa douleur. » Mais à l’occasion d’un office religieux, ils implorent le Tout-Puissant pour inspirer les gouvernants à se départir de la croyance qu’avec la navigation à vue, le succès peut être au rendez-vous. Par la seule grâce divine.
Le quatrième cercle, le plus gros contingent. La crise de 2015 non résolue l’a frappé de plein fouet. Livré à lui-même, démuni, il est rongé par une colère sourde au regard du gap entre le souci des gouvernants de cultiver une bonne image de soi à donner à l’autre et sa réalité quotidienne.
Les animateurs du cinquième cercle ont une approche systémique : la corruption et les violations des droits humains y sont institutionnelles. Sa profondeur historique commande d’apprendre à penser contre soi-même. Se séparer de soi au point de se faire à soi-même les meilleures objections pour tenter de faire société commune dans un Burundi où le cœur du système fait chambre à part.
Assaisonner des références aux valeurs ancestrales à un discours politique n’est pas rendre hommage au génie des aïeux qui avait su inventer des mécanismes de gestion et de résolution des conflits pour préserver un vivre ensemble où le dire et le faire pouvaient cheminer ensemble.
Les troisième, quatrième et cinquième cercles doivent inciter le cœur du système à percevoir son intérêt à tolérer des espaces de dissidence où circulent des voix dissonantes pour une pluralité de qualité. Avec persévérance dans la volonté, fermeté dans les principes et respect dans le langage.
« Un système qui ne se réforme pas et qui ne répond pas aux besoins des opprimés mène à une déflagration, prévient Cornel West, professeur de philosophie à l’Université d’Harvard.
Guibert Mbonimpa