Richard Nijimbere Kinyoni III, nouvellement intronisé roi (chef coutumier) de la chefferie de la plaine de la Rusizi, appelée chefferie des Barundi, promet de tout faire pour préserver les intérêts de sa communauté en RDC.
Votre père, feu Floribert Nsabimana Ndabagoye Kinyoni II, vient d’être assassiné. N’avez vous pas peur de subir le même sort que lui ?
Je sais que la tâche qui m’attend est immense. La situation est plus que dangereuse, mais je reste confiant quant à la volonté du gouvernement d’apaiser les tensions. Mais soyez sûr que je ne reculerai devant rien pour honorer le nom de mon père en le remplaçant honorablement, même si je dois payer de ma vie. Il est de mon devoir de continuer son combat qui consiste à préserver les intérêts de ma communauté.
Êtes-vous Burundais ou Congolais ?
Nous sommes Congolais, car notre royaume existe bien avant la colonisation Belge. C’est en 1885 que, lors de la conférence de Berlin, l’occident a tracé les frontières en Afrique. Notre peuple s’est retrouvé de part et d’autres de la frontière. Une partie est restée au Burundi, tandis qu’une autre s’est retrouvée au Congo.
Votre communauté est-elle réellement menacée ?
La menace est réelle. Elle a commencé depuis la révolte de la tribu des Bafulero, en 1961, quand ils se sont ralliés à leur Mwami vivant dans les montagnes et ont voulu nous chasser des terres de nos ancêtres. Avant 1885, les Bafulero habitaient dans les montagnes qui surplombent la plaine. Ils ont fui leur chef qui était féroce. En 1961, Marandura, un député Mufulero a convaincu ses frères de se rallier à leur roi pour nous envahir. Il voulait être roi de la plaine de la Rusizi. Le 4 avril de cette année-là, il y a eu des massacres et certains membres de notre communauté ont fui vers la province de Cibitoke, au Burundi. Nous avons nommé cette guerre celle des chèvres car les Bafulero ont pillé tout notre bétail. Félix Kinyoni II, alors notre roi, a reçu une balle et s’est enfui à Bukavu.
Mais ce conflit date de très longtemps. Est-ce que les deux tribus ne se sont pas depuis réconciliées
Il y a eu certes une paix entre nos deux peuples, mais une paix de de façade car, en 1998, mon oncle, du nom de Rugendereza Rushima, a disparu dans des circonstances non encore connues. Certains disent qu’il a été décapité. Mais bien avant cette date, en 1991, mon père a été suspendu par le gouverneur du Sud Kivu, sans aucun motif, pour un temps indéterminé. C’est le Président Désiré Kabila qu’il a remis dans ses droits en 1997. Il est ensuite parti à Kinshasa comme député pendant la transition du président Désiré Kabila.
Y’a-t-il des enjeux matériels derrière ce conflit ?
Bien sûr. Outre la prime de représentativité octroyée au roi, notre territoire est vaste. Il va de la rivière Ruvubu jusqu’à la rivière Kavimvira. Il contient des terres très fertiles et où l’élevage est prospère, d’où la jalousie des Bafulero. Ils veulent que notre chefferie soit transformée en secteur pour qu’il y ait des élections, car ils sont assurés de gagner parce qu’ils sont devenus majoritaires. Or, dans une chefferie, le pouvoir se transmet de père en fils