Depuis mai 2019, l’Eglise El-Shaddai traverse une crise, ses dirigeants sont divisés et se sont engagés dans une bataille judiciaire. Elle a commencé ce lundi 9 novembre à la Cour administrative.
Deux parties se disputent la direction de l’église El-Shaddai de Bujumbura depuis 5 mois. La première partie est représentée par le pasteur Olivier Derrain, fondateur de l’église et Floribert Nkezabahizi. L’autre partie est constituée de nouveaux organes contestés issus de l’assemblée générale du 22 mai 2019, représentée par Eric Ndayikengurutse dont les résolutions ont été entérinées par le ministre de l’Intérieur.
Une partie représentée par le pasteur Olivier Derrain et Floribert Nkezabahizi a porté plainte à la Cour administrative contre le gouvernement en annulation de la prise d’acte par le ministre de l’Intérieur qui a validé les conclusions de l’Assemblée générale du 22 mai. L’audience publique de ce lundi 9 novembre portait sur la recevabilité de l’affaire par la cour.
Devant les juges, les avocats de la partie demanderesse accusent le ministre de l’Intérieur d’avoir pris acte des résolutions d’une assemblée générale qu’ils qualifient ’’d’irrégulière et d’illégale’’.
« Nous avons porté plainte contre la décision du ministre qui a validé les conclusions de l’assemblée générale illégale. Nous demandons à la cour de recevoir nos plaintes et annuler cette prise d’acte», a insisté un des avocats.
Pour l’avocat du gouvernement soutenu par l’avocat de la direction contestée, la prise d’acte du ministre de l’Intérieur n’est pas un acte décisoire. Pour eux, il n’est susceptible d’aucun recours devant la Cour administrative. « Les décisions attaquées pour annulation sont des décisions prises par les autorités administratives. Mais dans le cas qui nous concerne, il ne s’agit pas d’une décision du ministre, c’est juste une prise d’acte des décisions prises par l’assemblée générale», explique Modeste Niyonsaba, avocat-conseil des nouveaux organes dirigeants.
La partie demanderesse démontre que cet acte du ministre est décisoire. «C’est un acte qui valide et entérine. Et entériner c’est doter des droits et des obligations à la chose entérinée», fait savoir Me Désiré Habarugira. Et d’expliquer que le ministre ne signe pas les yeux bandés mais qu’il doit en vérifier la régularité.
Après différentes observations, le président du siège a demandé aux parties au procès s’ils ont d’autres éléments à verser dans leurs dossiers. L’affaire a été mise en délibérée. La cour va statuer et se prononcer sur la recevabilité de l’affaire.
Que s’est-il passé ?
Selon Me Désiré Habarugira, avocat de la partie représentée par le pasteur Derrain, dans une lettre du 6 mai 2019, le ministre de l’Intérieur lui a écrit pour organiser une assemblée générale pour mettre en place les nouveaux organes dirigeants ainsi que les nouveaux statuts conformément à la loi régissant les confessions religieuses en vigueur endéans deux semaines.
Elle s’est tenue le 20 mai. « Donc c’était dans les délais. C’est Floribert Nkezabahizi qui a été élu représentant légal. Les conclusions ont été transmises au ministère».
Il fait savoir que le même jour, le ministre a écrit au représentant légal suppléant, Louis Ndababonye pour organiser une autre assemblée générale dans 72 heures. Elle sera tenue le 22 mai. « Ces sont les résolutions d’une assemblée générale irrégulière qui ont été validées par le ministre de l’Intérieur ».
De son côté, Modeste Niyonsaba, avocat-conseil des nouveaux organes dirigeants, indique que le conflit a commencé en 2016 entre pasteur Olivier Derrain et son épouse Isabelle Derrain, tous fondateurs de l’église.
Suite à un conflit d’ordre familial, souligne-t-il, ils se disputent la direction de l’église. Isabelle sera exclue, de toutes les activités par le comité sous l’instigation de son mari. Elle saisira alors le ministère de l’Intérieur car elle considérait que son exclusion du comité et de l’église était irrégulière.
Cette question a été soumise à l’organe de régulation et de conciliation des confessions religieuses, ORCR qui a organisé une réunion avec toutes les parties prenantes le 4 avril 2019.
Mais le pasteur Olivier ne s’est pas présenté. Après un rapport a été transmis au ministre qui a écrit une lettre à Olivier Derrain pour organiser une Assemblée générale endéans deux semaines avec les 7 membres de 2016.
Les participants devraient être les membres fondateurs actifs (pasteur Derrain et sa femme Isabelle), les membres effectifs de 2016, un représentant de l’organe de régulation pour le changement de leadership.
Cet avocat fait savoir que la réunion organisée par le pasteur Derrain n’a pas respecté les instructions du ministre. Elle a été organisée le 20 mai avec une quinzaine de nouveaux membres nommés entre janvier et février alors que le ministre avait déjà instruit au représentant légal suppléant de l’organiser endéans 3 jours. « Elle aura lieu le 22. On ne peut avoir une Assemblée générale aussi régulière que celle tenue. Les conclusions ont été transmises au ministre pour validation».
Certains fidèles supporters d’Olivier Derrain, pasteur déchu, qui ne peut plus accéder à l’église depuis juin 2019 se disent choqués. « Amener la police qui est censée protéger la population là où il y a les conflits la poster là pour empêcher un pasteur visionnaire d’entrer à l’église et d’autres chrétiens ? ».
Face à ces appréhensions, Modeste Niyonsaba est catégorique : « On a pris la décision de lui interdire l’accès. Ceux qui veulent perturber l’ordre n’ont pas de place dans l’église ».
Il accuse le pasteur Olivier d’avoir demandé aux fidèles de se lever et partir en plein culte et jure qu’un tel personnage ne peut pas venir perturber l’ordre.
Les conflits de leadership dans les confessions religieuses sont devenus récurrents. L’église adventiste du 7ème jour et l’église Vivante en sont les exemples probants. Des échauffourées ont déjà fait des victimes.