Lundi 25 novembre 2024

Économie

« Les caféiculteurs doivent avoir la première place dans la filière »

« Les caféiculteurs doivent avoir la première place dans la filière »

Depuis 1993, la production du café a commencé à chuter. Aujourd’hui, elle atteint rarement dix mille tonnes de café vert. Et pour la campagne 2021-2022, elle est de moins de 7 mille tonnes. Entretien avec Dieudonné Ngowembona, ancien ministre des Finances et aujourd’hui directeur de production, commercialisation et marketing à la Société d’usinage et de commercialisation du café de Mumirwa (SUCCAM).

Selon vous, pourquoi la production du café continue de chuter ?

C’est vrai. La production n’est plus bonne. Et les causes sont exogènes et endogènes.

C’est-à-dire ?

Exogènes parce que plusieurs facteurs rentrent en jeu sur cette culture. Nous pouvons citer les cours mondiaux qui sont très volatiles au niveau de la bourse. Et notre café aussi est tributaire de la bourse de New York. Cela fait que les faibles recettes reçues par les producteurs, menacent implicitement leur motivation. Ainsi, ils ne s’adonnent pas pleinement à cette culture.

Les changements climatiques sont aussi un des facteurs perturbant la production du café au Burundi. Les précipitations sont souvent inférieures à 1200mm par an ce qui est la limite inférieure en dessous de laquelle le caféier est soumis à un déficit hydrique.

Elles sont aussi endogènes. Par exemple, la faible application de la fertilisation minérale dans les caféiers. L’objectif de maintenir les caféiers à l’état jeune n’est pas atteint dans beaucoup de cas, suite au manque d’une politique soutenue de la taille de régénération et la vieillesse des vergers. Le paillis est insuffisant et les retards de paillage sont enregistrés. Notons aussi le désintéressement de la jeunesse pour cette culture. Les jeunes préfèrent aller vers les milieux urbains en quête d’emploi beaucoup plus rémunérateurs (taxi moto, taxi vélo, Tuk-Tuk) laissant derrière eux la culture du café aux parents souvent très âgés et incapables d’entretenir les caféiers.

La pression démographique sur la terre est aussi un grand facteur qui fait que les vergers sont en train d’être envahis par des constructions des ménages, mais aussi par des cultures de subsistance pour la survie des ménages, etc.

Les caféiculteurs se lamentent d’être exclus. Est-ce votre constat ?

A mon avis, ce sont les caféiculteurs qui doivent avoir la première place dans la filière. Et d’ailleurs aujourd’hui, ils sont représentés dans la plate-forme INTERCAFE, où ils auront une voix qui devra porter haut à travers cette plateforme.

Que proposeriez-vous pour redynamiser ce secteur ?

Il faut une synergie d’efforts de tous les maillons sur toute la chaîne de valeur. Les caféiculteurs, usiniers transformateurs, les exportateurs, les acheteurs sans oublier l’Etat avec tout son pouvoir régalien. Ici, il faut que l’encadrement technique soit réel et visible pour que les caféiculteurs profitent des bonnes pratiques agricoles pour booster l’élasticité volume de production par le biais de la productivité sur pieds de caféiers. Ce qui aura des effets induits d’élasticité revenu pour relever le panier de la ménagère.

Bientôt, la campagne 2022-2023 démarre. Etes-vous préparés ?

Oui. Mais, le manque de carburant diesel est très épineux pour cette campagne café. En effet, toutes les stations de lavage font fonctionner leurs outils de production par le diesel. Si ce produit n’est pas disponible et suffisant, la campagne risque d’être perdue. Nous lançons un appel vibrant au gouvernement de faire tout son possible pour que nous ayons la facilité d’être approvisionné en carburant.

Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze

Forum des lecteurs d'Iwacu

11 réactions
  1. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez:« Par exemple, la faible application de la fertilisation minérale dans les caféiers… »
    2. Mon commentaire
    La vidéo suivante monte les conséquences que la guerre entre la Russie et l’Ukraine aura sur le marché des engrais chimiques en France.
    « Face à la flambée des engrais, quelles solutions? »
    https://www.youtube.com/watch?v=pKrFLpbnHMs

  2. Bakame

    A mon avis, il faut explorer d’autres cultures d’exportation qui peuvent générer des devises.
    Savoir que la terre au Burundi est très trés exigue.
    A titre indicatif, notr voisin de l’Est a introduit les raisns et les pommes au Nord.
    Notre voisin du Nord lui a ajouté le marijuana médical. Ne riez pas. Si on a une bonne gouvernance et pas de corruption, le pays peut encadrer cette culture et cela générera des devises.
    Avec notre surpopulation, la seule issue: Cultures intensives sur de petits lopins de terre, presque du jardinage. La densité dans des communes comme Gatara, Matongo, Campazi, Mbuye ou Kiganda est identique à celle des villes.
    Allez en Asie du Sud Est, Japon ( Je m’adresse à nos dirigeants, Un de nos leaders a dit dans une vidéo virale sur les réseaux sociaux qu’il a étudié à l’Université « Ugupfumura ». What was that university? Quelles sont les conditions d’admision dans cette Université? I am quite sure that something is wrong with such university) pour apprendre.
    Nous sommes descendus au rang du pays le plus pauvre au monde.
    C’est quand meme étrange que ce soit seulement notre président qui dénonce la corruption. C’est une faute du gouvernement. L’Assemblée et le Sénat sont normalement là pour corriger ou crier.
    Mais silence assourdissant de tous ces organes

    • Dr Nkunzumwami

      Monsieur, bonjour. Vous mélangez tout. Vous. croyez vraiment que la seule issue est la culture intempestive sur les petits lopins de terre?
      La réalité est qu’il n’y a plus de terre cultivable. L’ex ministre l’a bien dit. « La pression démographique sur la terre est aussi un grand facteur qui fait que les vergers sont en train d’être envahis par des constructions des ménages, mais aussi par des cultures de subsistance pour la survie des ménages, etc. »

      La solution est de créer des surfaces cultivables suffisantes d’abord. Ceci passe par le regroupement de la population en villages, la mise en place des mesures de limitation de la démographie, la construction en hauteur.. Mesures qui se heurtent à notre vieille habitude: kuvyara benshi udashoboye no kurera ngo i Mana irababona…
      Je donne un exemple. Nous sommes 5 frères. Je suis le seul à avoir eu trois enfants. Et je n’ai que 5 petits enfants. Les autres frères en sont arrivés à 8, 9, 10 enfants. Je vous laisse la surprise des petits enfants. Prenez votre smartphone et calculez combien peut disposer chaque garçon comme terrain, Comme les filles vont se marier ailleurs, combien de mètres carrés va disposer chacun des 25 garçons nommés mes neveux sur une petite colline que notre père nous a laissée? Même pas une parcelle pour ériger une case, soit 20×25 mètres!!
      Je crois que vous comprenez que notre pays de 27834 km carrés pour 12 millions d’habitants concentre en gros 431 habitants par kilomètre carré. Alors avant de promouvoir la culture d’exportation, il faut chercher les moyens de les nourrir et surtout de stopper cette hémorragie qu’est la forte démographie. Et ne répondez pas que « Imana Iratubona »!!

      • Kibinakanwa Médard

        Mon Dr ,
        Je mélanges rien du tout.
        Il y a beaucoup de vérités dans ce que vous écrivez.
        1) Nous fonçons directement à la catastrophe avec la bombe démograhique. Pour ton information, j’ai deux enfants. Les 6 personnalités les plus importantes du pays ont chacun plus de 5 enfants. You can double check. Cela ne prouve pas à 100% qu’ils ne comprennent pas forcément le problème démographique du Burundi. Mais ce qui est sûr, ils ne prêchent pas par le bon exemple.
        2) Mettre les gens dans des villes ou villages ne génère pas des propriétés. Avec la spécificité topographique du Burundi, worima ahantu utegereye gute? Amase woyashikanayo gute? Réfléchissez un peu.
        3) Votre proposition de construire en hauteur. Vous rendez vous compte que vous parlez du pays le plus pauvre au monde? Où trouver les fers à béton, le ciment?

  3. Nkebukiye

    « ….En effet, toutes les stations de lavage font fonctionner leurs outils de production par le diesel. Si ce produit n’est pas disponible et suffisant, la campagne risque d’être perdue. » Oh ! Vous oubliez les problèmes qui touchent le monde entier à propos du carburant ? Les pays dont les moyens sont insuffisants doivent s’attendre au pire.

  4. Nzobambona

    « …La pression démographique sur la terre est aussi un grand facteur qui fait que les vergers sont en train d’être envahis par des constructions des ménages, mais aussi par des cultures de subsistance pour la survie des ménages, etc. »
    Ah La pression démographique ! Qui est conscient de ce problème ? Pourtant c’est un souci majeur qui nécessite une politique rigoureuse tenant compte des sensibilités religieuses du moment. Si non , c’est une bombe à retardement.

  5. Athanase Karayenga

    La baisse spectaculaire et continue de la production du café burundais est due surtout à la politisation extrême de ce secteur. Depuis plusieurs décennies, l’État burundais a détruit ce secteur, naguère dynamique, avec des réformes incohérentes et inspirées par des dogmatismes économiques oscillant entre la privatisation débridée et l’étouffement des producteurs de café par une bureaucratie gouvernementale écrasante. Le langage ésotérique économique qu’on retrouve dans l’interview de M. Dieudonné Ngowembonna, qui analyse les causes de la chute de la production du café au Burundi, constitue un des indicateurs d’une vision peu rassurante et utile pour les paysans producteurs du café burundais. Car, soumis aux mêmes lois injustes du marché international et aux mêmes aléas climatiques, d’autres producteurs de café dans des pays voisins du Burundi, ont su développer une stratégie gagnante de valorisation des cafés de terroirs et à prendre des parts significatives du marché du café d’excellence dans le monde. Qui se souvient que le café du Burundi fut un des meilleurs du monde souvent primé pendant les expositions internationales ? En fait, le dernier gouvernement qui avait trouvé un bon équilibre entre la liberté des producteurs de café et l’encadrement du secteur par les pouvoirs publics remonte au régime de Jean-Baptiste Bagaza. Enfin, le secteur café a été fragilisé, pour ne pas dire détruit, par la propagande insidieuse de certaines rébellions qui incitaient les producteurs Hutu à délaisser leurs plantations de café. Parce que, prétendaient ces rebellions libératrices du peuple burundais, le café produit par des paysans Hutu procurait à des gouvernements Tutsi les devises pour acheter des armes. Dont ces gouvernements se servaient pour réprimer les Hutu. Les cours désastreux et erratiques de la bourse de New York n’ont pas été aussi efficaces pour tuer la filière du café burundais que les mots d’ordre de certaines organisations politico-militaires. Au pouvoir maintenant, celles-ci découvrent la redoutable efficacité du langage de la guerre, du mensonge politique et de la haine stupide.

    • Stan Siyomana

      @Athanase Karayenga
      1. Vous écrivez: »Enfin, le secteur café a été fragilisé, pour ne pas dire détruit, par la propagande insidieuse de certaines rébellions qui incitaient les producteurs Hutu à délaisser leurs plantations de café… »
      2. Mon commentaire
      Je ne crois pas qu’il y a un caféiculteur burundais (hutu ou pas) qui a déjà déclaré qu’il a abandonné la culture du café sous les ordres de telle personne (quitte à reprendre les activités après le conflit?).
      Partout au monde, quand il y a insécurité dans les campagnes, la production agricole va nécessairement baisser, comme c’est le cas aujourd’hui pour la production du blé en Ukraine.
      En 2018 l’Ukraine était le 5 ème pays exportateur de blé (8,91%) avec 16.373.389 tonnes (Source: Faostat.org, 2018).
      « The war in Ukraine has turned fertile soil into battlefields just as the 2022 crop year is getting underway. Meanwhile, the Black Sea ports are significant logistical locations for wheat exports. The conflict will cause interruptions or stoppages, leading to wheat and other agricultural product scarcity from the region that also produces corn, barley, and other crops.
      https://www.investing.com/analysis/as-wheat-prices-rally-we-may-see-food-shortages-and-even-civil-unrest-200620686

    • Yan

      @Karayenga
      « Au pouvoir maintenant, celles-ci découvrent la redoutable efficacité du langage de la guerre, du mensonge politique et de la haine stupide. »

      Je crois que si Bagaza n’avait pas eu cette haine ethnique, il serait encore au pouvoir. Comme quoi la haine ethnique porte malheur. A bon entendeur salut!

  6. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez:« Nous pouvons citer les cours mondiaux qui sont très volatiles au niveau de la bourse. Et notre café aussi est tributaire de la bourse de New York… »
    2. Mon commentaire
    a). Pour se protéger contre la chute du prix du café sur le marché international, un important exportateur du café burundais pourrait avoir une couverture financière (hedging) à l’aide des contrats à termes (Coffee « C » Arabica futures -Intercontinental Exchange (ICE) U.S).
    « Coffee producers can employ what is known as a short hedge to lock in a future selling price for an ongoing production of coffee that is only ready for sale sometime in the future.
    To implement the short hedge, coffee producers sell (short) enough coffee futures contracts in the futures market to cover the quantity of coffee to be produced… »
    https://www.theoptionsguide.com/coffee-futures-short-hedge.aspx
    b).Par exemple, en Amérique latine, le gouvernement du Mexique a l’habitude de faire la couverture financière de ses exportations pétrolières.
    « Negotiations to purchase the bulk of the financial contracts that protect Mexico against oil price crashes have now been concluded or are nearing conclusion…
    “Volatility this year was enormous,” said Raul Gonzalez, who worked in the Mexican finance ministry in the early months of the current administration and now lectures economics at the prestigious Tec de Monterrey university.
    “The oil hedging program is necessary. It offers stability amid public finance and budget challenges. It’s expensive but has generated benefits, it prevents the country losing its investment grade rating and guarantees solvency,” he said… »
    https://www.reuters.com/article/us-mexico-hedge-exclusive/exclusive-mexico-wrapping-up-2021-oil-hedging-program-sources-idUSKBN28L2R2

    • Stan Siyomana

      Ce trader français (sous le nom d’InternationalFx sur http://www.youtube.com)compte créer un service pour gérer certains risques auxquels les entreprises peuvent être exposées.
      « 1:47:27: Par exemple si on a une compagnie pétrolière qui fait appel à nous…on va essayer d’être très peu exposés ou alors en short sur les marchés sur tout ce qui est du secteur pétrolier pour que justement elle ait une performance qui soit lice et qu’elle ne soit pas impactée par le prix du pétrole par exemple….
      C’est beaucoup plus confortable pour une entreprise de pouvoir se projeter de manière beaucoup plus précise et sûre… »
      https://www.youtube.com/watch?v=kRyWCI1Hafg&t=3034s

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