Analphabétisme, habitations indécentes, précarité alimentaire, manque de terres, les Batwa du site Nyarugunda, en commune Gashikanwa(Ngozi) vivent dans la misère.
Une dizaine de jeunes femmes assises à même le sol, visages renfrognés, drapées dans des pagnes sales, déchirés, laissant entrevoir des épaules décharnées, ces silhouettes faméliques semblent affligées, elles discutent entre elles.
Assises également par terre, à 500 m de ce groupe, une dizaine de jeunes filles entre 15 et 20 ans forme un autre cercle.
Tout près d’elles, une bande de plus de quinze petits gamins se constitue. Ils se racontent des histoires, mais se posent des questions sur les nouveaux venus : «Abakuru batugendeye ? » (Les autorités nous rendent visite ? NDLR). Ils continuent à murmurer.
A quelques mètres de là, un moutonnement de huttes au toit de chaume ou recouvertes de feuilles de bananiers. Des enfants en haillons jouent. Il est presque 10 heures au site des Batwa de Nyarugunda, dans la commune Gashikanwa de la province Ngozi, à quelques encablures du marché dit moderne de Vyerwa.
Odette, une des femmes assises à l’entrée du site, nous accueille, avec un léger sourire. La jeune femme de 24 ans est enceinte de son deuxième enfant. Elle reste assise à la maison en attendant le retour de son mari, seul espoir d’avoir à manger. «On mange une fois par jour à peine. Mon mari est allé chercher de la nourriture. Des fois, il rentre bredouille».
La jeune femme se lamente, elle maudit leur condition misérable. «Nous n’avons pas de terres à cultiver, l’Etat a repris ses terres. Les enfants ne vont pas à l’école et ils passent la journée à se quereller ici à cause de la faim. Malheur à ceux qui ont beaucoup d’enfants. Bâton à la main, ils doivent les surveiller» dit-elle.
Laurent Nyabenda, un des cinq élus collinaires issu de cette communauté des Batwa du site Nyarugunda abonde dans le même sens que la jeune femme. «Il y a une misère criante ici. La pauvreté dans ce site est indéniable. On ne vit pas, on vivote. La plupart des familles ne mangent qu’une fois la journée. Pour d’autres, c’est à peine qu’elles trouvent de quoi se mettre sous la dent».
Selon cet élu collinaire, à cause de cette pauvreté, presque tous les enfants de ce site ne vont plus à l’école. «Les parents ne parviennent pas à trouver le matériel scolaire et les uniformes pour leurs enfants. Ils n’ont pas d’activités génératrices de revenus ni de terres cultivables».
Cet administratif à la base demande à la commune d’écouter leurs doléances et de les aider à sortir de cette misère. «Nous n’avons pas besoin d’assistance en vivres tous les jours. Il faut que les autorités nous donnent des terres et des houes et soutiennent nos enfants pour qu’ils puissent reprendre le chemin de l’école».
Encore un long chemin…
Honorable Emmanuel Nengo, président de l’association Uniproba (Unissons-nous pour la promotion des Batwa), se désole. : «Malheureusement, les projets ne sont pas très consistants et seules les communautés ciblées par nos partenaires bénéficient de l’assistance».
Pour Nengo, la volonté d’atteindre toutes les communautés des Batwa reste une préoccupation. «Les partenaires se font de plus en plus rares. Là où on n’a pas encore commencé à intervenir, les gens doivent se lamenter, car ils vivent dans la précarité».
Selon lui, les provinces où l’Uniproba a des partenaires, les Batwa sont encouragés à s’autofinancer. «Nous essayons d’éradiquer la fâcheuse pratique de tendre la main. Nous les encourageons à se regrouper en associations et on les aide à développer des activités génératrices de revenus».
D’après lui, pour relever le niveau de ces Batwa, il faudrait se focaliser sur l’éducation de leurs enfants. « Malheureusement, dans ce secteur, les appuis manquent cruellement».
Il explique que depuis la décision de 2005 qui institue la gratuité scolaire au primaire, presque tous les partenaires ont arrêtés leurs appuis dans ce domaine. «Ils oublient que l’éducation, ce n’est pas que le minerval».
Une communauté reléguée au dernier plan
Martin Nivyabandi, ministre des Droits de la Personne Humaine, du Genre et des Affaires Sociales soutient que le problème des mauvaises conditions de vie au sein des communautés des Batwa est lié à l’histoire. «La communauté des Batwa a été reléguée au dernier plan en termes socio-économique. Il y’a eu un décalage entre les couches de la population».
D’après le ministre Nivyabandi, cet état de fait a affecté les Batwa en général, ce qui se répercute sur leurs conditions de vie. «Quand quelqu’un a été discriminé depuis longtemps, il intègre l’échec dans son ADN. C’est le cas pour les Batwa».
Pour le ministre, il y a des stratégies de réinsertion nationale des personnes vulnérables qui ont été élaborées par divers ministères et pilotées par le ministère en charge des droits de l’Homme. Elles visent la promotion des personnes vulnérables, dont les Batwa. «Il y a un effort de promotion de ces vulnérables. C’est une opportunité de redonner espoir à cette communauté longtemps discriminée».
Il souligne qu’il y a un problème particulier lié au manque des terres cultivables auquel font face les Batwa. «L’Etat a déjà pris conscience de cette problématique. Il est en train d’identifier des terres domaniales pour les distribuer à ces peuples en besoin».
Sur la question de l’éducation, le ministre Nivyabandi affirme qu’elle ne concerne pas les seuls Batwa. «C’est un problème général. Les communautés défavorisées sont exposées à l’abandon scolaire à un rythme inquiétant. Ce ne sont pas que les Batwa».
Le site de Nyarugunda rassemble plus de 72 ménages et compte plus de 160 personnes. Ces gens n’ont pas d’activités spécifiques, ils disent survivre par le travail rémunéré dans les champs des familles plus aisées quand l’opportunité se présente.