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Elections 2020

Léonard Nyangoma : «Nous observons un processus électoral faussé dès le départ»

15/05/2020 Commentaires fermés sur Léonard Nyangoma : «Nous observons un processus électoral faussé dès le départ»
Léonard Nyangoma : «Nous observons un processus électoral faussé dès le départ»

Les Burundais sont appelés aux élections le 20 mai. Léonard Nyangoma dont le parti (CNDD) a boycotté ces scrutins explique qu’il fallait «mettre fin à la crise politique » avant la tenue de ces élections.

La campagne électorale est en cours au Burundi, qu’est-ce que vous en dites ? 

Oui, je suis de temps en temps et sans beaucoup d’engouement  le processus électoral en cours  même si mon parti le CNDD a décidé souverainement de ne peut cautionner une élection biaisée dont les conséquences prévisibles sont l’amplification des violences généralisées dans le pays. C’est une campagne  dominée principalement par deux partis en compétition.

Avant d’en arriver à ces violences, quid des conditions pour tenir de bonnes élections ?

Nous assistons non pas à une confrontation d’idées, de programmes novateurs, mais à des joutes de violence verbale outrancières et physiques, le parti au pouvoir disposant d’une jeunesse armée au lieu de calmer la situation, fait tout pour enflammer la situation. Toutefois, rien ne nous surprend, c’est le contraire qui nous aurait surpris, une élection préparée et organisée sur un fond de crise politique depuis 2015 risque d’aggraver la situation.  Organiser une élection dans de telles conditions,  c’est de l’irresponsabilité, c’est même criminel, il fallait d’abord mettre fin à la crise politique avant de convoquer les élections dont malheureusement le risque de dérapage semble de plus en plus inévitable. Les responsables de ce gâchis en répondront devant l’histoire.

Comment expliquez-vous une telle situation?

Les élections chez nous dégénèrent en crise politique cyclique à cause de l’impréparation et de la précipitation. Premièrement, dans le contexte actuel du Burundi, nous observons un processus électoral faussé dès le départ, car les conditions d’une élection libre et transparente n’étant pas réunies. Le CNDD avait alerté l’opinion nationale et internationale déjà au mois d’août 2019. J’aimerais rappeler certaines de ces conditions que le CNDD a proposé : la mise en place d’un cadre de dialogue pour créer un climat de confiance mutuelle au sein de la population après la longue crise politique de 2015 qui a endeuillé le Burundi, la libération des prisonniers politiques, le retour digne des 500.000 réfugiés, mettre fin à la persécution des militants de l’opposition, supprimer les mandats d’arrêt contre les leaders de l’opposition et de la société civile, procéder au désarmement des Imbonerakure, la révision des textes de loi dont le code électoral pour les rendre plus démocratiques et conformes à l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation. Mettre en place un gouvernement crédible à mesure  de superviser le processus électoral, désigner une CENI et ses démembrements crédibles et inclusifs, en quelques mots créer  un climat d’apaisement et de confiance dans le pays…Espérons que le futur gouvernement mettra en place ces conditions pour ouvrir les espaces de jouissance des libertés  politiques.

Deuxièmement, comme les élections sont sciemment mal préparées, nous observons une campagne électorale des partis sans référence idéologique. Un parti politique  normalement se définit par son idéologie, sa base sociale, son type d’organisation et ses thèmes de mobilisation. Nous avons connu à l’époque des indépendances en Afrique  des visions clivantes, nationalistes, progressistes, modérées. Mais aujourd’hui, il est impossible de percevoir les différences idéologiques. Tout le monde se dit  pour la démocratie et la bonne gouvernance. Ce genre d’alignement unanime rappelle en réalité la bonne vieille idéologie libérale au XXème siècle en Europe.

Alors comme conséquence du verrouillage des espaces politiques, les partis politiques ne se réveillent que pendant la période électorale. Le peuple se mobilise, galvanisé par la promesse d’une victoire inévitable. L’alternance tant attendue n’améliore rien au quotidien des citoyens. A la prochaine   échéance électorale, les voleurs, les criminels seront toujours là. Toutefois, l’alternance reste préférable à l’auto-enfermement du régime dans une logique « après moi c’est le déluge, c’est la fin du monde.

Que faire pour redresser cette situation que vous décrivez si désespérante et potentiellement dangereuse ?

Les changements électoraux ne sont qu’un aspect, pas toujours le plus essentiel, ni même le plus urgent, de la lutte pour asseoir la démocratie dans nos pays meurtris par des crises politiques répétitives. C’est la société, toute la société qu’il faut transformer. L’obsession électorale passe à côté de l’essentiel et produit  des effets pervers. Combien de partis par exemple qui abordent en profondeur la question paysanne, en l’absence d’études sur les conditions de vie du monde rural et des travailleurs. Combien qui abordent les  questions géopolitiques et géostratégiques pour comprendre les enjeux et les intérêts qui gouvernent le monde? Des études du genre sont des outils indispensables de l’appropriation de la chose politique par les citoyens. Un espace politique ouvert non verrouillé dans l’avenir devrait permettre aux partis politiques  de fonctionner comme des écoles d’éducation politique pour donner aux militants les outils d’analyse politique et de gestion du pouvoir, pour développer un esprit de discernement et d’analyse critique. De ce fait,  les militants pourront dans ces conditions assimiler l’idéologie du parti.

Et à défaut de cela, quelles sont les conséquences…

L’absence d’une ligne générale assimilée par l’ensemble des militants amène le chef, à décider de tout, reproduisant ainsi la gestion individualiste reprochée au pouvoir, d’où les retournements d’alliance, la multiplication des scissions et surtout l’achat des consciences principalement pendant les campagnes électorales. Les partis de la transformation sociale devraient se départir de l’obsession électorale et d’élaborer des projets à long terme, l’enracinement populaire et armer politiquement et intellectuellement les générations futures, sinon on restera  à la case départ.

Les meetings rassemblent des foules pendant que le monde est confronté au coronavirus. Votre commentaire.

C’est criminel et irresponsable d’organiser une campagne électorale pendant qu’une pandémie mondiale est en train de décimer des milliers de gens. A l’heure où je réponds à vos questions, nous apprenons que mes compatriotes sont en train de mourir dans le silence absolu coupable du régime en place. Cyniquement même s’ils ne le disent pas, ils ont peur de suspendre leur pseudo processus électoral, ils préfèrent sacrifier leurs électeurs  au profit de leurs intérêts non avoués.

 

 

 

 

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Le président du parti CNDD aujourd’hui en exil en France a été élu député aux élections de 1993 puis nommé ministre de la Fonction Publique dans le gouvernement d’ouverture. En 1994, il a été désigné ministre d’Etat chargé de l’Intérieur et de la Sécurité Publique avant de rejoindre le maquis en 1994. Il fonde alors le mouvement CNDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie) et sa branche armée le FDD (Forces pour la Défense de la Démocratie). De 2005 à 2010, il était député pour le compte de son nouveau parti le CNDD. En 2015, Léonard Nyangoma a été parmi les membres fondateurs du CNARED dont il devient le premier président d’août 2015 à avril 2016.

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