Samedi 23 novembre 2024

Société

Les adieux à Joseph

09/11/2018 Commentaires fermés sur Les adieux à Joseph
Les adieux à Joseph
Une cérémonie très émouvante, suivie par des centaines de personnes, l'église Saint-Julien (Auderghem) est pleine

Par Antoine Kaburahe

Diversité. Dignité. Simplicité. C’est ce que l’on peut retenir des funérailles de Joseph Ntamahungiro . Ce jeudi, l’église Saint-Julien à Auderghem est pleine. Une foule diverse. Burundais, Rwandais, Congolais, Belges, etc. « Choeur joyeux », la chorale, colorée également, chante dans toutes les langues. Le Kirundi, le Kinyarwanda, le Français, le Lingala… il y aura même un chant camerounais…

Hilarie, l’épouse de Joseph, entourée par ses enfants est digne dans sa douleur. Au début de la messe, la voix étranglée par l’émotion, Aurore, sa fille cadette, s’efforce de dire quelques mots sur son papa, sa douceur, son amour de la famille.

L’abbé Daniel Nahimana, un compagnon de route de Joseph depuis le séminaire de Mugera rappelle dans son homélie combien Joseph était un homme d’action. « Joseph faisait partie de plus de dix associations, dans lesquelles il était pleinement engagé. » Pour l’abbé Nahimana, comme journaliste, Joseph avait une énorme passion : chercher la vérité ! « La vérité vous rendra libres », disait Jésus a rappelé le prêtre, ému.

Autre moment fort, les intentions de prières dites par les enfants du défunt et leurs proches. Ils vont demander de prier pour la paix dans les Grands Lacs, les prisonniers, les exilés, les journalistes, ceux qui souffrent, bref tous les combats chers à Joseph.

Comme si la nature s’y mettait, pour une séparation moins triste, un soleil doux inonde Bruxelles et accompagne la foule vers le cimetière du Transvaal. C’est là que sont prononcés les adieux. Toujours dans la dignité. Hilarie, triste, mais altière, Dieudonné, le fils aîné, très courageux, semble déjà marcher sur les traces de son père. Michel Ange, costaud et protecteur se tient auprès de sa maman comme un garde du corps. Aurore, sourit, embrasse les amis et ne lâche pas la main de Laetitia, très affectée. Une famille meurtrie, unie dans sa douleur.

Dieudonné, le fils aîné de Joseph et sa soeur Aurore. Dieudonné a impressionné par son courage

Puis, tout le monde va se retrouver autour d’un verre. Plusieurs personnes vont prendre la parole pour évoquer la vie de cet homme qui a laissé un souvenir impérissable partout où il est passé. Parmi les témoignages émouvants, celui de sa « famille » de Suisse. Entre les Ntamahungiro et les Durrer, c’est une longue et profonde amitié née il y a longtemps, quand Joseph était étudiant en journalisme à Fribourg. La famille suisse est venue en force pour accompagner l’ami , plutôt le frère.

C’est l’Abbé Daniel Nahimana qui semble avoir mieux résumé qui était cet homme en reprenant un extrait d’un texte que Joseph avait écrit sur ce qu’est un « citoyen engagé ».

D’après Joseph, les vertus d’un tel homme sont  le courage, l’abnégation, la détermination et la patience. « Il doit semer sans être sûr de récolter les fruits de son labeur de son vivant. Tout ce qu’il doit souhaiter, c’est que d’autres poursuivent la mission qu’il aura entamée ».

Joseph a été ce « citoyen engagé ». Il a réalisé avec succès sa part.

A nous de continuer sur sa lancée ! Qu’il repose en paix !

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Extrait de l’homélie de l’abbé Daniel Nahimana

(…) La difficulté, voyez-vous, c’est que Joseph était un homme d’une grande simplicité. Rien d’extravaguant en lui. Fils d’un honnête paysan, travailleur infatigable, cultivant l’ordre et la pondération, une ponctualité au chrono suisse.

Joseph, c’était aussi la fidélité monacale. Il me disait qu’à 18h, il devait être en famille, quoiqu’il advienne ! La famille et l’amitié, c’était sacré !

(…) J’ai eu l’honneur de marcher avec toi, avec quelques personnes courageuses, triées sur le volet, pour appeler nos compatriotes à un sursaut d’humanité et compatir avec les victimes de ces barbaries. Tu t’en vas alors que notre combat n’était pas encore gagné. Mais je suis sûr que tu continueras à appuyer ces projets qui nous passionnaient tant : la reconnaissance du génocide Hutu de 1972, la béatification de l’abbé Michel Kayoya et des enfants de Buta, la commémoration commune de toutes les victimes hutu, tutsi, twa, ganwa et expatriées…que connaît le Burundi.

Extrait du discours d’Antoine Kaburahe

(…) En Suisse, Joseph va d’abord faire un diplôme en philosophie, mais surtout il va étudier le journalisme. Je pense que c’est le métier qui correspondait le plus à sa personne, à ses valeurs. Joseph avait ancré en lui ce journalisme authentique basé sur le respect des faits, la vérité, l’intégrité. Un journalisme très courageux. (…)

La vie de Joseph n’a pas été un long fleuve tranquille, il a vécu beaucoup de souffrances , une vie marquée par l’exil. Il a perdu beaucoup d’amis, de proches, mais ce qui est extraordinaire, toutes ces tragédies n’ont pas pollué son idéal humaniste. Au contraire, les souffrances l’ont rapproché de ceux qui souffrent. Rien de ce qui est humain ne lui était étranger, il était l’ami, le frère de l’homme qui souffre. (…)

Pour moi, c’était un homme qui se jouait de toutes les barrières communautaires et les frontières géographiques. Il était à l’aise avec tout le monde. Un homme d’ouverture, universel.

Cher Joseph tu resteras pour toujours notre « Président ». Merci pour tout.

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