Dans les communes Isare et Mutimbuzi de la province Bujumbura, les associations APFB et AFRABU ont organisé une table ronde communautaire dans le but de concevoir une initiative de paix à réaliser dans ces deux communes. Les leaders et les administratifs ont été exhortés à travailler en synergie pour une bonne consolidation de la paix.
«Certains administratifs à la base entravent l’action des leaders. Lorsque nous sommes en train d’essayer de désamorcer des conflits, certains passent à côté pour demander des pots-de-vin», assure un participant de la commune Mutimbuzi. «Il y en a d’autres qui refusent de nous soutenir. Ils nous considèrent comme des rivaux alors qu’on devrait collaborer pour le bien-être de la population», renchérit une autre participante de la zone Gatumba.
C’était lors d’une table ronde organisée à l’intention des femmes, jeunes filles et hommes formés en leadership et résolution pacifique des conflits, les administratifs ainsi que les représentants des confessions religieuses. C’est dans le cadre du projet intitulé «Soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain pour faire avancer la paix au Burundi» de l’ONG Search For Common Ground (SFCG). Un projet financé par United Nations Peacebuilding Fund (UNPBF).
Pour un administratif de la zone Rubirizi, il faut que les leaders sachent qu’ils ne sont pas là pour remplacer l’administration. «Ils doivent collaborer afin d’œuvrer ensemble pour la paix». Simon Nzirukanyi, chef de colline Kirekura, invite les leaders à se faire connaître aux chefs de colline. «Certains leaders restent dans leurs coins sans se faire connaître». D’après lui, il faut qu’ils participent dans des réunions publiques. « Comme ça, je profiterais de cette occasion pour les présenter à la population. De ce fait, leur travail sera facile».
«Il nous faut un leader sur chaque colline»
Daphrose Niyintunze, femme leader d’expérience de la colline Sagara, zone Kibuye en commune Isare, témoigne que les jeunes filles et hommes formés sont très dynamiques sur le terrain. Lorsqu’un conflit éclate sur la colline, ce mentor qui parraine 10 jeunes leaders laisse à ses mentorés la direction de l’opération. «Je reste à côté d’eux pour les guider. Je suis satisfaite de leur prestation». Toutefois, cette femme leader déplore elle aussi le comportement de certains chefs de colline. «Chaque fois, ils veulent écarter les jeunes lorsqu’il s’agit d’aider dans la résolution pacifique des conflits». Pour elle, il faut des formations pour ces chefs de colline.
«Je suis contente qu’il y ait d’autres femmes et jeunes filles qui ont été formées pour nous aider. Nous avons beaucoup à faire dans notre commune», indique Odette Ngerageze, représentante des associations des femmes en commune Mutimbuzi. Pour elle, les femmes et jeunes filles leaders doivent s’entraider mutuellement. «Il faut une femme leaders sur chaque colline car nous faisons face à une multitude de conflits». Odette Ngerageze conseille aux femmes leaders de travailler en synergie d’autant plus que la commune Mutimbuzi est très vaste avec 33 collines.
Quant à Gédéon Manirakiza qui avait représenté l’Eglise protestante, il a remercié les initiateurs du projet. «C’est une bonne chose pour la société». Il a exhorté ces femmes et jeunes filles formées de s’impliquer davantage dans la résolution pacifique des conflits. «Il ne faut pas que vous soyez des leaders de nom seulement. Il faut aussi éviter de demander des pots-de-vin. Ce ne sont pas les qualités d’un bon leaders».
L’autre objectif de cette table ronde était de choisir une initiative de paix à réaliser. En commune Mutimbuzi, ils ont choisi de réhabiliter la transversale 15 se trouvant dans la zone de Maramvya. Quant aux leaders de la commune Isare, ils ont opté pour la réhabilitation du pont de Mucungwe.
Marianne Ntirujinama : «Il faut sortir des ténèbres et aller devant la lumière!»
Elue collinaire, Marianne Ntirujinama est une femme leader de la colline Kwigere, zone Benga de la colline Isare en province Bujumbura. «Je suis leader depuis la première République. J’ai toujours occupé des fonctions sur ma colline et dans ma zone». Septuagénaire, Marianne Ntirujinama indique qu’elle n’a jamais eu peur d’exprimer ses opinions contrairement à certaines femmes de son époque. «Je n’ai jamais été une femme de l’arrière-cour comme on dit. J’ai toujours bénéficié du soutien de mon mari car, avec mes fonctions et mon engagement, je l’aidais à subvenir aux besoins de notre famille».
A son âge, Marianne Ntirujinama est toujours animatrice sociale. «C’est un métier que j’adore beaucoup car il me permet d’aider mes jeunes concitoyens». Lorsque des conflits éclatent, on fait appel à elle. «Dans le temps, on demandait de la bière comme pot-de-vin. (Rires) Grâce à beaucoup de formations, j’ai abandonné cette pratique. J’aide dans la résolution des conflits avec bon cœur».
Depuis des années, cette femme leader d’expérience aide les femmes et les jeunes filles à devenir des leaders dans leurs communautés. «J’essaie de leur inculquer certaines valeurs surtout l’amour d’autrui et la sauvegarde. J’essaie de leur montrer un bon exemple. » Marianne Ntirujinama témoigne qu’elle a eu beaucoup de problèmes au cours de sa carrière. «En 1993, j’ai failli mourir à cause de mon appartenance politique. Cet épisode sombre a renforcé mon engagement en faveur de la paix».
Marianne Ntirujinama conseille aux femmes et aux jeunes filles de ne pas se discriminer. «Lorsque je dirige des réunions, je les pousse à prendre la parole. Je leur dis de ne pas avoir peur de s’exprimer en public. Je leur montre qu’elles sont capables d’exercer n’importe quel travail à l’instar des hommes.»
Pour elle, l’époque de la discrimination des femmes est révolue depuis belle lurette. «La toile d’araignée qui obscurcissait les yeux des femmes a été levée. Il faut sortir des ténèbres pour aller devant la lumière».
Par Abbas Mbazumutima et Fabrice Manirakiza