Le droit burundais punit les auteurs des messages de haine. Me Fabien Segatwa, avocat pénaliste du barreau de Bujumbura, en appelle à plus de fermeté pour prévenir le génocide et les crimes contre l’humanité.
Que dit la loi burundaise sur les discours de haine ?
La loi burundaise définit un message de haine comme un concept d’injure qui a une connotation raciale et ethnique. Cela est puni par la loi nationale et internationale. Il a été intégré dans le code pénal burundais sous le vocable de crime de guerre et de crime contre l’humanité. Avant il y avait ce que l’on appelle l’aversion raciale. Cette dernière est prévue aujourd’hui par l’article 266 du code pénal.
Les messages de haine qui circulent sur les réseaux sociaux sont de nature à provoquer la haine raciale. Raison pour laquelle le législateur a prévu des sanctions envers les auteurs de cette infraction. L’auteur est puni d’une peine de 6 mois à deux ans de servitude pénale. En cas de génocide, les auteurs peuvent encourir des peines de perpétuité.
En outre, la haine raciale, la haine ethnique, les encouragements pour la haine raciale et les actes de nature à propager la haine raciale peuvent provoquer le génocide.
Ces peines sont-elles suffisantes ?
La loi burundaise punit l’aversion raciale d’une façon très légère alors que ce crime est très grave. C’est une petite peine. Il faudrait que le législateur puisse élever la peine car cela peut provoquer des dégâts. C’est comme si c’était un accident par un acte non intentionnel alors que encourager la haine ethnique, c’est une intention malveillante pour saper la société. L’aversion raciale commence par de petites injures qui s’incrustent dans la tête des gens.
Chacun croit défendre son ethnie et injecte le venin dans toute la société à laquelle il croit appartenir. Le résultat est que l’on se retrouve dans une société où les uns et les autres se regardent en chiens de faïence. Le génocide se prépare. Il faudrait que les pouvoirs publics puissent sévir sévèrement contre les messages de haine.
Qui sont responsables de sa mise en application ?
Nous avons les institutions. Il y a la police, les parquets. Ils sont chargés de rechercher ceux qui ont commis les infractions. Une fois les preuves établis, les auteurs sont traduits devant la justice et jugés. Les auteurs de ces messages de haine peuvent être à l’étranger. Au nom de la coopération internationale, tous les pays doivent collaborer pour traquer ceux qui se cachent derrière la technologie pour injecter le venin de la haine.
Y-a-t-il possibilité d’auto-saisine ?
C’est vrai que dans le temps quand des injures se faisaient on demandait qu’il y ait une plainte avant que les pouvoirs publics ne s’en saisissent. Le ministère public peut s’autosaisir lorsque ces messages sont propagés. Aujourd’hui ces concepts d’injure de face à face ont évolué avec la technologie. Les auteurs les mettent sur les réseaux sociaux et c’est plus grave.
C’est le monde entier qui en est témoin. C’est l’injure publique et il n’y a de public que les réseaux sociaux. En d’autres mots, les pouvoirs publics devraient plutôt se saisir sans qu’il y ait des plaintes. L’individu est dépassé et le mal est très grand. Partout, un membre d’une ethnie indexée le diffuse lui-même puis il y a un effet d’entraînement.