Vendredi 18 octobre 2024

Editorial

Les carottes cuites pour l’opposition au Burundi ?

18/10/2024 0

« Si vous faites la comparaison avec l’ambiance pré-électorale d’avant les élections de 2020, on ne voit pas maintenant des partis politiques qui essaient de rivaliser en termes de compétition politique alors qu’avant, en 2019, il y avait des partis qui avaient des visions complètement différentes sur la façon dont le pays devrait être géré. Cela a occasionné une certaine effervescence politique qu’on ne voit pas aujourd’hui. » Cette analyse d’un politicologue vient répondre à l’enquête réalisée par Iwacu sur les formations politiques au lendemain des rendez-vous électoraux de 2020. La voix de l’opposition s’est presque éteinte.

Il n’y a vraiment pas de partis politiques qui se font face. Ils sont quasiment absents au terrain alors qu’ils devraient définir des programmes politiques clairs, et des projets de société. Bref, assurer une éducation politique à la base. Comment en est-on arrivé là ? Quel est l’avenir de l’opposition au Burundi ? Peut-on s’attendre à une recomposition des partis ?

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

L’Accord d’Arusha avait institutionnalisé le gouvernement d’union nationale en tant que mécanisme de pacification politique. Cet arrangement de partage du gâteau, ancré dans la Constitution de 2005 fondée sur cet Accord, a garanti un nombre de postes ministériels proportionnel à la représentation dans le Parlement à chaque parti obtenant au moins 5 % des voix lors des élections législatives. Ce que certains analystes politiques qualifiaient de « modèle associatif » de partage du pouvoir. La Constitution du 7 juin 2018 a changé la donne.
Elle n’oblige plus le vainqueur des élections à former un gouvernement d’union nationale. Le gagnant rafle la mise, « the winner takes it all ».

Dans le contexte burundais où l’absence au gouvernement est synonyme de l’exclusion de la vie économique, la représentation au gouvernement constitue une condition de survie des partis politiques et une ressource pour recruter, fidéliser et retenir les militants et les cadres. La différence entre parti au pouvoir et parti d’opposition étant nette, cela devrait normalement permettre aux autres formations politiques de fédérer autour de deux forces politiques qui dominent la scène politique.

Agréé en février 2019, le Congrès national pour la liberté, CNL, a démontré sa capacité à mobiliser ses membres et à rallier des électeurs de différents milieux. Cependant, il a été constaté que la direction était entre les mains d’un seul homme, Agathon Rwasa. La loyauté des membres du CNL envers leur chef charismatique Rwasa était extrêmement élevée avant les élections. Le parti de l’aigle, au pouvoir, l’a très bien compris. Depuis le 18 mars 2024, le pouvoir ne reconnaît plus Agathon Rwasa comme chef du parti principal d’opposition, le CNL. M. Rwasa dénoncera « un coup de force orchestré par le parti au pouvoir, à un an des législatives et communales. » Les carottes sont cuites pour l’opposition ? Plus rien à faire ?

La politique n’est pas statique, elle ne cède pas à la fatalité. Toutefois, l’annonce faite par le président de la CENI que la présentation du calendrier de dépôt et de vérification des candidatures est prévue du 9 au 24 décembre 2024 a suscité de vives réactions et de l’émoi parmi les politiques. Alors que les élections législatives et des conseillers communaux se tiendront le 5 juin 2025, les sénatoriales se tiendront le 23 juillet 2025. « Que faire de nos militants qui nous rejoindront en mars ? C’est terminé, les élections sont déjà finies… », s’interrogent certains politiciens.

Comparaison n’est pas raison. La victoire de l’opposant sénégalais Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour de la présidentielle, encore en prison une dizaine de jours avant le scrutin donne matière à réflexion.

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