Des documents écrits, des conventions, des lois, des images,…. font partie des archives. Au Burundi, la situation est alarmante : pas de locaux, du matériel, carence d’archivistes, etc. Le constat est amer.
Se basant sur les résultats des descentes effectuées sur terrain, Nicodème Nyandwi, chef de service des archives et bibliothèques nationales au ministère de la Jeunesse, des Sports et de la culture affirme que la conservation des archives n’est pas satisfaisante. Même si des efforts se manifestent dans quelques services, ce secteur semble délaissé : « Les endroits servant de lieu d’archivage sont carrément oubliés, sales, étroits, non éclairés et non équipés ». Dans beaucoup de services, précise-t-il, il n’y a pas d’archivistes. Ce service est rempli par un secrétaire, un planton ou un veilleur.
Les documents sont laissés à eux-mêmes, mélangés avec d’autres objets et entassés dans des endroits poussiéreux. Pas de rangements ni classements. M.Nyandwi, le chef de services des archives et bibliothèques nationales signale que les archives sont conservées ensemble avec les pneus usés, les machines hors usages, avec des bidons d’essence,… Bref, elles sont considérées comme des choses inutiles, des saletés dans certaines circonstances.
Or, les archives restent d’une grande importance et reflètent l’image de l’administration : « Le sérieux d’une administration se remarque par la manière dont elle conserve ses archives. »
Il reconnaît cependant que même si tout n’est pas rose, certains administratifs font des efforts dans ce domaine en mettant en place des équipements (les armoires, les classeurs, les fardes, …) et un personnel chargé d’archives.
« Elles constituent la mémoire d’un pays »
Par archives, M.Nyandwi indique qu’il faut entendre « l’ensemble des documents quels que soient leur date, leur support matériel ou leur nature, produits ou reçus par toute personne physique ou morale dans l’exercice de sa fonction ».
Du point de vue date, il précise que les archives ne sont pas seulement des vieux documents : « Elles peuvent être constituées par des documents récemment signés, conservés, ou fraîchement élaborés ou signés ».
Il distingue des archives courantes, semi-courantes (intermédiaires) et celles définitives ou historiques. La 1ère catégorie est faite selon lui, des documents dont les producteurs, l’administration ou un responsable des services utilisent quotidiennement pendant que le dossier est toujours en cours.
Quant aux archives intermédiaires, il s’agit des documents où l’affaire est presque terminée. C’est-à-dire qu’on doit absolument les garder tout près des bureaux, des administrations pour s’en servir en cas de besoin. Et les archives historiques, précise-t-il, ce sont des documents qui ont perdu toute utilité administrative : « Elles sont conservées pour des raisons scientifiques, historiques ou de la recherche ». M. Nyandwi précise que les archives mortes n’existent pas parce que chaque catégorie a son importance.
« Une administration qui n’a pas d’archives n’a pas de référence. Elles nous aident à rendre compte de nos activités quotidiennes. Ce sont des éléments de preuves par excellence », affirme-t-il tout en ajoutant qu’elles sont très utiles dans l’enseignement. Pour lui, au moment où le Burundi évolue vers la mise en place de la Commission vérité réconciliation (CVR), les archives sont d’une grande capitale dans la recherche de la vérité.
Gilbert Ndayikengurukiye, de l’association des bibliothécaires, archivistes et documentaristes (ABADBU) précise que les archives pouvaient même aider dans le travail de la Commission nationale terres et autres biens (CNTB) si les archives foncières avaient été bien conservées. Il indique que sans archives, on travaille sur des « racontars et rumeurs » et on ne peut pas asseoir une bonne gouvernance.
Archives : un support + une information
Le chef de services des archives et bibliothèques nationales au ministère en charge de la jeunesse signale qu’on ne peut pas parler d’archives sans support : « En science, les archives doivent être sur un support et ce dernier doit contenir une information ». Il fait allusion au papier qui est le support traditionnel après le papyrus, les supports modernes comme les flashs disques, les CD, les cassettes compactes, …bref tout ce qui est multimédia.
En ce qui est de la nature des archives, M. Nyandwi parle des correspondances, des procès verbaux, les compte rendus, les textes règlementaires englobant les décisions, les ordonnances, les lois, des cartes, des photos, etc
Les archivistes sont sous-estimés
« Le métier d’archiviste est déconsidéré. C’est une fonction qu’on donne à des personnes jugées incapables d’exercer une autre. Dans la plupart de fois, ce sont des fonctionnaires en attente d’aller en retraite », souligne M.Nyandwi. Même au niveau social, les archivistes sont sous-estimés alors qu’ils sont les gardiens du patrimoine national. Et dans les administrations, dans les communes,… le constat est que les secrétaires sont aussi chargés de la gestion des archives. Normalement, précise-t-il, dans chaque service, il devait y avoir un secrétaire et un archiviste qui travailleraient en collaboration. Il arrive même des cas où ce service est confié à un planton ou un veilleur de nuit. Et quand un fonctionnaire commet une faute, indique-t-il, à défaut d’être licencié, il arrive qu’on l’affecte dans la gestion des archives comme punition.
Du côté de l’ABADBU, M. Ndayikengurukiye souligne qu’il n’y a pas même une réglementation régissant ce métier. Et d’ajouter : « Les endroits de conservation des archives sont comme des dépotoirs ». Gilbert Ndayikengurukiye signale que l’importance des archives n’est pas perçue par l’administration. Il donne ici l’exemple des documents administratifs, des bulletins scolaires, des décrets, … utilisés comme emballage dans les marchés. L’Etat devait sanctionner cela parce que, précise-t-il, « un document d’archive est un secret qui doit être conservé jalousement.» L’Etat ne participe pas dans la promotion du métier d’archiviste.
Sans archives, le pays perd de référence
Pour Gilbert Ndayikengurukiye de l’ABADBU, quand un pays manque d’archives, il n’a pas de référence des activités faites, des références historiques, etc. Et pour Nicodème Nyandwi, cela facilite la tâche aux fraudeurs des documents. Il signale que suite au manque des archives, des gens peuvent se procurer deux, trois cartes d’identités. D’autres peuvent se faire enregistrer à l’Etat-civil comme célibataire alors qu’ils sont mariés. Et cela, souligne-t-il, constitue un danger social. M. Nyandwi ajoute que le manque des archives peut aussi entraîner des confits armés. Il donne l’exemple du différend qui oppose le Burundi et le Rwanda à Sabanerwa dans la commune Mwumba, province Ngozi : « Si les archives sont bien conservées, la solution est facile. »
Il propose qu’il y ait des sensibilisations de la base au sommet pour montrer l’importance des archives. Pour lui, il faut une compréhension commune sur la valeur des archives. Et pour y arriver, M. Nyandwi recommande qu’un budget soit affecté dans ce domaine. Et cela permettra selon lui d’améliorer les services, acheter les équipements,… Il demande aussi qu’il y ait une filière à l’Université du Burundi chargée de former les archivistes qualifiés et suffisants. Pour lui, les techniques de conservation doivent aussi être modernisées en introduisant l’archivage électronique. « Une réglementation en rapport avec les archives s’avère une nécessité », conclut Gilbert Ndayikengurukiye, de l’association des bibliothécaires, archivistes et documentaristes (ABADBU).
No comment !!
Les Burundais ont déjà compris.Une entreprise spécialisée dans l’IT existe au Burundi. Dans ces activités, l’Entreprise fait des archivages numériques tout en concevant des logiciels sur mesure pour la consultation et la mise à jour des archives.
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Iwacu pouvez vous laisser mon commentaire?
Merci Iwacu pour cet article,
Je voudrais préciser qu’ailleurs dans le monde les archives, les archivistes et les institutions d’archives jouent un rôle important dans la société. Très récemment les 23-24 novembre 2013 nous étions à Bruxelles en Belgique; les Archives générales du Royaume de Belgique accueillait la conférence annuelle du Conseil International des Archives « CIA » où plus de 500 professionnels archivistes et spécialistes de l’information documentaire se sont réunis pour discuter de l’évolution du métier. Les thèmes de la conférence était: « Responsabilité, transparence et accès à l’information ». Parmi les communications, j’aurai été satisfait en tant que Burundais par:
1° Le rôle des archives de la commission de vérité dans le traitement du passé de Mme Elisabeth Baumgarther Co-Directrice du Programme SwissPeace qui m’a d’ailleurs confié qu’elle s’est déjà intéressée sur le Burundi
2° Les contenus d’archives coloniales: problématique sous-documentée; un témoignage triste de la Namibie où les colons (Sud Africains, Allemagne) ont fait une séparation des archives de couleur (Noirs et Blancs) notamment en qui est de l’Etat civil;
3°De l’ombre à la lumière: le rôle des professionnels de la gestion de l’information dans la mise en lumière de la valeur du patrimoine archivistique des organisations;
4° L’accès aux archives publiques dans la formulations des choix politiques;
5° Le Gouvernement ouvert (Open Government) et accès aux données publiques (Open data)
Bien plus d’autres communications ont convergé sur une responsabilisation et une transparence renforcées des gouvernements vis-à-vis des générations actuelles et futures.
Ici chez nous devons lutter une législation claire en matière des archives et de la liberté de l’information.
Ce grand évènement de Bruxelles aurait du avoir la couverture de nos média burundais pour donner clin d’œil aux Décideurs.
@Gilbert
« Ce grand événement de Bruxelles aurait du avoir la couverture de nos média burundais pour donner clin d’œil aux Décideurs. »
Lorsqu’on travaille avec des moyens (très) limités, on essaie de travailler par priorités! J’ose imaginer que nos responsables y pensent de temps en temps, malgré tout ce qu’on raconte sur eux. Il n’y a pas longtemps on nous montrait sur ce site web même, des gens qui souffrent de malnutrition (enfants et adultes)! Ce la signifie que ces gens ont passé plusieurs mois si pas années, n’ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent. D’aucuns croyaient que cela n’existe plus depuis les années 1940, lorsque des famines sévissaient et que nos aïeux se nourrissaient de sauterelles et souches de bananiers!
Le choix entre « sauver des gens qui crèvent de faim » et la sauvegarde des archives de la République » reste draconien!