Mardi 11 février 2025

Politique

« Les Burundais ont beaucoup plus droit à des solutions qu’à la persistance des problèmes. »

10/02/2025 0
« Les Burundais ont beaucoup plus droit à des solutions qu’à la persistance des problèmes. »

Processus électoral, pénurie des carburants ; crise dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC),… l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya s’exprime. Il revient également sur la récente publication du Général de Brigade Joseph Rugigana sur l’assassinat du président Melchior Ndadaye.

Le pays est déjà entré dans le processus électoral. Aujourd’hui, les listes des candidats pour les législatives et les communales sont connues. Certains politiciens mettent en question la neutralité de la Ceni. Quel regard faites-vous déjà sur ce processus ?

Vous savez, j’ai l’impression que la démocratie dans le monde aujourd’hui connaît des problèmes si bien qu’il faut que les uns et les autres sachent comment s’y adapter selon les circonstances.

Aujourd’hui, effectivement, le Burundi est engagé vers non seulement les élections législatives mais également vers les communales, celles des conseillers collinaires et des quartiers. Il faut que ces élections constituent un pas parce que la démocratie n’a pas de perfection. On est toujours en train de chercher.

Et c’est en cherchant qu’on finit par trouver effectivement les formules les plus adaptées pour chaque pays. J’ose espérer que ces élections envisagées cette année au mois de juin seront des élections qui feront avancer le Burundi.

Quel est l’appel que vous lancez à la Ceni et aux politiciens ?

Aux uns et aux autres. Pas seulement à la Ceni ou aux politiciens mais également et avant tout au peuple burundais parce que c’est lui qui est concerné.

Il faut que tout ce monde soit mobilisé dans le bon sens pour que justement ces élections se déroulent dans la paix et consolident la paix.

De par le passé, des élections ont été suivies par des crises. Aujourd’hui, à voir les lamentations de certains politiciens, que faut-il faire pour éviter de retomber dans une crise post-électorale ?

Ayons confiance dans les leaders burundais dans tous les secteurs de la vie nationale particulièrement dans le secteur institutionnel de ce pays mais également dans les leaders au sein des partis politiques ou les leaders d’opinion! Ayons un principe de base : que tout soit fait dans la paix et pour la paix dans ce pays!

C’est-à-dire ?

Je pense que chacun peut trouver à faire pour effectivement aboutir à la paix.

Aujourd’hui, le pays vit une crise persistante des carburants, de manque des devises, de la cherté de la vie, etc. Vous avez été président de la République et à cette époque, il y avait la guerre. Mais, le pays n’a pas connu une crise du genre. Quelle était votre stratégie ?

Ne comparez pas une époque à une autre! Chaque période est caractérisée par ses propres facteurs qui le guident mais également par l’implication des gestionnaires de la période en question. Les paramètres peuvent avoir évolué. Ils peuvent être différents ou avoir des coins dans lesquels ils se rencontrent.

Ce qu’il faut toujours avoir à l’esprit quand il y a des problèmes, c’est d’accepter d’y faire face. En Kirundi même nous le disons : « Uwuza gukira ingwara arayirata ». (Si tu veux guérir d’une maladie, il faut en parler NDLR)

Dès qu’il y a un problème, il faut le reconnaître puis, après, chercher des solutions. Il ne faut toujours pas être porté à jeter l’anathème sur l’autre d’autant plus qu’il peut y avoir des facteurs, des complications que même les décideurs ne maitrisent pas.

Mais, concrètement, que proposez-vous comme ancien président ?

Bon. Un ancien président ne propose pas. Plutôt, un ancien président souhaite avec les autres et soutient. Je soutiens toutes les démarches que mènent nos institutions aujourd’hui. D’ailleurs, même d’autres peuvent intervenir pour que toutes ces questions trouvent des solutions.

Ce n’est pas seulement par rapport à cette question que vous avez mentionnée mais aussi pour que d’autres questions puissent être résolues. Les Burundais ont beaucoup plus droit à des solutions qu’à la persistance des problèmes.

Peut-on dire que l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya est lui aussi affecté par cette crise ?

Je ne sais pas pourquoi vous me posez cette question. Mais, qui échappe à cette crise aujourd’hui ? Parce qu’après tout, nous nous approvisionnons nous tous aux mêmes endroits, aux mêmes stations d’essence. Chacun est touché d’une manière ou d’une autre. Quand bien même vous direz que vous n’êtes pas touchés, soyez empathique envers la population burundaise! La crise est là. Le devoir des uns et des autres est de travailler pour que progressivement cette crise soit maîtrisée.

Le Burundi a connu un embargo en 1996 mais on n’a jamais connu une pénurie des carburants de cette ampleur. Que proposez-vous pratiquement au ministère du Commerce et aux autres institutions concernées pour que cette crise trouve une solution ?

J’aurais plutôt aimé que nos médias, notre presse, et autres secteurs travaillent, enquêtent, expliquent. Parce que s’il y a eu des problèmes il y a une trentaine d’années, ces problèmes peuvent avoir des explications qui leur sont propres comme je vous l’ai dit et qui ne sont pas nécessairement similaires aux problèmes actuels.

Alors, vous savez, dans ce genre de chose, des fois, les opinions sont éclairées justement par le travail que mènent les gens de la presse comme vous qui enquêtent, expliquent et demandent les positions des uns et des autres. C’est à la fin qu’on finit par comprendre exactement ce qui constitue la différence entre aujourd’hui et ce qui prévalait il y a une trentaine d’années.

Enquêtez donc vous les journalistes, publiez vos enquêtes et vous allez voir que les gens apprécieront!

Pensez-vous que c’est facile d’enquêter sur ce sujet et ne pas s’attirer des ennuis?

La preuve est que vous êtes en train de m’interroger. C’est une façon d’enquêter aussi. Et vous savez, il n’y a rien qui s’acquiert sans problèmes. Les problèmes sont là. On doit les affronter, leur trouver des solutions à la faveur et pour le bénéfice de tout le monde.

Le Burundi a aujourd’hui ce qu’on a appelé vision 2040-2060. Mais, actuellement, le constat est que le système éducatif fait face à de multiples défis : départs des enseignants ; abandons scolaires ; baisse du taux de réussite, etc. Est-il possible de réussir cette vision sans que ce secteur soit bien organisé et prioritaire ?

Encore une fois, je pense qu’il faut toujours relativiser les choses. Les mouvements migratoires ne concernent pas seulement le Burundi. Ils concernent l’ensemble de l’Humanité, pourrais-je dire.

Je crois que vous suivez du jour au jour ce qui se dit ici et là. Ce qui est important de savoir aujourd’hui, c’est que le Burundi se trouve dans une période de mutation et que les mutations nécessiteront certainement beaucoup de réformes, beaucoup de mesures dans les divers secteurs de la vie nationale. Pas seulement donc dans le secteur de l’enseignement.

Il est vrai qu’il est crucial mais il y a également la santé. Je pense que les uns et les autres réfléchissent sur les stratégies. Bien entendu, pour que tout cela puisse être possible, il faut vraiment que les Burundais travaillent et s’assignent à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer une stabilité politique et institutionnelle de ce pays. Il semblerait, dans toutes les analyses qui se mènent, que c’est un facteur crucial pour que l’on puisse réussir la vision 2040-2060.

Est-ce que ces départs n’affectent pas le pays d’une façon ou d’une autre ?

Bon. Qu’est-ce qui ne produit pas d’effets sur un pays ? Même le départ d’un simple cultivateur doit avoir des conséquences. Oui, ça l’affecte. Mais, je conseille surtout que les Burundais ne disent pas que c’est de la fatalité. Ce sont des phénomènes qui, si les gens acceptent de les approcher ensemble, peuvent arriver à des solutions.

Dernièrement, un livre intitulé « Ma vérité sur l’assassinat de Ndadaye » de Joseph Rugigana a été publié. Sûrement que vous l’avez lu. Que peut-on retenir de cette publication ?

C’est une contribution. Vous savez quand j’ai écrit mon livre dont l’éditeur est Iwacu-Europe. J’ai dit dans la partie introductive que ce que j’écris ne constitue pas l’histoire mais que c’est plutôt une contribution pour l’écriture de l’Histoire. J’encourage tous les Burundais à contribuer, à écrire sur ce qui s’est passé. Et puis, demain, il appartiendra aux historiens d’écrire sur ce passé burundais sur lequel il y a tant de divergences aujourd’hui.

Je salue donc ce nouveau livre qui est parmi tant d’autres. Je pense qu’il y en a beaucoup aujourd’hui qui écrivent soit des articles ou qui parlent à travers des médias sociaux sur ce qui s’est passé ou ce qui se passe dans le pays. Tout cela va aider à ce que les historiens puissent bien s’asseoir et bien écrire sur le passé malheureusement sur lequel nous sommes divisés aujourd’hui.

Après sa publication, il y a eu beaucoup de commentaires et de polémiques surtout de la part des anciens hauts gradés de l’armée régulière. Certains ont qualifié son contenu de « mensonges ». Votre commentaire

Mais, il n’est pas le premier qui le dit. Je pense qu’il suffit de faire la collecte, un recensement de tout ce qui a été dit depuis une trentaine d’années. Il n’y a aucune particularité qui expliquerait qu’il y ait des réactions comme vous le dites.

Et si éventuellement il y a ces réactions, ce que peut-être le général de Brigade Rugigana a touché sur un aspect que certaines gens ne voudraient pas voir éclore au grand jour.

Vous êtes président du Groupe des sages de la Force en attente de l’Afrique de l’est (EASF). Aujourd’hui, il y a une guerre à l’est de la RDC. Quelle est votre réaction sur cette situation ?

Je me mets à la place des peuples de cette région ; des peuples qui ont droit à la paix, à la sécurité, à être organisés et à être canalisés pour davantage s’investir dans leur développement ou plutôt dans le développement socio-économique de leur pays. Cela nécessite en conséquence la paix et la paix est pour tout le monde.

Et j’ai espoir que ce qui se passe va alerter les uns et les autres pour s’engager dans des voies salvatrices à la faveur justement de ces peuples, de cette région des Grands lacs. Je pense que si les uns et les autres s’y investissent, il y a lieu de trouver des formules à travers lesquelles tout le monde sera confiant les uns envers les autres.

Quel est votre message aux parties en conflit ?

Vous savez, j’écoute justement ce qui se dit à travers les médias. Je pense que tout le monde souhaite que toutes les questions soient correctement posées et résolues. Je pense également qu’avec cela, il n’y a pas d’autres voies que de s’asseoir ensemble dans la diversité des intérêts et de poser les problèmes ensemble dans la confiance et dans la responsabilité.

Je ne dis pas qu’on finira nécessairement par trouver une solution mais, au moins, on se sera tracé la voie qui conduit à la recherche d’une solution.

C’est-à-dire que c’est par le dialogue qu’on devrait résoudre ces conflits

Le dialogue c’est une pratique aujourd’hui consacrée dans les principes de la gouvernance, peu importe le secteur dans lequel vous vous trouvez.

Est-ce que vous ne craignez pas que si la solution tarde à être trouvée, cette guerre risque de s’étendre sur d’autres pays de la région comme le Burundi ?

Je fais confiance aux responsables de cette région. Je fais confiance aux institutions régionales. Je fais confiance aux organisations internationales pour que les valeurs que les hommes partagent prévalent sur les autres intérêts.

Dernièrement, les syndicalistes ont sorti une déclaration où ils décrivent des conditions de vie très déplorables. Et vous êtes président du Conseil national de dialogue social (CNDS). Qu’est-ce que vous êtes en train de faire pour que leurs revendications trouvent une solution et que leur situation s’améliore ?

Bon. Le Conseil national de dialogue social n’agit pas de lui-même. Il agit quand il est saisi par l’une des parties qui le composent.

Qui sont ces parties ?

C’est le gouvernement en tant que le plus grand employeur de ce pays mais également le régulateur de la vie nationale à travers les institutions qui gèrent l’Etat.

Il y a aussi la partie composée par l’association des employeurs du Burundi (AEB) et il y a enfin la partie représentée par les travailleurs à travers la Confédération syndicale la plus représentative aujourd’hui (Cosybu). Comme vous le dites, les travailleurs peuvent avoir produit ce document mais au niveau du CNDS nous agissons quand nous avons été à proprement parlé saisis.

Ce que nous conseillons toujours, c’est le dialogue. On est donc appelé à dialoguer, à travers les consultations, toutes les questions concernant la vie des constituants de ce conseil. Si demain ou après-demain, on est saisi par l’une des parties pour dire il est temps qu’on dialogue sur cette question, nous prendrons toutes les dispositions nécessaires pour que ce dialogue s’engage.

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