Mardi 26 novembre 2024

Société

Les battantes de Kayogoro

30/12/2018 Commentaires fermés sur Les battantes de Kayogoro
Les battantes de Kayogoro
Les leaders formés de la commune Rugombo se disent satisfaits de ce projet de soutenir les jeunes filles et femmes leaders.

Les femmes de la commune Kayogoro ont compris l’importance de la solidarité. Réunies dans des coopératives, elles font de l’élevage et visent une autonomisation financière.

Lundi 24 décembre, le ciel est nuageux. De petites gouttes de pluie tombent. La population se presse pour acheter des vivres et des habits. Elle prépare la célébration de la fête de Noël le lendemain. Des mouvements de va-et-vient…

10h.Colline Kibara de la zone Bigina. Vingt-cinq femmes se sont mises ensemble pour lancer la coopérative KEREBUKA (Soyez actifs) à Mibanga, sa sous-colline, au début 2017. Trois principales activités s’y déroulent : l’épargne, l’élevage des porcs et la culture des haricots grimpants.

Espérance Ndayishimiye, la chargée de sensibilisation, parle d’une contribution par membre et par semaine d’au moins 1000 BIF. KEREBUKA a commencé avec 6 porcs. Réparti dans 6 familles à ses débuts, cet élevage est en plein essor. Trois des porcs ont déjà mis bas une vingtaine de porcelets. Chaque membre de la coopérative a reçu un porcelet.

Espérance Ndayishimiye devant l’étable qui abrite le porc mâle parmi ceux de leur coopérative sur la colline Kibara.

Selon Mme Ndayishimiye, ces femmes préoccupées par leur autonomie financière s’impliquent beaucoup dans le développement de la coopérative. «Autrefois, la femme était considérée comme un enfant qui ne peut rien, qui attend tout de son mari. Malheureusement, la moindre mésentente entraînait la fermeture du robinet. De même en cas de décès du mari, certaines familles traversent un véritable chemin de croix.», déplore-t-elle. Pour elle, les coopératives permettent de relever ce défi.

Les membres satisfaites des réalisations

Une appréciation partagée par Nahimana, l’une des membres de la coopérative KEREBUKA. Elle se réjouit de l’existence de cette dernière. «Le crédit que j’ai contracté m’a permis de commencer un petit commerce. C’est florissant, j’espère célébrer les fêtes de fin d’année sans problèmes avec mon mari même si de son côté il n’apporte rien», confie-t-elle, tout sourire. Elle ajoute qu’elle profite énormément du fumier pour ses champs.

Terimbere Mukenyezi (Femme, progresse) est une autre coopérative. Basée à la colline Gasenga limitrophe de Kibara, celle-ci compte 30 membres. «Elle sert de cadre d’échanges et de réflexions sur les différentes questions qui hantent la société, comme la pauvreté», explique Daphrose Bukuru, la coordinatrice. « Nous sommes des artisanes du développement et le temps d’être des spectatrices est révolu. Nous devons nous battre au même titre que les hommes pour le bien-être de nos familles».

A son domicile, une petite étable qui abrite des chèvres toutes grasses. « Elles appartiennent à la coopérative. Il y a deux ans, nous avons commencé le projet avec trois chèvres. Pour le moment, nous en sommes à sept». Derrière l’étable, la verdure d’un champ de haricots grimpants prouve la fertilité du sol. «Le fumier de cet élevage est utilisé dans ce champ», tient à expliquer Mme Bukuru.

Les membres de ces coopératives ne sont pas que des femmes mariées. Les filles-mères qui ne savaient pas à quel saint se vouer s’y sont également intéressées. Vêtue de beaux pagnes jaunâtres, Linda (pseudo), témoigne : « J’ai été enceinte alors que j’étais en 9ème et l’enfant a été rejeté par son père biologique. J’ai été contrainte d’élever seule un enfant que je n’avais pas prévu. Après l’adhésion à cette coopérative, j’ai pu subvenir à mes besoins et à ceux de mon enfant.»

L’administration rassure

L’action de l’association se heurte sans cesse à la faiblesse des moyens disponibles. « Nous n’avons aucun soutien, nous comptons sur nos propres moyens», se désole Mme Bukuru. «Ainsi, si notre bétail est attaqué par les maladies, nous ne trouvons pas de médicaments».

Il y a des réticences de certains maris par rapport à l’autonomie financière de la femme. Ils les empêchent de participer dans des associations par crainte de perdre leur autorité dans les familles.
Les responsables des deux coopératives appellent les différents acteurs sociaux à appuyer leurs projets. Leur demande s’adresse notamment aux bailleurs de fonds pour leur procurer des moyens financiers et matériels. Ces battantes sollicitent en outre le soutien de l’administration. Celle-ci devrait sensibiliser les hommes et les femmes sur l’importance des associations féminines.

Zachée Misago, administrateur communal de Kayogoro, ne tarit pas d’éloges sur les réalisations des femmes réunies dans des coopératives ou associations. Il évoque notamment le paiement des taxes sur leurs produits qui profite énormément à la caisse communale. « Les femmes sont des forces vives pour développer le pays. Allez consulter dans les marchés, vous verrez qu’elles dominent».

Cet administratif évoque, à titre d’exemple, l’agrandissement et la réhabilitation des routes, moyennant des vivres ou de l’argent versés à des associations féminines.

L’administrateur communal de Kayogoro affirme qu’il ne ménagera aucun effort pour sensibiliser les femmes sur l’importance de travailler ensemble. Et de les encourager à l’unité : «L’’union fait la force et elle est la clé de l’autonomisation financière.»

Plus de 700 coopératives et associations agro-pastorales sont agrées au niveau de la commune Kayogoro. Lors de notre passage, le chiffre de celles exclusivement féminines n’était pas disponible.

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